Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Présidentielle française : les paris restent ouverts

par Pierre Morville

Comment expliquer cette très complexe élection française aux citoyens algériens dont la compréhension échappe encore beaucoup aux électeurs français ?

Mardi soir, s'est tenu le grand débat du premier tour de l'élection présidentielle française. Une chaine d'information, BFMTV, avait organisé une grande première : inviter les 11 candidats à la « magistrature suprême », le même soir, à présenter l'essentiel de leur programme et à échanger entre eux.

Il faut tout d'abord saluer le coup journalistique : rassembler onze candidats, pendant près de quatre heures, en leur donnant le même temps de parole (17 minutes) sans que cela ne tourne pas seulement à l'énoncé de simples discours formels de bonnes intentions ou à l'inverse à une foire d'empoigne d'agressions polémiques, relevait du pari risqué. Il a été gagné et le principe de cette confrontation deviendra une sorte de règle institutionnelle. Combien de téléspectateurs ? 6,3 millions. Dans les faiblesses de ce premier débat apparaissent évidemment les contraintes du temps disponible : comment pour chaque candidat présenter et expliquer son programme présidentiel, répondre aux attaques de ses concurrents en un peu un quart d'heure, toutes prises de parole réunies ?

BFM TV avait eu la prudence de limiter, un peu, le champ des questions abordées : le travail, la sécurité et le social. Chaque candidat devait répondre à au moins trois interrogations : Comment créer des emplois ?

Comment protéger les Français? Comment mettre en œuvre votre modèle social ? Deux autres questions étaient posées aux onze prétendants en introduction et en conclusion du débat : « Qui êtes-vous?» pour débuter, et « Comment rassembler les Français ? » pour conclure. Vastes débats?

Malgré ses limites, ce grand show présidentiel a permis de faire connaître aux Français, les 11 candidats : cinq « gros » candidats déjà largement suivi par les média mais également les six « petits ». Au résultat, à la question « qui vous a le plus convaincu ? », surprise, selon les sondages de 20 % à 25% des téléspectateurs ont été séduits par Jean-Luc Mélenchon qui prend la 1ère place, 19 % par Emmanuel Macron et 17 % par François Fillon. Suivent Marine Le Pen (10 %), Benoît Hamon (8 %) et, parmi les « petits » candidats, Nicolas Dupont-Aignan (5 %).. Parmi les « petits » candidats, François Asselineau (qui souhaite le départ de la France de l'UE) et Philippe Poutou (extrême gauche) ont convaincu, eux, 3 % de téléspectateurs chacun.

Derrière ces chiffres qui doivent paraître très lointains pour les lecteurs du Quotidien d'Oran, quelles sont, à travers ce débat, les principales leçons de cette campagne ?          La principale question reste le dossier social. Le chômage reste la préoccupation principale avec 3,5 millions de chômeurs recensées officiellement, et en réalité selon les études, plus de six millions à onze millions de très précaires ou inactifs forcés à des de degrés divers. La stagnation générale du pouvoir d'achat depuis plus d'une décennie, avec des reculs manifestes dans de nombreuses catégories de la population crée beaucoup de tensions sociales.

Sur ce dossier, deux grandes tendances s'affrontent, déplaçant les clivages traditionnels droite / gauche. Dans les partisans d'une « politique de l'offre » visant à trouver une relance de l'économie en allégeant les charges des entreprises, on trouve principalement Emmanuel Macron, ancien ministre de l'économie de François Hollande, et se situant aujourd'hui au centre de l'échiquier politique, et François Fillon, le candidat de la droite traditionnelle.

Parmi les partisans d'une « politique de la demande » visant pour l'essentiel à relancer l'économie par une augmentation du pouvoir d'achat des Français, on retrouve Jean-Luc Mélenchon, un peu Benoit Hamon mais également, à l'extrême-droite, Marine        Le Pen et beaucoup d'autres « petits » candidats.

Le clivage droite/gauche se complique mais surtout il se double d'une autre division, sur la question sensible de l'Union européenne, entre les pro-européens (Macron, Fillon, Hamon) et les eurosceptiques (Marine Le Pen, Mélenchon, Dupont-Aignan).

Mélenchon, gagnant du débat

Au-delà, ce fut également un choc des personnalités. Les deux candidats les mieux placés pour figurer gagnant au 1er tour restent dans les sondages, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Les deux ont joué mardi soir la carte d'une grande prudence. Le leader du Front national a mis un fort bémol sur sa politique anti-immigrée et parue parfois très hésitante. Emmanuel Macron est resté largement imprécis sur le détail de la politique qu'il souhaite mener s'il est élu.

François Fillon, principale représentant de la droite traditionnelle, reste en seconde ligne du fait des nombreuses « affaires » dans lequel il est mêlé, entre l'emploi fictif de sa femme Pénélope et ses liens compliqués avec l'argent. Il a été rudement secoué mardi par un petit candidat, Philippe Poutou, de l'extrême-gauche : « François Fillon, voilà, il est en face de moi, a-t-il déclaré, que des histoires. Et plus on fouille, plus on sent la corruption, plus on sent la triche. En plus, c'est des bonhommes qui nous expliquent qu'il faut la rigueur, qu'il faut l'austérité, et eux-mêmes piquent dans les caisses publiques donc il y a un petit problème de ce côté-là ». François Fillon n'a pas voulu répondre à cette mise en cause.

Il était en 3ème position dans les sondages, mais Nicolas Sarkozy vient de le lâcher spectaculairement, selon une information du Canard enchaîné.

Cette position de 3ème candidat dans les résultats du 1er tour de la présidentielle, pourrait être contestée par la popularité croissante de Jean-Luc Mélenchon, devançant largement Benoit Hamon candidat d'un Parti socialiste totalement explosé.

Macron, Le Pen, Mélenchon ? La partie n'est pas terminée?

Dernière surprise de cette campagne surprenante, l'absence totale de débat sur la politique étrangère de la France : à part la question européenne tout juste récemment abordée, pas un mot sur les relations à conduire avec les États-Unis de Donald Trump, ou avec la Russie de Vladimir Poutine. Quelle politique menée avec les risques de guerre dans des régions frontalières comme l'Europe orientale, ou le Proche-Orient ?

Quelle politique active à mener contre Daesh qui sera certainement tenté de s'inviter à sa manière dans l'actuelle campagne présidentielle française ?