Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une distanciation confirmée

par Moncef Wafi

Cazeneuve à Alger c'est la présidentielle française qui s'invite chez nous, sinon quel sens donner à la visite du Premier ministre français, à moins de trois semaines du premier tour des élections pour l'Elysée ? Si, officiellement, on est dans le bilan des relations bilatérales et le suivi des dossiers politico-économiques communs, il n'est un secret pour personne qu'outre la casquette de Premier ministre, Cazeneuve est également dans la peau d'un envoyé spécial, très spécial, venu convaincre les Algériens d'appuyer la candidature de Macron. Une lecture qui s'impose d'elle-même vu le contexte actuel et le prétendument rôle d'Alger dans les élections françaises.

Le déplacement du locataire de Matignon ne peut échapper à cette extrapolation d'autant plus qu'à quelques jours du pot de départ de Hollande, on voit mal l'urgence d'une actualité, quelle qu'elle soit, qui l'obligerait à rester 48 heures à Alger. Quel est donc son message ? Soutenir Macron, l'option semble de plus en plus se dessiner parmi les décideurs nationaux d'autant que le candidat de l'establishment a fait vœu de condamner le colonialisme, imitant en cela son parrain Hollande. On l'a assez dit et écrit qu'Alger est une destination incontournable des candidats à l'Elysée, toutes chapelles confondues, mais de là à croire à l'influence, avérée ou supposée, exercée sur les Algériens de France, il n'y a qu'une ligne à franchir. Pourtant, il y a de plus en plus d'observateurs qui ne risqueraient pas à la franchir, cette frontière, conséquence d'une situation confuse et trouble qu'entretient la communauté émigrée avec Alger.

Une distanciation confirmée par les montants des transferts en devise à partir de l'Hexagone, à comparer avec les Marocains et les Tunisiens, mais surtout par la nouvelle Constitution sévèrement critiquée par la diaspora algérienne à l'étranger, principalement installée en France et au Canada, à cause de son article 63. Le texte énonce que la nationalité algérienne exclusive est requise pour l'accès aux hautes responsabilités de l'Etat et aux fonctions politiques, entre autres la présidence des deux chambres du Parlement, du Conseil constitutionnel, de la Cour suprême et du Conseil d'Etat, à la fonction de Premier ministre et des membres du gouvernement ainsi que les principales responsabilités et fonctions au sein de l'armée. Ce rappel pour souligner le fossé qui existe entre Alger et ses ressortissants à l'étranger. Maintenant s'il existe toujours des canaux d'influence souterrains que les Français connaissent, ça c'est une tout autre histoire.