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Si les inspecteurs de l'education nationale ont cautionné l'échec scolaire, les chefs des établissements scolaires l'ont promu

par Chaïb Aïssa-Khaled*

En effet, si les inspecteurs de l'Education nationale ont, par leur mutisme, cautionné l'échec scolaire, les chefs des établissements scolaires l'ont promu par désinvolture si ce n'est par incompétence.

Il à noter que beaucoup d'entre les chefs des établissements scolaires, il est ceux de la 25ème heure. Ceux qui mal armés intellectuellement, manquent de ce savoir générateur du savoir-être et du savoir-faire et ceux qui, mal armés culturellement, sont convaincus qu'ils sont parfaits, irréprochables, puissants, au-dessus de tout soupçon.

Inféodés à l'intellectualisme contingenté, ils adoptent une attitude de défense contre tout ce qui ne leur ressemble pas, (contre ce qu'ils ne peuvent gérer). Ils versent alors dans des accommodements provisoires, dans des aménagements transitoires, dans des formules dépassées pour en fait, ne rien changer au désordre des choses dont la mise en ordre devrait être pourtant leur pierre angulaire, comme elle devrait être celle des Inspecteurs de l'éducation nationale, celle des enseignants et pourquoi pas, celle des parents d'élèves qui devront impérativement cesser d'être un vulgaire applaudimètre et de donner, sans vergogne, leur progéniture aux injures du temps en démissionnant de leur responsabilité.

Inféodés à l'intellectualisme contingenté, ils ne peuvent affronter le rigorisme de la raison, la sévérité de la vérité, les limites de la liberté, l'impartialité de la justice, la rigueur de la justesse. Ils « s'emmitouflent » dans leur rationalisme morbide, si ce n'est dans une espèce de fierté très mal placée, du reste.

Se contentant de confondre le bien avec leur volonté, ils nourrissent une platitude professionnelle démesurée, à telle enseigne qu'ils donnent l'impression, par leur mutisme éloquemment complice, de promouvoir une école lépreuse. La dégradation exponentielle de l'immobilier et des équipements scolaires ne les inquiètent nullement. Les élèves abusés par l'échec scolaire qui les taraude et les enseignants désabusés et abandonnés sur la pente de leur imagination féconde en subtilités superflue et qui se renvoient, les uns les autres, cette image dévalorisée d'eux-mêmes, est le benjamin de leurs soucis. Et quand des reproches leur sont faits, ils vous diront, toute honte bue, « nous avons saisi la tutelle ».

Cela dit et faute manifeste de compétences et de qualifications professionnelles, ils peinent à réhabiliter leur autorité carencée du reste. (A titre d'illustration, les veilleurs de nuit supposés veiller et garder les établissements sont rétribués pour y dormir.

Un simple contrôle inopiné permet de vérifier cet état de fait). Pour réhabiliter leur autorité, ils l'exhibent dans des sursauts théâtralisés en débridant leur instinct de rédempteurs car ils éprouvent, de temps à autre, le besoin de donner un semblant d'allure pédagogique à la gestion de la mission éducative dont ils sont en charge. Au final, agissant de la sorte ils ne font que s'inventer un reflexe monopolistique qui ne leur ressemble pas, ils ne font qu'évoluer dans une espèce de narcissisme professionnel alors qu'en réalité, ils ne font que brouter dans des maquis desséchés en se « ghettoïsant » dans le simplisme qui est, tout compte fait, leur propre.

Par ailleurs, au lieu de prendre acte des progrès pédagogiques qui se précipitent de par le monde, au lieu de s'intéresser aux découvertes scientifiques et technologiques que livre chaque jour, au lieu d'admettre que la manière de concevoir aujourd'hui ne sera plus de mise demain et encore moins après demain, que les plans de stratégie de développement devront se conformer aux paramètres qu'impose de facto l'embrayage sur le troisième millénaire et sur son corollaire immédiat, la mondialisation de l'idée et du comportement, ils s'enlisent dans un fonctionnariat indigent auquel ils prennent goût. Motus et bouche cousue et sans un zeste d'amertume, ils s'y investissent pour que le spasme de la régression persiste, perdure et génère plus de désordre social. Moralité, il leur appartient d'apprendre à être Chefs « d'établissements scolaires » au lieu de le paraître en se complaisant dans le rôle de « Chefs des personnels ». Il est, par conséquent, grand temps qu'ils se défassent des griffes de la « médiocratisation » qui affecte leurs reflexes. Il est grand temps qu'ils s'extraient du cloaque des sentiers battus et développent des valeurs authentiquement professionnelles, celles qui leur permettront de cerner efficacement leurs ambitions professionnelles, de collaborer avec les enseignants qui sont supposés les seconder à la mise en place d'une stratégie éducative et culturelle qui brisera les contraintes intra-muros, qui ne gérera plus la transition vers l'inconnu, qui ne s'emprisonnera plus dans le bricolage et dans le dilettantisme et de développer en chacun de leurs élèves de saines traditions de penser et d'agir ainsi que le sens de l'exactitude, de la rectitude et de la franchise. Il est grand temps qu'ils apprennent à entretenir la dimension de l'effort intellectuel consenti et non pas des points morts en chaîne, à se fixer des horizons ajustés à leurs moyens professionnels, à persévérer dans la voie dans laquelle ils s'engageront en quête de mieux réussir pour réussir plus, à opter pour la rigueur en se faisant confiance, à nourrir en eux-mêmes le sens de la participation concertée pour ne plus communier dans le « malentendu » et à échapper au solipsisme du savant et à l'égoïsme de l'ignorant.

Il est grand temps qu'ils n'affichent plus un mépris délibéré à l'endroit de la législation scolaire ainsi qu'à l'adresse de l'optimisation du rendement scolaire et développent une gestion de la mission éducative qui ne soit plus phagocytée par une prestation illusoire et sans portée réelle. Il leur appartient, par ailleurs, en tant qu'encadreurs professionnels, d'orienter l'enseignement à dispenser au lieu de s'enfermer dans un fonctionnariat stérile et piloter leur mission au jugé quand bien même les élèves s'engloutiront dans leurs lacunes. Il est grand temps qu'ils cessent de faire de la résignation une affectation définitive et de faire par conviction ce qu'ils ont, jusque là, accomplit par dépit.

Dans cette perspective, la mission éducative qu'ils ont à gérer est d'effectuer une percée dans l'actualité. La philosophie de celle-ci gravitera dès lors autour des dimensions de la modernité. Sa stratégie consistera à approcher de mieux en mieux les réalités futures. Toutefois ses plans psychopédagogiques, bien que hardis, pourront être soumis à des impondérables. Cependant et par souci de pouvoir maîtriser ces impondérables, ils émargeront à deux registres, celui de l'évaluation et celui de l'orientation.

A propos de l'évaluation

Les Chefs des établissements scolaires s'abstiendront de théâtraliser leurs analyses et leurs évaluations. Ils ne se contenteront pas de les stériliser à coup de fantasmes, souvent désarticulés d'ailleurs. Ils étayeront, par contre et au maximum leurs repérages et les relativités qu'ils sous tendent pour définir un paradigme de gestion qui assurera une formation, (éducation et instruction), qui soit adaptée aux exigences et aux besoins de leurs élèves. Autrement dit, ils ne feront pas dans l'évaluation qui conduit à des appréciations approximatives parce que totalement désincarnées des enjeux et défis escomptés, mais dans celle qui leur permet de concevoir et d'élaborer des stratégies-tactiques pédagogiques pouvant être innovantes.

Notons que ces analyses et ces évaluations devront être périodiques. Le souci est de juger de la concrétisation des objectifs fixés. Ils ne se limiteront, cependant, pas à rendre compte des résultats réalisés sans pour autant mesurer l'impact réel sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement dispensé. Cela dit, des évaluations établies, ils feront des études exhaustives qui leur permettront de cerner les points forts et les points faibles de leur gestion et d'apporter, en fin de parcours, des conseils pédagogiques et procéder à des ajustements nécessaires mais appropriés.

A propos de l'orientation des élèves

Ils veilleront à ce que leurs élèves apprennent à se déterminer de l'intérieur d'eux-mêmes. Cela suppose une parfaite connaissance de leurs complexes de besoins, d'aspirations, de goûts, d'intérêts, de tendance et d'inclinaisons et de leurs complexes d'aptitudes, d'affectivité et de raison. En somme, ce qui permet à chacun d'eux son utilité sociale.

A cet effet, les Chefs des établissements scolaires, collaborant scientifiquement avec les conseillers d'orientation scolaire, les enseignants, les parents d'élèves et les élèves eux-mêmes, se chargeront de faire émerger les aptitudes cachées ou apparentes de tout un chacun et de lui apprendre à prendre du recul vis-à-vis de lui-même pour reconnaître ses atouts et identifier la méthode dont ils devront être exploités pour que lui soit facilitée la recherche de son état d'équilibre.

A propos de cet état d'équilibre. Ils initieront chacun de leurs élèves à établir entre soi et sa future mission sociale, un état de franchise. La finalité de cette mission est certes complexe mais beaucoup trop importante pour que ne lui soient sacrifiés beaucoup de temps et beaucoup d'efforts. Cette finalité s'inscrira dans la traditionalisation d'un contrôle systématique de l'évolution des aptitudes supposées déterminées et acquises. Reste à dire que le perfectionnement de celles-ci est proportionnel au sens pédagogique de l'enseignant et à la capacité des Chefs des établissements scolaires à piloter le temps réservé à l'optimisation du rendement scolaire but assigné à la gestion de l'acte pédagogique lors de la conception de la répartition hebdomadaire des matières à enseigner. (Notons qu'il est communément connu que dans la quasi-totalité des établissements scolaires que cette répartition hebdomadaire des matières est tout simplement bâclée prétextant le manque des locaux. Souvent le cours d'éducation physique est dispensé en début de matinée ou en début d'après midi, ce qui incommode la vivacité des élèves, d'où la réduction de leurs capacité de rétention, de compréhension, d'assimilation et d'exploitation. Par ailleurs, le cours d'éveil ?mathématiques, leçons de choses, physique- est dispensé en fin de journée ce qui altère considérablement les quatre temps de l'acte pédagogique sus cités).

Notons que dans de nombreux cas, le perfectionnement des aptitudes individuelles des élèves, se heurte à la conception erronée que se font beaucoup de Chefs des établissements scolaires, n'ayant pas de connaissances de la sociologie scolaire. En matière de psychologie scolaire, ils s'accrochent tantôt à une psychologie de laboratoire, tantôt à une psychologie faite sur le tas. Se référant au subjectif, ils usent de procédés empiriques sans pour autant se douter que l'empirisme et l'apriorisme qu'il sous tend, ne peuvent jamais et en aucun cas éclairer sur l'essentiel et la vérité et iront même jusqu'à les dégrader.

Si les Chefs des établissements scolaires se limitent à théâtraliser leurs analyses et leurs évaluations et se contentent de les stériliser à coup de fantasmes, s'ils se livrent à de vulgaires appréciations approximatives, s'ils peinent à concevoir et à élaborer des stratégies-tactiques pédagogiques pouvant être innovantes et si les élèves constatent que leurs aptitudes sont soumises à des sélections désordonnées, ils ne sauront plus s'ils devront se contenter de recevoir une formation parce qu'ils devront la subir, s'il leur faudra dénoncer leur inadaptation à cette formation ou s'ils devront aller jusqu'à y accommoder leurs aptitudes au risque de les transformer et dans ce cas, ils manqueront d'être égaux à leurs rêves. (Etre égal à ses rêves est la première étape à conquérir par l'élève dans la recherche de son équilibre). Cela devra impérativement éclairer les Chefs d'établissements scolaires de façon objective, exhaustive et sans surenchère sur le but qu'ils devront s'assigner pour s'accomplisse leur mission avec le maximum de chances de succès ; Ils sauront dès lors, conduire leurs élèves à prendre connaissances de leurs atouts et de leurs faiblesses par une éducation de l'engagement et de la motivation devant le susciter.

L'engagement émoussant la résistance aux changements, la motivation les incitant à être sensible à la souveraineté du progrès. Les deux se conjuguant l'une dans l'autre, leur seront indispensables pour améliorer leur comportement intellectuel.

Il est donc, tout à fait clair, que les Chefs des établissements scolaires ne doivent pas continuer à ignorer que les mécanismes que l'éducation de l'engagement et de la motivation vise à faire acquérir à l'élèves, permettront à celui-ci de découvrir dans quelle catégorie d'individus il pourra se ranger pour accomplir son état d'équilibre et rentabiliser au mieux ses tendances.

Ces mécanismes, animés par un entraînement intensif véhiculés par des programmes accessibles aux élèves, se destineront à monter en ces derniers des aptitudes et des attitudes qu'ils galvaniseront par un travail de fond sur eux-mêmes, se déterminer de l'intérieur d'eux-mêmes. Cependant, leur permettre de se déterminer de l'intérieur d'eux-mêmes et de découvrir dans quelles limites ils peuvent réussir, n'est ni une panacée ni une recette mais une mission que le Chef d'établissement se doit d'accomplir en veillant à ce que chacun de ses élèves s'exerce à affronter des situations concrètes et à s'y adapter.

Cela dit et en tout état de cause, le succès de ce processus reste tributaire de la compétence et de l'engagement de tous ceux, (Directeurs départementaux de l'éducation nationale, Inspecteurs de l'éducation nationale, Chefs des établissements scolaires, enseignants, parents d'élèves, syndicalistes), qui sont chargés de piloter l'accomplissement des convictions de leurs élèves.

*Directeur départemental de l'éducation - Professeur-Chercheur INRE - Ecrivain-Auteur de 12 ouvrages