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Union européenne: Le spectre du «Grexit»

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

  La crise grecque est de retour dans l'agenda européen. Sept ans après et malgré trois plans de sauvetage, l'Europe constate consternée que la crise s'est aggravée. Le spectre d'un «Grexit» plane.

L'Union européenne (UE) s'apprête à affronter une autre crise sans doute plus grave pour sa survie avec la question grecque: y a-t-il quelques espoirs pour que la Grèce continue de faire partie du groupe des 19 pays de l'Euro-Groupe ou carrément de l'Union européenne? Ayant bénéficié depuis 2010, année de l'implosion de son modèle économique, de trois plans d'aide financiers, la Grèce est en cessation de paiement et cumule une dette de 320 milliards d'euros (pour une population de 10 millions d'habitants) représentant 180% de déficit de son PIB en dette publique. Réunis lundi à Bruxelles, les 19 ministres des Finances de la zone Euro-Groupe (partageant l'euro comme monnaie commune) examinaient les conditions d'une nouvelle aide de 86 milliards d'euros à la Grèce pour la maintenir en survie. Et les nouvelles des coulisses de la Commission européenne ne sont pas bonnes puisque elles évoquent le risque de la sortie de la Grèce de l'UE. Le «Grexit» évoqué déjà en 2010 revient à l'ordre du jour avec cette particularité que ce sont les «frères» de la famille européenne qui le suggèrent. A l'inverse de la Grande-Bretagne qui a décidé d'elle-même de quitter l'UE alors même que son économie se porte à merveille. A Bruxelles, le constat est alarmant: malgré les trois plans d'aide financiers accordés à Athènes depuis 2010 par le Mécanisme européen de stabilité (MES), le FMI et des prêts bilatéraux, la situation économique grecque s'est aggravée en creusant davantage le déficit de son PIB avec plus de 27%. Les réformes drastiques enclenchées, à la demande de l'Europe, par le gouvernement de gauche d'Alexis Tsipras bradant le secteur public (ports, aéroports, assurances, hôpitaux, etc.) réduisant les retraites et les aides sociales, coupant dans les dépenses publiques et la fonction publique, réformant le système fiscal n'ont pas suffi à remettre à flots l'économie du pays, au contraire, ces réformes ont plongé le peuple grec dans une situation de crise sans précédent. Conclusion: les réformes exigées et imposées par l'Europe ont échoué et aggravé le cas grec. Sans doute est-ce la raison qui a poussé le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, à déclarer: «Imposer des réformes supplémentaires à la Grèce équivaut à un Grexit». Schäuble sait de quoi il parle puisque son pays, l'Allemagne, est le principal détenteur de la dette grecque suivi par la France.

Du coup, la réunion de Bruxelles ressemble plus à une veillée d'adieux à la Grèce qu'à une opération de solidarité de l'UE et plus particulièrement de la zone Euro-Groupe à l'un de ses membres qu'est la Grèce. La situation est d'autant plus tendue que le gouvernement grec refuse, du moins d'après les déclarations de ses responsables, de sacrifier davantage le peuple grec sur l'autel de réformes supplémentaires imposées par l'UE. La situation dans le pays est au bord de l'implosion et ne saurait supporter un choc financier supplémentaire.

Du coup, l'UE se trouve face à une impasse politique: aider la Grèce en restructurant sa dette sur le long terme ne garantit pas son sauvetage et le retour à un équilibre budgétaire; la pousser à la sortie de l'UE ne remboursera pas la dette et provoquera un séisme politique qui mettra en péril la survie même de l'UE. En outre, comment expliquer et convaincre les autres peuples européens, particulièrement les Allemands et les Français, de continuer à supporter la faillite de la Grèce? Sachant que ces deux pays se prêtent à des élections législatives et présidentielle en mai (France) et septembre (Allemagne) prochains, l'angoisse des démocrates est pesante face au risque de récupération du «cas grec» par les partis populistes qui ont déjà le vent en poupe.