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Avec un nouvel emballage: Le lait coûtera plus cher dès le mois de mars

par Abdelkrim Zerzouri

  Par petits mots, voire par balbutiement, on fait passer le gros message qui concerne la hausse du prix du lait dès le mois de mars prochain.

Et, ce n'est pas à cause d'un recul de la subvention étatique à cette importante matière de première nécessité, qui plus est destinée en grande partie aux enfants, qu'on va augmenter ce prix, ni à cause d'une amélioration de la qualité, mais juste parce qu'on va passer du sachet de lait au lait en brique de carton. L'abandon de l'emballage du lait dans les sachets et son remplacement par les briques en carton, dès mars prochain, a fait savoir le président du Comité national interprofessionnel du lait (Cnil), Mahmoud Benchakour, induirait automatiquement «une augmentation du prix du lait subventionné dans une fourchette oscillant entre 5 et 8 DA, sachant que le lait en sachet subventionné est cédé actuellement à 25 DA».

Intervenant sur les ondes de la Radio nationale, le président du Cnil a glissé cette information dans le but évident de préparer l'opinion publique à cette prochaine hausse du prix du sachet (ou de la brique en carton) de lait. Incroyable jusque-là, cette hausse du prix du lait, classé parmi les produits de large consommation, prend forme. L'opinion publique, déjà mise au parfum de cette augmentation par le biais de canaux informels, «officialisée» maintenant, digère difficilement le fait de devoir «payer plus pour du carton». «On a toujours consommé le lait en sachet, et cela n'a tué personne, pourquoi alors changer d'emballage pour nous faire payer plus, et en des moments où les prix enregistrent une envolée quasi générale !», s'inquiètent des parents qui ont eu vent de cette augmentation. «Ce n'est vraiment pas le moment d'envisager un tel changement d'emballage pour nous taxer plus encore», ajoute-t-on. D'autres pensent que le marché de cet emballage en brique de carton, qui générerait inévitablement des retombées juteuses pour ceux qui auront la main dessus, doit certainement être plus important que le pouvoir d'achat du citoyen, qu'on va immanquablement assommer avec cette augmentation de trop.

Avant de faire cette annonce, M. Mahmoud Benchakour s'est longuement étalé sur le déséquilibre de l'offre et la demande sur le lait au niveau du marché local, et souligner les défaillances dans le créneau de l'élevage de vaches laitières, ainsi que d'autres volets qui, dans leur ensemble, ne justifient en rien la hausse annoncée. Dans ce cadre, il a rappelé que le nombre des vaches laitières au niveau national est largement en deçà du cheptel nécessaire pour répondre aux besoins en lait. Ce cheptel est constitué actuellement de 200.000 vaches seulement alors qu'il faudrait environ un (1) million de vaches laitières pour satisfaire la demande exprimée, a précisé M. Benchakour. Selon lui, la stratégie pour augmenter la production laitière locale nécessite le renforcement de la production fourragère et les activités liées à la filière, l'instauration d'un système de contrôle de la production et l'importation de vaches laitières pour combler le déficit.

Il est impératif, a-t-il poursuivi, de revoir le système d'élevage et de maintenir une durée de production des vaches laitières à 5 années au lieu de 2 à 3 années comme il se fait actuellement. Continuant à développer cet aspect «technique» de la filière lait, il a encore souligné que les besoins actuels sont de 4,5 à 5 milliards de litres/an alors que la production locale tourne autour de 600 à 800 millions de litres/an, soit un déficit de près de 4 milliards de litres/an qui est comblé par les importations, ajoutant que le taux moyen de consommation par personne est de 115 litres/an en Algérie. Questionné sur les quantités de lait que les éleveurs jettent parfois lorsqu'ils ne trouvent pas preneurs, M. Benchakour a expliqué que ce cas se produit généralement lorsque les cours mondiaux de la poudre de lait sont en baisse et que les transformateurs préfèrent l'acheter puisqu'elle leur revient moins cher que le lait cru local. Mais il a observé que c'est justement dans ce genre de situation que le Comité national interprofessionnel du lait (Cnil) doit jouer son rôle de régulateur en diminuant la distribution du lait en poudre aux transformateurs afin de les amener à s'approvisionner en lait cru local.

M. Mahmoud Benchakour a également proposé que pour réduire la facture d'importation de lait en poudre, des licences d'importation doivent être instaurées pour obliger les importateurs à investir localement, et ce, à l'instar de ce qui a été fait pour les concessionnaires des véhicules. Sur ce point, il a soutenu que le comité qu'il dirige a soumis cette proposition au ministère de l'Agriculture. Ce sont là des détails ou des pistes à suivre pour améliorer la filière lait en Algérie. Et, les propositions du président du Cnil sont très intéressantes, mais cela n'explique pas le pourquoi de cette précipitation du changement d'emballage du lait, qui induirait fatalement la hausse de son prix à la consommation. Une hausse à laquelle les Algériens commencent à devenir allergiques.