Que c'est
dramatique de constater que les Algériens ne font presque rien, de nos jours,
pour que les choses changent sérieusement. Ils sont comme installés, les bras
croisés et le cerveau mis en veilleuse, dans la plainte permanente. On entend
partout le bruit de leurs cris, mais pas celui de leurs actes. On entend ceux
qui critiquent mais pas ceux qui proposent, ceux qui saccagent les biens publics
mais pas ceux qui veulent construire, ceux qui fuient mais pas ceux qui restent
pour résister, ceux qui désespèrent mais pas ceux qui donnent de l'espoir à
cette jeunesse assoiffée du changement. Quant à l'élite, elle ne fait que
profiter des privilèges du système, puis parler sans agir ni réagir. Cela a
réduit le citoyen à un râleur incorrigible, guidé par les humeurs soudaines
d'une cuisine politique riche en surprises et le responsable à un rentier
bavard au gros ventre, sans conscience ni scrupules. La collusion entre ces
deux profils dans le tunnel du mépris et de l'incompréhension a accouché de
notre malheur. Qui d'entre nous peut nier, à ce titre, le poids extrêmement
négatif de l'appellation «el-ghâ'chi» (populace), du
reste reprise par un ex-haut responsable, selon laquelle les gens d'en bas sont
peu conscients, désorganisés et mal préparés au changement?
Et qui peut effacer en même temps ce cliché de cupide, de profiteur et de
démagogue qui colle à chaque responsable politique, fût-il armé d'honnêteté et
de bonne foi? Personne, hélas ! Le brouillard
sémantique étant, semble-t-il, planté à jamais dans un côté comme dans l'autre
du champ de vision. Ainsi, les nôtres qui ont mal digéré cette fausse
représentation des choses ne peuvent plus se regarder avec lucidité de
l'intérieur ni regarder leur prochain, la société, la nation, l'avenir, etc.
Or, «la seule révolution possible, pour reprendre les mots d'un célèbre
artiste, c'est d'essayer de s'améliorer soi-même, en espérant que les autres
fassent la même démarche». Bref, l'Algérien est ramené au fil des ans à
survivre au jour le jour, à ne penser qu'à sauver sa petite personne, sa tête
(mentalité de selek rassek)
comme dans ce récit mythique de «Djeha» qui,
indifférent au départ aux flammes qui ravagent son douar, se trouve sur le
qui-vive une fois celles-ci le menacent lui-même ! Sinon comment expliquer tout
ce gâchis? Pourquoi plus rien ne bouge chez nous? Pourquoi aucun bilan n'est positif que ce soit dans le
domaine de la santé, la culture, l'économie, le football?
Pourquoi la nation perd-elle ses compétences qui courent à toutes jambes au
portillon de l'exil? Et puis, à quand la fin de ces
discours démagogiques plats, ennuyeux et dépourvus du lyrisme qui rappellent la
vacuité des programmes proposés au peuple? Et quels
programmes pardi quand on sait que la dimension économique de la crise est
complètement négligée? Qu'aucune stratégie n'est
étudiée ou mise en avant n'était-ce pour apaiser les ennuis quotidiens de nos
compatriotes qui affrontent la crise à mains nues? A l'approche des élections législatives dont plus personne n'attend
de miracle, certains spéculent déjà sur la fracture du tissu social, pérorent
sur le décrochage et la violence scolaire, le recul du sens civique dans nos
rues et nos administrations, la mort de la morale en politique, les tentations
séparatistes, la fameuse «main de l'étranger» qu'on n'a jamais réussi, le
comble, à couper, l'envolée du taux du boycott ces dernières années, etc.,
quand d'autres se délectent sur les réseaux sociaux des vidéos de quelques
députés ukrainiens jetés par des foules en furie dans les poubelles !
Ultime sanction qu'ils souhaitent à tous ces élus opportunistes qui ne pensent
qu'à s'en remplir les poches et... partir.