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Elle seraient plus de 7000 - Mères célibataires, un chiffre loin de la réalité

par Moncef Wafi

Le sujet des mères célibataires a été évoqué, ce jeudi, à l'Assemblée populaire nationale (APN) à travers la question d'un député adressée à la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Mounia Meslem.

Le débat a porté sur «la hausse du nombre des enfants nés hors mariage ces dernières années», estimé à près de 7.000 en Algérie, contre 30.000 au Maroc et entre 1.200 à 1.600 en Tunisie. Ce à quoi la ministre a donné quelques chiffres loin d'être exhaustifs, précisant surtout que ce phénomène était «la responsabilité de tous, élite, familles et société civile».

Sujet tabou par excellence dans une société à fort ancrage traditionnel et religieux, les mères célibataires ont de tout temps été jugées à l'aune du sacré et du profane. Pourtant, les statistiques publiées, officielles ou données par des organismes indépendants, sont loin de refléter la précarité sociale de ces femmes partagées entre l'amour maternel instinctif et la peur du scandale. A titre illustratif, la ministre indiquera que «363 mères biologiques ont décidé de ne pas abandonner leurs enfants en 2016» alors que 1.237 enfants ont été enregistrés dans les 41 centres d'accueil que compte le pays jusqu'à novembre 2016. Des missions de son département, elle citera l'aide psychologique, sociale et éducative dans le cadre de la politique de l'action sociale et de la solidarité nationale, comme prévu par la Constitution et le suivi du «dossier de près pour assurer aide et assistance sociale à ces mères célibataires et tenter de les réintégrer dans la société».

Pourtant, Meriem Belaâla, présidente de SOS femmes en détresse, et lors d'un atelier de travail sur le premier «guide juridique pratique pour l'orientation des mères célibataires», tenu en mars 2016, avait déploré l'absence de lois et de «protection formelle» des mères célibataires qui est à l'origine des drames quotidiens. Elle reviendra sur «le bon vouloir de certains responsables», prenant en exemple des DAS qui ont refusé à la mère célibataire l'allocation mensuelle de 1.200 DA destinée à l'enfant. C'est le Réseau Wassila qui a mis en exergue le «vide juridique» concernant la prise en charge des mères célibataires, révélant que ces dernières «se battent pour donner à leur enfant le nom du père». Pour elle, «l'urgence est de donner toutes les possibilités à ces enfants d'avoir le nom de leur père», de «responsabiliser le géniteur» et de mettre fin au «côté aléatoire qui est loin du juridiquement correct».

Lors de cette même rencontre de mars, Nadia Aït Zaï, juriste et présidente de la Fondation pour l'égalité entre les femmes et les hommes, a confirmé l'absence de textes, sur le plan institutionnel, sur la prise en charge des mères célibataires ou des femmes en difficulté. Hormis l'ordonnance de 1967 traitant de la prise en charge de la mère en milieu hospitalier et de l'enfant abandonné, qui a été remise en cause dans les années 1980, précisera encore l'avocate pour qui il n'existe pas de volonté politique pour reconnaître la mère célibataire. Elle observera que «la famille monoparentale est en train de s'installer en Algérie» et que «l'État doit reconnaître».

Par ailleurs, la ministre a rappelé, ce jeudi, l'étude de terrain réalisée par le secteur de la Solidarité nationale, en coordination avec le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) sur la violence infligée aux adolescentes, couronnée par un plan d'action national annoncé en juin 2016. Le plan étant la consécration d'espaces de dialogue, d'écoute et d'orientation pour la réinsertion sociale de toutes les catégories vulnérables et les victimes de violence, les mères célibataires en particulier. Elle a appelé à intensifier l'action de sensibilisation de proximité et d'encourager la culture de dialogue et le discours religieux modéré.