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Retraite anticipée: Une véritable saignée

par Moncef Wafi

Depuis que le Premier ministre a confirmé que la suppression de la retraite anticipée entrera en vigueur le 1er janvier 2017, c'est la course

au dépôt des dossiers dans le milieu des travailleurs.

Presque tous les secteurs d'activité sont concernés par cette effervescence et les syndicats assistent, impuissants, à une véritable saignée des effectifs. La cause, comme expliquée par le secrétaire général du Syndicat algérien des paramédicaux (SAP), Lounès Ghachi, contacté par ?Le Quotidien d'Oran', réside dans la volonté de ces travailleurs de ne pas se retrouver coincés après l'ultimatum de Sellal. «C'est tout le monde qui veut prendre sa retraite», résume-t-il la situation expliquant qu'«ils ont préféré prendre leur retraite avant que ce ne soit trop tard». En effet, ils seraient plus de 500 000 salariés qui ne vont pas attendre l'âge de 60 ans pour arrêter leur carrière ou aller au-delà des 32 ans de cotisation pour prétendre à une pension complète de 80%. A propos de son secteur, Ghachi brosse un tableau gris où les prévisions ferment la porte aux illusions. Mettant le doigt sur l'insuffisance des nouveaux diplômés qui vont rejoindre le rang des paramédicaux, il tire l'alarme sur les prochains déficits en ressources humaines qui vont affecter durablement le travail des structures sanitaires, pour les années à venir. Il souligne l'absence de formation des paramédicaux qui a repris ces dernières années mais en nombre insuffisant comparé aux départs volontaires qui vont dépeupler les hôpitaux. Il a expliqué que les paramédicaux refusent de continuer à travailler, encore, quatre ou cinq ans pour rien. «On n'a rien et on vient de nous dire que ceux qui partent n'ont pas droit à la prime de départ», dira-t-il encore. Ce décalage entre nouveaux arrivants et le départ des anciens va se ressentir sur la qualité même des soins à recevoir puisque, explique-t-il, et avant l'annonce du projet d'amendement de loi en vigueur, des discussions étaient engagées avec les paramédicaux remplissant les conditions de départ à la retraite pour travailler une ou deux années supplémentaires et assurer en quelque sorte la formation des nouveaux, «mais maintenant, ils refusent de vivre la contrainte de devoir attendre plusieurs années». A l'Education, la même mobilisation est enregistrée et les Académies sont prises d'assaut par les travailleurs du secteur pour déposer leurs dossiers. Le secrétaire général du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), Idir Achour, a fait part, à la presse, de ses craintes d'assister à un départ massif des enseignants cette année. «Nous enregistrons 30.000 départs à la retraire chaque année. Avec cette décision de supprimer la retraite proportionnelle et celle avant l'âge, les candidats au départ augmenteront», a-t-il souligné. Pour sa part, El-Hadi Chemoun, membre de la section syndicale des cheminots, a fait savoir que dès l'annonce de la suppression de la retraite anticipée, beaucoup de travailleurs, contrôleurs et chefs de train ont déposé leurs dossiers de départ à la retraite. Selon lui, les travailleurs ne peuvent pas assurer le service au-delà de 55 ans. Rappelons que la décision du gouvernement de donner un sursis aux travailleurs désireux de sortir en retraite anticipée a été diversement commentée. Sellal, en indiquant que la loi fixant l'âge de départ à la retraite à 60 ans n'entrera en vigueur que l'année prochaine, a joué la montre afin de tempérer, au moins momentanément, les ardeurs des syndicats autonomes.

Cette manœuvre laisse aussi un peu de champ à l'UGTA pour dresser la nomenclature de ces fameux métiers pénibles que tout le monde du travail attend avec impatience. Un court répit mais pas de gel de la révision de l'ordonnance 97-13 du 13 mai 1997. Pour Ghachi, «on attend la rentrée sociale pour décider des actions à entreprendre», n'excluant ni sit-in ni grèves.