Le
problème du célébre café Nedjma
de Constantine qui est fermé depuis maintenant plus de 15 mois pour des travaux
de restauration, a fait l'objet d'une question posée au wali lors de la
dernière session de l'APW. On se souvient que dans le cadre de la manifestation
culturelle « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 » (CCCA2015),
l'établissement qui a été classé parmi le patrimoine culturel de la ville à
restaurer, au même titre que la médersa qui lui fait face et qui a été
transformée en musée des personnalités historiques, a été fermé le 14 avril
2015, soit deux jours avant le lancement de la manifestation en question. A
l'époque, lors d'une de ses visites à Constantine, la ministre de la Culture de
l'époque, Mme Khalida Toumi,
et le wali de Constantine ont visité le café et on réussi à convaincre son gérant, M. Mohamed Beldjoudi de fermer l'établissement afin de lui faire subir
des travaux de réfection qui ne devraient pas dépasser, lui ont-ils signifié,
une durée de deux mois, en lui garantissant que ces travaux seront entièrement
pris en charge par le ministère de la Culture. La restauration a été confiée à
l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels (OGEBC), organisme
sous contrôle du ministère de la Culture. Ce dernier a confié de son côté les
travaux à une entreprise venue d'une autre wilaya et qui a entrepris aussitôt
de démolir l'habillage des parois intérieures avant d'arrêter subitement les
travaux et plier bagage pour ne plus revenir !
Depuis,
15 mois sont passés et le gérant du café Nedjma ne
cesse de se plaindre, nous ont confié des élus de l'APW, du manque à gagner
qu'il subit depuis la fermeture de son café, tout en déclarant avoir adressé plus
de cinq correspondances au wali en demandant audience pour lui expliquer le
problème, aux ministres de la Culture qui se sont succédé au niveau de ce
département, et au Premier ministrelui-même. Sans
recevoir aucune réponse de ces autorités. Et l'établissement demeure toujours
fermé, tandis que les citoyens de la ville des ponts et les habitués du lieux ne cessent de jaser et de se demander si « Nedjma » rouvrira un jour ses portes et s'il ne s'agit pas
d'une mise à mort programmée de ce patrimoine culturel et historique de la
ville. Rencontré hier devant la médersa, un habitant de la
vielle ville, qui a vécu cette époque où ?Nedjma'
brillait de tout son éclat dans le ciel constantinois, nous confiera, avec de
l'amertume dans la voie : « si les murs de ce café mythique qui sont encore
debout pouvaient parler, ils diront combien ?Nedjma'
a joué un rôle indirect dans la naissance et l'accompagnement du mouvement
national algérien, combien de personnages historiques du pays et du monde cet
espace de la place Ladjabi (ex. Molière) avait
accueilli. C'est un patrimoine national ». Et de remonter aux origines
pour dire que le lieu qui servait d'étable pour les chevaux au début du XXème
siècle a été aménagé en café en 1928 par son premier propriétaire Hadj Khodja Laadjabi, dit El-Goufla, le nom par lequel était désigné aussi le café. Au
fil des ans et de la qualité des personnages qui le fréquentaient, il était
devenu un cercle culturel et non plus un café banal. Et notre
interlocuteur d'indiquer que le café Nedjma a vu
défiler de grands noms, tels que Kateb Yacine qui y avait trouvé l'inspiration
pour écrire son roman du même nom, œuvre qui, dit-il, non sans une certaine
fierté, figure maintenant au panthéon de la littérature universelle, le
philosophe constantinois Malek Bennabi, l'Imam
Abdelhamid Benbadis, ainsi que tous les membres
illustres de l'association des Ulémas qui ne sont plus à présenter et qui
faisaient de ce café leur lieu de rencontres, les défunts Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf, Hadj M'hamed
El-Anka, Mohamed Boukharrouba
(Houari Boumediene), à l'époque où il était simple étudiant à la Médersa El-Kettania, et qui ne manquait jamais de venir au café Nedjma pour siroter un verre de thé, l'écrivain Tahar Ouettar, Smail Hamdani, Mahieddine Bachtarzi, etc. « Quant aux étrangers, j'ai oublié
complètement les noms ». Et pour l'anecdote, termina notre
interlocuteur, ce café a connu au cours des années 30 la naissance du club de
football du Mouloudia de Constantine (MOC), créé en
1936 et parrainé par l'Imam Abdelhamid Benbadis. « Ah
! Si les murs pouvaient parler? », a lancé notre
témoin avant de nous quitter.