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Constantine - Encore un Aïd sous embargo !

par A. Mallem

Que dire de l'ambiance de l'Aïd à Constantine ? D'ailleurs c'est trop dire que de parler d'ambiance car ce mot suppose l'existence d'un mouvement, sinon d'une atmosphère de gaieté, d'entrain, etc. Or, rien de tout cela n'était visible durant les longues journées de l'Aid dans la capitale de l'Est où le farniente et l'oisiveté ont régné en maîtres. La vacance qui signifie cessation du travail a paralysé tous les secteurs. Les boulangeries étaient fermées, les épiceries, les pharmacies, les bouchers et même les cafés étaient fermés le premier jour de l'Aïd. «Rien de tel à la nouvelle ville Ali-Mendjeli où beaucoup de commerçants ont ouvert le premier jour», nous a assuré un habitant. Malheureusement, ailleurs, la chaleur aidant, la ville des ponts ressemblait à une ville fantôme. «J'ai parcouru toute la ville à la recherche d'une pharmacie. On m'a assuré qu'il doit y avoir une de garde, mais aucune adresse n'est disponible», a révélé à son tour un citoyen qui cherchait des médicaments en urgence. Les rues étaient désertes, traversées de temps à autre par des véhicules roulant à toute allure, les conducteurs heureux de trouver la voie libre. Il n'y avait aucun mouvement, aucune ambiance de fête parce que tout le monde était cloîtré chez soi, en famille. Et lorsque nous avons fait cette remarque devant un commerçant, celui-ci s'est montré indigné : «On n'a pas le droit de se reposer des fatigues d'un mois de Ramadan harassant ?». Le transport urbain a fonctionné, mais grâce surtout aux taxis clandestins qui, eux, ont œuvré sans relâche.

«Les fraudeurs ont sauvé la mise, dira un vieux. Si ce n'est les taxis de la fraude, beaucoup de gens auraient renoncé à rendre visite aux proches, aux parents, ou pour effectuer la traditionnelle visite au cimetière», a-t-il considéré. Bref, la ville de Constantine n'a commencé à connaître quelques «frémissements» qu'au cours de la journée de jeudi, seconde journée de l'Aid, après la prière de l'Asr. Fatigués de se reposer, les gens ont commencé à sortir pour s'éparpiller dans les cafés et flâner dans les rues et les boulevards de la ville aux rideaux baissés.

Jeudi, en traversant de bout en bout la rue Ben M'hidi, la plus grande artère commerçante de la ville qui compte quelque cinq cents magasins, sinon plus, nous avons compté seulement cinq qui étaient ouverts, un magasin de jouets pour enfants, deux autres vendant du papier d'emballage pour gâteaux secs, un café et un magasin d'habillement pour enfants.

«1% des commerces ouverts, c'est très peu et loin des chiffres avancés par le syndicat des commerçants, des boulangers, des marchands de fruits et légumes qui ont clamé avant l'Aid qu'il y aurait une permanence», fera remarquer un citoyen du quartier de Bab-El-Kantara qui s'était félicité tout de même de la disponibilité du lait en sachet durant ces jours «vides». Les choses ont commencé à bouger la seconde journée de l'Aid. Les cafés et quelques rares épiceries de quartier ont rouvert, mais pas de restaurants, il n'y avait que les marchands occasionnels de brochettes installées sur les trottoirs, ou sur la chaussée puisque les rues étaient quasiment vides. Il y avait aussi une seule pharmacie ouverte dans un rayon de 5 kilomètres en partant du centre-ville. Nous avons entendu aussi les plaintes des visiteurs qui revenaient du cimetière central. «Quelques jours avant l'Aid, nous a raconté une vieille femme, nous avons entendu suffisamment à la radio et lu dans la presse les assurances des responsables de l'APC affirmant avoir nettoyé le cimetière, mais rien, car les mauvaises herbes recouvrant les tombes et les ustensiles qui jonchaient le sol aux alentours, étaient toujours là». Mais les plus à plaindre dans cette situation qui perdure et revient à chaque occasion de fête ce sont les enfants. Habillés de leurs vêtements neufs achetés à grands frais grâce aux sacrifices faits par les parents, ils erraient aux pieds des bâtiments en béton, dans des petits espaces sales et poussiéreux en essayant d'inventer des jeux pour donner libre cours à leur joie. Mais ce n'était pas évident en l'absence totale d'animation foraine, d'espaces verts. «Une fête sans joie, surtout la joie des enfants, n'est pas une fête», a conclu un vieux en disant que, de son temps, c'était différent.