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Consulats algériens, documents biométriques : « La galère »

par Ghania Oukazi

«Nous attendons une nuit entière pour qu'on puisse avoir un ticket et il faudra encore revenir une autre nuit pour déposer nos dossiers pour qu'à la fin, on vous dit de revenir quatre ou cinq mois après pour retirer votre passeport biométrique».

C'est un véritable appel de détresse qu'ont lancé hier des ressortissants algériens vivant en France à travers la ligne de téléphone du journal. Ils se sont entendus pour crier leur désarroi et raconter les dures épreuves qu'ils ont été obligé de vivre dans les bureaux du consulat algérien à Vitry (banlieue sud de Paris) où vit une forte communauté algérienne. Yosra nous raconte en premier ses déboires depuis qu'elle a décidé de refaire son passeport algérien. «Je me suis entendue avec les membres de ma famille pour nous lever très tôt et aller au consulat, des amis m'avaient déjà prévenue qu'il fallait faire la queue pendant d'interminables heures pour pouvoir arriver au guichet, et de là on vous fait savoir que vous devriez encore revenir (?), » nous dit-elle. Elle affirme ainsi être arrivée au consulat à 4h30 « du matin bien sûr. Il y avait déjà foule, ils étaient déjà plus d'une centaine de personnes à être là, j'étais la 168ème», indique-t-elle. Une femme d'un certain âge renchérit pour lâcher « moi, j'étais arrivée à minuit, j'ai pris le soin de ramener une couverture pour me protéger du froid et du thé pour me réchauffer, j'ai eu l'impression d'avoir attendu une éternité ». L'on nous précise que les gens attendent pendant la nuit, dehors «à l'air libre, qu'il vente, qu'il neige ou qu'il pleuve ».

Il y a quelques mois, déjà au temps de Ould-Kablia et bien plus au temps de Tayeb Belaïz alors ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, un grand tapage médiatique a été fait pour lancer sur l'ensemble des circuits médiatiques que la communauté algérienne vivant à l'étranger n'avait plus de problèmes administratifs aux consulats. Ces derniers commençaient à être dotés d'équipements modernes pour établir les documents biométriques dans des délais raisonnables. L'on disait même que les émigrés pouvaient y introduire leur demande par Internet.

«POUR AVOIR UN PASSEPORT, C'EST LA GALERE»

«Faux ! Vous ne pouvez rien faire à partir du net, certes, vous pouvez accéder au site pour vous renseigner sur les papiers administratifs et formulaires que vous devez préparer ; mais il y a toujours quelque chose en plus qu'ils nous demandent de ramener une fois arrivés au guichet du consulat », nous explique Kader, un jeune Algérien pas très convaincu de ce qui est avancé, dit-il, «par le discours politique.»

Les Algériens sont nombreux à soutenir que les lignes de téléphone des consulats ne répondent jamais «ou une fois par hasard ». Ils saluent cependant certains changements positifs à ce niveau. « J'ai eu ma carte nationale d'identité et ma carte consulaire sur place, j'étais tellement content mais pour le passeport, c'est la galère, » raconte encore Ali.

Une fois devant le guichet du consulat « après avoir passé de longues heures dans les files d'attente, les agents trouveront n'importe quel motif pour vous renvoyer vers un autre rendez-vous », soulignent nos interlocuteurs. «Les guichets ouvrent à 8h, des agents remettent des tickets, à 9h30 ils arrêtent », font-ils savoir. Nos interlocuteurs racontent que dès qu'ils sont à l'intérieur du consulat « on nous fait déplacer de bureau en bureau, on doit traverser des couloirs ou ça sent mauvais, les toilettes sont bouchées, certains bureaux débordent de cartons empilés, un désordre total ».

Une fois que les agents remettent les documents nécessaires aux concernés, l'on nous dit qu'il faudra encore repasser pour les déposer. « Une autre galère», nous dit-on. « On m'a pris mon dossier pour le passeport biométrique, on m'a donnée un nouveau rendez-vous pour venir le retirer, ce sera en mars 2016», dit Yosra dépitée. « Estimez-vous heureuse, d'autres vont devoir attendre jusqu'en juin pour l'avoir», lui a lancé une jeune femme au guichet.

«C'EST LA MEME MENTALITE»

Les diplomates en poste nous expliquent que «les locaux à Vitry sont trop exigus pour recevoir un nombre aussi important que celui des Algériens qui y sont inscrits, nous avons beaucoup de départements à gérer». L'on nous apprend que le consulat algérien à Vitry va être déplacé à Créteil où, nous dit-on, «on sera dans un grand immeuble à plusieurs étages, et chaque étage sera réservé à un département».

Ce qui ne rassure pas forcément «nos émigrés» qui soutiennent que «ce n'est pas la première fois qu'on nous dit qu'ils vont changer de bureaux. En plus, le comportement du personnel en service ne dépend en rien de la surface des locaux, ils traînent le pas, ils ont très souvent leur portable collé à l'oreille ; il faudra que leurs responsables les rappellent sérieusement et sévèrement à l'ordre ». Un professeur algérien d'histoire géographie vivant en France lâche : « Ceux qui connaissent du monde au consulat peuvent avoir leur passeport en quelques minutes ; ce sont les mêmes pratiques qu'on ramène du bled, c'est la même mentalité».

Notons que des parlementaires représentant la communauté algérienne à l'étranger ont rencontré la semaine dernière le 1er ministre pour lui faire part de ses doléances. « Il est très souvent mis en avant le prix du billet d'avion pour le revoir à la baisse, mais on n'insiste pas assez sur ces problèmes administratifs d'un autre âge dans les consulats», nous renseigne un haut cadre. « Pourquoi réclament-ils un billet moins cher ? Dans ce cas, les Algériens qui montent en France pour voir leurs familles doivent aussi en bénéficier, les visites des familles se font des deux côtés, il y a un grand nombre de parents qui rendent visite à leurs enfants en France, ils ont alors droit à des réductions », souligne un agent d'Air Algérie.