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Farouk Ksentini : Le point noir reste la justice

par Yazid Alilat

Faroukl Ksentini, président de l'Observatoire national est formel: «personne n'est éternel». Commentant lors de son passage hier mardi à la radio nationale les deniers changements au plus haut de la hiérarchie militaire, il a souligné que «personne n'est éternel. Les institutions doivent survivre et les personnes qui les composent doivent changer». «Cela est naturel, accepté par tout le monde, et ne peut prêter à discussion», ajoute M. Ksentini, par ailleurs avocat au barreau de Blida. Pour lui, ces changements «s'imposent de manière irréversible», affirmant en outre que «la gestion de ce pays ne peut être monopolisée par une génération, qui doit céder la place à la génération suivante. C'est une loi de la nature», estime-t-il. Il a par ailleurs estimé, concernant le message du président de la République relatif à la révision de la Constitution à l'occasion du 61ème anniversaire du déclenchement de la Révolution, que «la démocratie a besoin d'être renforcée dans les textes et dans la pratique». «En plus des textes, il faut que la pratique soit sur le terrain de la démocratie, qui s'exécute de la manière attendue». En fait, «on ne peut se contenter d'une démocratie de façade, c'est dans cette direction que va le dernier discours du président», relève M. Ksentini, pour qui «il faut que les élections soient transparentes, libres et pas mises en doute par quelque partie que ce soit». «D'une manière sincère et véritable, c'est par là que commence la démocratie, car si les élections ne sont pas transparentes, il est évident que tout est faussé», fait-il remarquer, avant de souligner par rapport à l'annonce du président de la mise en place d'une commission de surveillance des élections que «c'est une avancée importante dans la démocratie». Quant à l'opposition, il a estimé qu'il n'est «pas déshonorant de répondre aux revendications d'une opposition formée de citoyens algériens, qui ont le droit de donner leur avis. C'est constructif et positif». Le progrès est substantiel et il faut s'en féliciter, relève-t-il. «Plus que jamais (l'opposition) est une nécessité, c'est le carburant de la démocratie». Mais, pour Me Farouk Ksentini, le point noir reste la justice en Algérie. Pour lui, «il faut garantir l'indépendance de la justice à travers la révision de la constitution». L'indépendance de la justice, «c'est important, c'est fondamental». Et «lorsqu'elle est instrumentalisée, elle est faussée. Il faut que le pouvoir judiciaire soit totalement indépendant, c'est un rêve». Critiquant le recours exagéré à la détention préventive, qu'il sera «difficile de remettre en cause facilement», le président de la CNDPPH relève que le magistrat doit «obéir à la loi et sa conscience». «Dès lors que l'institution se laisse domestiquer par le pouvoir exécutif, les choses sont faussées, et là on ne va pas à la démocratie vers laquelle aspire le peuple depuis l'indépendance», déplore-t-il, affirmant en même temps qu'il faut « mettre les magistrats devant leurs responsabilités. Nous manquons de magistrats de qualité, des décisions de justice qui ne font que des mécontents, il nous faut des magistrats de qualité qui contribuent à une justice socialement acceptable».

Sur les rapports d'ONG quant aux droits de l'homme en Algérie, Farouk Ksentini lance d'abord que (ces) rapports sont «manipulés et excessifs», ensuite qu'ils sont «crédibles car il y a des choses qu'ils soulignent que nous reconnaissons. Il n'y a pas de honte à reconnaître ses insuffisances». «Nous avons fait un pas important en matière de libertés individuelles, qui sont dans leur ensemble respectées dans notre pays, même s'il y a des incidents regrettables que nous dénonçons», ajoute-t-il. Et, «si on veut cultiver la culture de la démocratie, il faut séparer entre le législatif et le judiciaire», martèle-t-il, comparant la démocratie en Algérie à «un bébé». «On vit ses premiers mois, il faut la laisser se développer, se consolider, pour notre plus grand bien», car il «n'y a pas d'autre mode de gouvernement que la démocratie, qui consacre le principe de la dictature de l'intelligence». Enfin, il a annoncé que le texte de la nouvelle constitution, est «prêt à être publié».