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CHLEF: La petite monnaie se fait rare

par Bencherki Otsmane

Il n'est plus facile de faire des achats dans une boutique ou partout ailleurs, dans un quelconque commerce de l'ensemble des villes et villages de la wilaya de Chlef, si l'on n'a pas la petite monnaie.

Une situation inquiétante qui prend de l'ampleur depuis le début du mois de ramadhan. Lundi 6 juillet, il est 10h30, dans une rue très animée du centre-ville de Chlef. Une femme, la quarantaine, entre dans une boulangerie. Elle commande trois pains au boulanger. Ce dernier, non pressé de satisfaire sa demande, lui demande si elle disposait de la monnaie pour effectuer son achat. Pour toute réponse, la cliente tend au commerçant un billet de 200 dinars. Aussitôt, la réaction du commerçant est immédiate : «Désolé madame, je ne peux vous servir car je n'ai pas de pièces pour vous rendre la monnaie». Ce genre de réflexion, on pourrait l'entendre à longueur de journée de la part des commerçants. Au niveau de l'ensemble des marchés, il semblerait qu'un accord tacite soit conclu entre les vendeurs de fruits et légumes et leurs clients. Le commerçant fait en sorte que les prix des produits vendus soient arrêtés au chiffre rond. Cette procédure permet aux uns comme aux autres de trouver leur compte. Toutefois, malgré ce compromis, il arrive que des échauffourées éclatent ici et là entre des commerçants et des citoyens excédés par la situation et qui exigent leur monnaie en pièces sonnantes et trébuchantes. Il faut noter que plus on avance dans le temps, plus les petites pièces disparaissent de la circulation. En effet, après les pièces de un, deux et cinq centimes que jadis les commerçants avaient dans leurs tiroirs-caisses, c'est au tour maintenant de celles de un, deux, cinq et dix dinars de disparaître du circuit bancaire. Pire encore, avons-nous constaté ces derniers jours, même le billet de 200 dinars se fait désirer. La preuve : à la station-service, on vous recommande non point de faire le plein mais uniquement la quantité équivalente à un montant de 500 ou 1.000 dinars, pour éviter, nous dit-on, de rendre la monnaie. Ces deux billets étant pour l'heure disponibles. Quant aux banques censées alimenter le marché en monnaie, celles-ci indiquent qu'elles ne sont plus approvisionnées en petites monnaies depuis belle lurette. Bien entendu, les conséquences induites par la raréfaction de la petite monnaie sont nombreuses et difficilement gérables, notamment au niveau des structures telles que Sonelgaz, Algérie Télécom, l'Algérienne des Eaux, etc., qui mettent le client ou l'abonné dans l'impossibilité ou dans la difficulté de faire l'appoint au moment de payer à la caisse étant donné que les factures délivrées par ces organismes sont établies au centième de dinar près ! On peut dire la même chose pour les caissiers qui doivent rendre la monnaie. Ce genre de tracasseries est vécu également par les gérants de taxiphones qui ont énormément besoin de pièces de 1 DA et de 2 DA pour être en « règle » avec leurs clients, qui font rarement l'appoint. Par ailleurs, certains commerçants ont trouvé la parade en s'alimentant de pièces de monnaie directement auprès des? mendiants. Un gérant de KMS (kiosque multiservices) situé à quelques mètres d'une mosquée nous dira : «Ces mendiants que vous voyez assis devant la mosquée sont nos principaux pourvoyeurs en petites pièces de monnaie, d'ailleurs, en ces moments difficiles, il faut passer commande à l'avance pour que l'aumône que perçoivent ces mendiants nous soit échangée contre des billets de banque. Les pièces de monnaie comme celles de 5, 10, 20, 50 ou 100 DA sont si rares qu'on se demande si elles existent encore», affirme un citoyen avant de conclure que «l'absence de petite monnaie plombe les échanges». Vous pouvez traîner votre soif sur plusieurs centaines de mètres simplement parce qu'aucun des petits vendeurs ne peut vous monnayer votre billet de 200 ou de 500 ou 1.000 DA ! Il en est de même dans les transports en commun où l'absence de petite monnaie occasionne des disputes entre clients et receveurs. Aux caisses des pharmacies ou des supermarchés le manque de jetons est comblé par des bonbons, des chewing-gums ! Bien sûr, la caissière, pour vous faire digérer votre petite perte financière, vous gratifiera d'un large sourire. Cependant, cette situation de pénurie de petites pièces de monnaie a donné quelques idées à quelques individus, généralement des adolescents qui se sont convertis en? vendeurs de petites monnaies. Vendre ou acheter de la monnaie, c'est possible en ces temps qui courent. L'offre est en mode « à prendre ou à laisser », car les demandeurs se bousculent d'autant plus qu'on a toujours besoin d'une pièce pour une photocopie urgente, l'achat d'une enveloppe pour un dossier administratif ou pour emprunter le dernier bus.