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Les prénoms Houria et Aïssa sont éteints

par Kamel Daoud

Jours deux mille. Le temps est un lapin fatigué. Le monde, une calvitie sous le soleil. Après la fête du 05 Juillet, peu d'Algériens ont donné le prénom de Houria (liberté) à leurs filles. Cela n'est plus de mode. D'ailleurs, par christianophobie, peu d'Algériens s'appellent désormais Aïssa. Les noms sont flous. A un moment, El Harrachi désignait un chanteur. Aujourd'hui, il désigne un Algérien parti rejoindre Daech. Bouteflika est un nom qui désigne un Président et son frère. Dans le communiqué rapportant la remise de médaille de bravoure à quelques généraux, il n'y a pas le nom du général Toufik, seulement sa fonction. Abou Bakr El Baghdadi s'appelle Abou Bakr pour se faire passer pour l'incarnation d'un islam d'avant la Fitna (du temps d'Abou Bakr) et el Baghdadi pour faire jouer le vieux fantasme de la puissance chez les arabes et les arabes assimilés. Les terroristes se donnent des noms a rime de l'épopée médinoise : El Britanni (le britannique), El Maghribi, El Libie, etc. Le prénom de Mohammed est devenu un générique. Les nouveaux-nés ont des prénoms nouveaux et inattendus comme pour faire oublier leur nationalité quand elle est sous-cotée à l'international. Ailleurs, le prénom est une guerre ancienne : en Kabylie, des prénoms sont interdits par l'administration, combattus, proscrits et refusés. La région avait déposé une liste de mille, l'orthodoxie lui a autorisé 300 il y a une année. Les ancêtres ne doivent pas revenir en groupe, mais un à un et seulement quelques fois.

Ainsi de suite. A la mi-ramadan, il n'y a rien de neuf à commenter. Bouteflika a encore envoyé une lettre et pris une photo. Le FLN canal Bachaghas a réagi violemment contre l'obligation d'usage du chèque car cela porte atteinte à l'un des socles du régime : la clientélisation de l'informel. Ouyahia a repris le RND. Certains journaux mènent encore l'inquisition nationale. Le régime est un seflie. Une amie a conclu, pessimiste, que l'Algérie est deux dates : 1er Novembre 1954 pour la guerre et le 24 Février 1971. La guerre de libération et le pétrole. Les deux pieds de l'homme national contemporain. Des terroristes se sont rappelés, à Bouira, au souvenir du régime qui aime les islamistes et les protège. La viande n'a pas manqué ce mois cannibale et personne ne s'appelle plus jamais Abdelaziz Belkhadem, enterré vivant, détruit en ciment et éparpillé dans le désert de Port-Saïd à l'extrême Ouest algérien. Et Amar Ghoul est peu indiqué comme nom de ministre pour encourager les touristes à venir chez nous, en toute confiance.

A la fin. Dieu à 99 noms et le centième est un oiseau dans la niche du cœur disent les soufis. Cela peut consoler ceux qui vivent dans leur cage thoracique.