Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pourquoi faut-il généraliser l'enseignement préscolaire ?

par Abdelhamid Benzerari

Les exigences du monde de demain, d'un monde dominé par la technique, les sciences et la spécialisation, nous font prendre conscience de la fonction primordiale de l'éducation. Cette éducation ne doit cependant pas seulement être centrée sur l'acquisition d'un langage intellectuel, mais sur le développement multilatéral des capacités humaines. Promouvoir l'éducation préscolaire dans le cadre de l'organisation générale de l'enseignement signifie considérer la personnalité humaine dans sa totalité et prendre à temps les mesures donnant à l'enfant la possibilité de se construire et de s'adapter sans heurts au monde qui l'environne et dont il est appelé à devenir un membre actif et conscient de ses responsabilités.

«145 classes préscolaires pour la prochaine rentrée», le Quotidien d'Oran du 25.04.2015.

L'enseignement préscolaire ou classe maternelle a pour but de donner aux enfants au-dessous de l'âge scolaire les soins que réclame leur développement physique, intellectuel et moral. Il a toujours eu une double fonction, une fonction de garderie et une fonction d'éducation. La garderie devrait principalement être l'occasion de fournir quelque chose de différent aux enfants, différent du milieu familial et différent de l'école proprement dite.

La classe préscolaire est une classe de première éducation. La pédagogie appliquée a longtemps fait l'orgueil de l'enseignement public. Elle s'est inspirée des méthodes actives qui consistent à rendre l'élève actif en le faisant jouer, fabriquer, s'exprimer par le dessin, le modelage et la parole, danser, chanter, etc. Utilisées par des maîtresses chevronnées, ces méthodes se sont avérées efficaces non seulement pour débrouiller et pour les occuper, mais également pour les préparer à la grande école. Ces classes où nos bambins font leurs premiers pas dans le monde scolaire sont des cours sensibles. Elles demandent un encadrement par des maîtresses expérimentées, affables qui peuvent imiter le plus possible les procédés d'éducation d'une mère intelligente et dévouée.

LA SECONDE ENFANCE ET SES BESOINS ESSENTIELS

La classe préscolaire poursuit le même but que la mère ; elle peut emprunter, en les perfectionnant, la plupart des procédés afin de satisfaire comme elle, les besoins essentiels de la seconde enfance.

-Besoins physiques d'abord : besoin d'air et de propreté : la classe doit être le refuge confortable et ensoleillé de l'enfant. " La nature veut pour l'enfant le rayon de soleil qui réchauffe, l'air qui vivifie, le mouvement qui accélère la circulation, le jeu des muscles qui les fortifie. " Mme Kergomart.

-Besoins intellectuels ensuite : besoin d'agir sérieusement à l'imitation de l'adulte (mise à la disposition de l'enfant d'un matériel approprié), besoin de découvrir le monde par des expériences personnelles (contact avec les réalités), besoin de s'exprimer (mise au point et enrichissement du langage).

-Besoins moraux : besoin de respect (l'enfant a besoin de voir son importance reconnue), besoin de sécurité : l'enfant n'aime pas se sentir abandonné, besoin de régularité (un emploi du temps stable est générateur d'habitudes régulières propres à créer cet esprit de discipline qui est le premier élément de la moralité.

-Besoins affectifs enfin : tout en essayant de conquérir son autonomie, l'enfant reste encore attaché à l'adulte par un besoin d'affection qui ne disparaîtra jamais complètement.

Il faut aimer les enfants en tant qu'individus. C'est-à-dire qu'on va voir éclore un enfant et qu'on va l'aider pour qu'il trouve sa personnalité et qu'il s'épanouisse par lui-même. Chaque enfant est différent et il faut savoir respecter l'individualité de chacun. C'est vraiment difficile, c'est aussi passionnant.

Il a en lui tout un potentiel dès la naissance. Il vient au monde avec en lui toute une richesse qui a besoin de s'épanouir. Les expériences qu'il va pouvoir faire vont l'aider à structurer sa pensée, à mettre en place sa vie d'adulte. On construit sa vie d'adulte entre zéro et 7 ans. Il évolue beaucoup durant cette période de sa vie qu'il n'évoluera pendant les 10 ou 15 années suivantes. Les 5 premières années de l'enfance font apparaître des fonctions qui, si elles ne sont pas " rodées ", risquent de s'ankyloser peu à peu.

L'éducateur, c'est quelqu'un qui est chargé d'aider l'enfant à sortir de sa petite enfance. C'est bien pourquoi il n'y a pas de règle d'éducation. En fait, elle est individuelle. Eduquer, c'est aider, guider, favoriser et non pour empêcher, contraindre, retenir.

L'accueil est le problème principal : tant que l'enfant ne se sent pas vraiment accueilli, désiré presque, comme dans sa propre famille, je ne pense qu'on puisse faire passer quoi que ce soit en lui. Quand je parle de l'accueil, il est bien évident que je pense aux conditions matérielles, mais que les plus importants se situent en fait au niveau affectif. Il faut en effet que le personnel soit passionné par son métier. Si l'on n'est passionné par l'enfant lui-même, on n'a vraiment rien à faire dans ces classes. C'est vraiment un métier où l'on doit parler de vocation.

PERFECTIONNEMENT DU LANGAGE

Ce qui est frappant quand on reçoit les enfants au début c'est que, pendant longtemps, ils ne comprennent pas ce qu'on veut leur dire. Des enseignants utilisent l'arabe dialectal pour se faire comprendre et en abusent. Ce qui est anti-pédagogique. La langue de l'école, l'arabe, doit être parlée dans un vocabulaire simple, précis, clair pour former déjà ce qui constituera plus tard la syntaxe des enfants. C'est sûr qu'on essaie de faire passer l'élève d'un langage familier à une langue plus articulée, plus grammaticale et l'on est bien obligé de surveiller cet apprentissage, car il n'est pas forcément naturel. Il faut aider au perfectionnement du langage, ce qui ne peut se faire que simultanément, en parlant, en accompagnant chaque geste, chaque action de la parole.

Dans les classes préscolaires, il est impossible de faire des exercices systématiques dans le silence. Il existe toute une foule d'exercices à accomplir chaque jour et qu'il faut aussi savoir doser, mesurer, contrôler. Il faut être certain que chaque enfant passe par ces acquisitions, mais à son propre rythme. Ce sont des exercices d'observation sur des objets ou des êtres familiers à l'enfant souvent liés à des exercices de langage (en plein air et en pleine nature chaque fois qu'il est possible : initiation à l'écologie). Ceux-ci introduisent l'imitation aux exercices sensoriels directement inspirés des conseils de Rousseau : toucher, vue, ouïe, goût, odorat, tous les sens doivent être exercés et ce n'est pas une petite affaire. Une détente s'impose : la matinée se termine par des chants, des récitations, des contes. L'après-midi débute elle aussi par des jeux, des exercices physiques. On procède à l'initiation au calcul, largement fondé sur la manipulation d'objets. Le reste du temps est consacré au dessin, aux travaux manuels, et de nouveau au chant, ou, à l'aide d'un data show, à la projection de dessins animés que les petits adorent, à la récitation, aux contes le plus souvent moraux qui pénètrent l'enfant. " Rien n'est trop beau pour l'enfant qui doit être nourri des plus grandes œuvres, contes et légendes qui ont de fortes et toniques vérités. " Alain

PROGRAMME DE L'ENSEIGNEMENT PRESCOLAIRE

Tous les exercices dans ces classes, occupations et récréations, seront réglés d'après ce principe général : ils doivent aider au développement des diverses facultés de l'enfant, sans fatigue, sans contrainte, sans excès d'application ; ils sont destinés à l'éloigner du désœuvrement en lui faisant éprouver les jouissances de l'activité.

Une bonne santé, la vue, l'ouïe, le toucher, exercices par une suite graduée de petits jeux et de petites expériences personnelles, tantôt provoquées par la maîtresse et toutes propres à faire l'éducation des sens. L'intelligence éveillée, enfin, et l'âme ouverte à toutes les bonnes impressions morales : tels doivent être les effets de ces premières années passées au niveau du préscolaire.

Le programme comprend par ordre d'importance :

1°) Des jeux, des mouvements gradués et accompagnés par ordre d'importance.

2°) Des exercices manuels.

3°) Les premiers principes d'éducation morale.

4°) Les connaissances usuelles.

5°) Les exercices de langage, des récits, des contes.

6°) Les premiers éléments du calcul, du dessin, de l'écriture et de la lecture.

Le travail des enseignants ne consiste pas à apprendre à lire et à écrire. Il doit uniquement donner envie de lire, faire en sorte que l'enfant devienne curieux. A cet âge, l'enfant n'est pas capable à lire. Il sera donc sollicité malgré lui. Et s'il ne parvient pas à lire, cet enfant sera d'autant plus culpabilisé qu'il aura le sentiment de ne pas arriver à faire plaisir au monde adulte qui l'entoure et qui l'aime. On aura donc de gros risques de blocage.

En jouant avec ses camarades, en mangeant et en travaillant à côté d'eux, il apprend à vivre en société. La socialisation se fait ainsi au travers de toutes les activités de la maternelle. On doit même arriver à faire prendre conscience par les enfants qu'ils ont besoin les uns des autres.

Un commencement d'habitudes disciplinées, l'âme ouverte à toutes les influences morales, les habitudes d'ordre, de politesse, d'obéissance, de bonne humeur, de serviabilité, d'attention, d'adresse manuelle, d'activité intellectuelle, faire éclore dans le cœur de l'enfant la bonté, la générosité, l'enthousiasme par des histoires réelles ou non, tels sont les bienfaits du préscolaire.

QUEL PROFIL L'ENFANT RETIRE-T-IL DE L'ENSEIGNEMENT PRESCOLAIRE ?

Lorsqu'il quitte la maternelle pour l'école primaire, l'enfant est capable de comprendre ses camarades de jouer avec eux, de travailler en groupe. Il a acquis un bagage de bonnes habitudes morales et sociales : la propreté, l'ordre, la discipline, l'activité, l'entraide. Sa curiosité est aiguisée par tout ce qu'il voit, par tout ce qu'il ignore ; il a le vif désir de créer, de construire, de savoir.

" Le but poursuivi est non seulement de cultiver, dans chaque enfant, le goût de l'effort et la possibilité d'attention mais encore d'obtenir pour chacun d'eux le maximum de développement compatible avec sa nature. C'est donc véritablement de " culture " qu'il s'agit : culture adaptée à l'âge et aux possibilités de chaque enfant, mais évidemment culture véritable, puisqu'elle s'efforce de faire s'épanouir une personnalité en lui donnant le moyen de se manifester le plus largement possible. "