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Terrain Bentorki: Ce quartier caché qu'on ne saurait voir

par Rekibi Chikhi

Caché des regards, en contrebas de la station du tramway du quartier Kaddour Boumeddous, un groupe de maisons connu sous l'appellation terrain «Bentorki» ou «Kaddour Boumeddous 88», n'a pas les commodités qui peuvent justifier sa présence dans le centre-ville de Constantine. Un éclairage public des plus défaillants, les lampes, ayant dépassé leur durée de vie depuis belle lurette, ne sont remplacées qu'occasionnellement.

«De temps à autre, l'un des habitants escalade des poteaux situés à l'entrée accidentée du quartier pour changer bénévolement une ou deux lampes défectueuses, mais cela ne suffit pas, beaucoup d'habitants, surtout les personnes âgées qui, en allant faire la prière d'El Icha ou d'El Fedjr, trébuchent sur des pierres ou des plantes sèches et parfois même sur des déchets ménagers », nous a informé, révolté, Moncef, un jeune du quartier. Le ramassage des ordures, s'il se fait, et ce n'est un secret pour personne, d'une manière occasionnelle partout dans le centre-ville, « chez nous, ils ne viennent jamais ; on a déposé une benne à ordures, ces derniers jours ; ils ont dû le regretter amèrement, du moment qu'ils sont retournés et l'ont emportée ; à leurs yeux, on est sans doute des citoyens de catégorie inférieure ; notre quartier manque de tout, alors l'absence d'une benne à ordure ne devrait pas nous poser grand problème, jugerait sûrement l'APC de Constantine », réplique Meki, un autre jeune. Le réseau d'évacuation des eaux pluviales n'est jamais passé par là, le quartier en pente raide fait que les eaux de pluie descendent et ne trouvant pas un exutoire, pénètrent automatiquement dans les habitations précaires. Des villas coloniales, comme si elles le boudaient, donnent leur dos à ce quartier ; le mur d'une villa ayant absorbé trop de pluie, risque de s'écrouler à tout moment. « On a signalé ce risque d'effondrement du mur mais rien n'a été fait, le problème persistera tant qu'un réseau d'évacuation des eaux pluviales n'a pas été installé », déplore Ramadhan.

Pas trace du moindre regard. Les eaux usées des sanitaires de l'école primaire Chaabane Bachir, qui boude elle aussi ce misérable quartier, viennent s'ajouter à cette laide mosaïque de désagréments.

D'innombrables petites ouvertures témoignent par leur couleur verdâtre d'un ruissellement de longue date des eaux usées sur le mur de clôture de l'école en question. Une eau usée d'une odeur nauséabonde ruisselait effectivement à travers des ouvertures au niveau du mur de la façade arrière de cette école donnant sur le terrain Bentorki. « Cette situation perdure depuis quatre ans, on a contacté la directrice de l'école Chaabane Bachir ; chaque fois, elle nous affirme qu'elle a contacté l'APC pour faire des travaux au niveau des sanitaires des élèves, mais rien n'est fait », précise encore Ramadhan. Et d'ajouter « ma maison est celle située juste en face du mur de l'école ; par temps de pluie, ces eaux usées pénètrent chez moi ; ma pauvre femme en est tombée malade». Moncef intervient, lui, pour dire encore «nous sommes les oubliés du centre-ville, coincés derrière la cité Kaddour Boumeddous et la cité Ciloc (17 octobre), que tout le monde peut voir en montant dans le tramway; nous, par contre, notre misère se cache derrière ces deux cités». Tous les habitants possèdent le fameux bon qui prouve leur droit au relogement et de bénéficier d'un habitat social décent; «on nous a beaucoup contactés, pas pour nous donner ces clés qui nous sauverons nous et nos enfants de cette misère, mais juste pour nous faire courir en nous demandant un acte de naissance ou toute autre paperasse administrative insignifiante», affirme un autre habitant.

Constantine capitale de la culture arabe qui a été une aubaine pour les quartiers du centre-ville, ne semble pas même avoir remarqué la présence de ce quartier dans le centre-ville. Ramadhan nous dit à ce propos « des propriétaires d'appartements dont les façades ont été ravalées, pensent comment fructifier cette transformation opérée gratuitement aux frais du contribuable, et comment chasser les anciens locataires, alors que nous, on n'a jamais eu le plaisir de marcher sur un vrai tapis, on a couvert nous-mêmes la chaussée par du gravier acheté avec les cotisations des habitants ».