Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LE DIABLE NE SERA PASAU PALAIS

par M. Abdou BENABBOU



Le procès de Abdelmoumen Khalifa qui s'ouvre aujourd'hui sera-t-il celui d'un jouisseur devant lequel les portes d'un paradis terrestre se sont ouvertes ou exposera-t-il le modèle pour la faillite d'un Etat ? Homme parmi les hommes, il a eu seulement le privilège de maîtriser l'art de brasser du vent et de l'argent d'autrui dans un pays où l'exercice de l'apparat est érigé en dogme et où l'escroquerie a la force de la loi.

La fondamentale notion de bien public et la règle de l'intérêt général étant absentes, Khalifa n'est pas plus fautif que le gardien de parking qui sème la terreur ou de l'élu qui s'accapare frauduleusement à ciel ouvert fermes, appartements et terrains. Tous ont des armes avec les seules formes différentes. Le gardien a pour argument un gourdin et un jerrican d'essence, le présumé homme d'affaires et les autres ont pour bouclier farouchement universalisé la séquestration de la morale et de la justice.

La cravate et le costume mal portés ont enfin achevé le rapt de l'espace politique pour donner libre cours à une rapine légalisée qui s'est vite généralisée.

Des accusations et des mises à l'index, il y en aura. Des noms d'acteurs politiques seront cités et planeront sur les audiences comme un passage d'arôme de thé dans les terrasses de cafés pour que les griefs et les faits reprochés restent prisonniers dans l'enceinte des rumeurs à profusion semées. Un Etat sans fondement a pour habit la confusion des rôles et des prérogatives et les responsabilités sont trop éparses pour être maîtrisées.

Khalifa Abdelmoumen pourra tout dire pour tenter de sauver sa peau. Roi d'un temps éphémère, ses aveux sont connus. Mais le diable qui sera cité du bout des lèvres au tribunal aujourd'hui a une carrure que ne peut contenir le carré du palais de justice. Des décennies de soubresauts de l'Histoire algérienne emplies de crises d'enfance et d'adolescence d'un jeune pays qui a mal assumé son indépendance ont tronqué une liberté chèrement acquise pour en faire une souveraineté illusoire permettant à l'irrationnel de trôner.

Ce n'est pas Khalifa qu'il faudrait juger. C'est tout un mode de gouvernance qui est en cause. Pour que l'intérêt général ne soit plus une chansonnette de prétoire et que les biens sauvagement accaparés et devenus chasse gardée soient réellement des biens publics.