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Constantine capitale de la culture arabe: Fausses notes

par Rekibi Chikhi

Il est indiscutable que les constantinois sont avides d'activités culturelles, et spécialement les moins de vingt ans, qui sont nés et ont grandi dans un vide presque abyssal en matière de manifestations culturelles.

L'on peut, de ce fait, comprendre facilement la soif de toute cette jeune génération de spectacles et leur trouver même des excuses à certains dépassements comportementaux ou verbaux, que certains d'entre eux ont commis.

Des citoyens, jeunes et moins jeunes, ont su relever le défi lourd que celui d'accueillir un événement culturel mondial et ont donné une image à la hauteur de cette ville hautement de culture. On ne devient forgeron qu'en forgeant, d'autres pas du tout forgés en matière de culture, n'ont pas su par contre jouer le jeu, par méconnaissance, et ont nuit à l'image d'une société civilisée que l'événement même voulait véhiculer de Constantine et de l'Algérie. Citons de prime abord, les actes de vandalisme qui ont défiguré la toute nouvelle stèle rectangulaire déposée en face du palais de la culture Mohamed El Aïd El Khalifa. Cette pierre en marbre taillé, d'une hauteur de deux mètres environ, sur laquelle l'on a écrit ??Constantine capitale de la culture arabe 2015 ??, avec des lettres plaquées d'une couche en inox doré. Les deux écritures, sur une face en arabe et en français sur l'autre, ont déjà subi de gros dommages. Des lettres ici et là ont perdu leur plaquage doré, quelques chiffres ont littéralement disparu, de 2015 il ne reste, au fait, que les chiffres deux et zéro. Juste en face de cette stèle, le palais de la culture Mohamed El Aïd El Khalifa, dont le hall d'entrée abrite une multitude d'expositions facilement accessibles à tous les passants, de part sa situation en plein centre-ville. Pour une raison ou une autre, ils y font une escale, même s'ils ne sont pas venus spécialement pour assister à telle ou telle exposition, à vrai dire, ils ne font que passer. Durant les journées réservées aux wilayas de Tamanrasset et Tipasa, ou encore à la semaine culturelle de la Palestine, ce hall, étant à la portée de tout le monde est parfois plus sale que le trottoir à l'extérieur du palais. A l'intérieur du palais, la rampe aménagée récemment dans le cadre de la réhabilitation de cette structure culturelle, pour faciliter les déplacements des visiteurs handicapés moteurs d'un étage à un autre, a été transformée par certains enfants accompagnant leurs parents en une aire de jeu et de loisirs. Sous l'œil indulgent, voire même complice de ces derniers, ces chérubins montent et descendent le long de cette rampe, leurs joues toutes rouges de l'effort physique dépensé. C'est dire la marge de liberté accordée aux visiteurs du palais, et que l'on ne pourrait en aucun cas justifier. Rivalisant avec les précédents, certains citoyens entrent dans le palais, les mains chargées de sachets remplis de différentes denrées y compris celles alimentaires, des baguettes de pain, déambulent entre les stands, dans une salle feutrée réservée à une exposition de manuscrits millénaires ramenés des plus prestigieux musées algériens?!. Des agissements ont, par ailleurs, entaché la semaine de la Palestine, certains citoyens abordent des membres de la délégation palestinienne, non pas pour saluer leur contribution à l'événement, mais juste pour leur demander comment se procurer une «coufieh», écharpe symbolique des palestiniens. Des sifflements, des chahuts déplacés ont ponctué les tableaux dansants présentés par le groupe de jeunes artistes palestiniens. La symphonie Weam, jouée mercredi dernier par l'orchestre symphonique national (OSN), au niveau de la salle des spectacles Ahmed Bey de Constantine, a reçu pour seul écho de la part de certains jeunes, des «one two three viva l'Algérie » ou encore les chants habituels des supporters d'équipes de foot locales. D'autres respectent peu ou pas du tout les bonnes manières en s'adressant aux agents de sécurité. Chapeau, donc, a ces derniers et aux policiers qui ont su garder leur sang-froid et qui ont tout le temps répondu aimablement à certaines questions posées par les visiteurs. Ainsi qu'aux hôtesses qui ont conduit avec une immense gentillesse les familles venues assister au spectacle de clôture de la semaine de la Palestine, la bonne gestion de l'affectation des places dans la salle des spectacles du palais Mohamed El Aïd El Khalifa, les familles devant et les jeunes venus seuls en arrière, signe d'un réel respect, qui n'a pas échappé, évidemment, aux familles constantinoises. Pour finir, citons cet adage populaire, « Blèche ma yahlèche » qui veut dire : on ne savoure pas quelque chose acquis facilement et gratuitement. Faire de certaines entrées payantes garantit la seule présence des personnes réellement intéressées par tel ou tel spectacle, ou y aurait-il lieu de craindre que les citoyens boudent les événements culturels ? La réponse est non, le palais ?Ahmed Bey' a maintenu ses 80 DA, le prix du ticket d'entrée, bien que le flux de visiteurs ait augmenté en raison des diverses expositions organisées dans ses salles et qui n'ont rien à voir avec le programme propre au palais. «Ce n'est pas la gratuité de l'offre culturelle qui pourrait instaurer des bases solides d'une société de culture, mais c'est plutôt l'abondance de cette offre et sa continuité. Rentabiliser la culture, revient, donc, à la valoriser, et la valoriser revient automatiquement, à la rendre très convoitée», estiment des avis largement partagés qui relèvent aussi qu'il ne faut pas confondre l'acte culturel à une banale fête foraine.