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La violence sur ascendants prend des proportions inquiétantes : 256 affaires traitées par la gendarmerie en trois mois

par J. Boukraa

Jadis qualifiées de crimes de lèse majesté, les violences sur ascendants sont désormais commises sans pudeur et le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur, notamment dans les grandes villes.

De nos jours les enfants n'hésitent pas à hausser le ton devant leurs géniteurs, les menaçant, les méprisant, les insultant et les chassant même de leur domicile. Pas moins de 256 affaires de violence sur ascendants ont été traitées par le groupement de la gendarmerie de la wilaya d'Oran durant les trois premiers mois de cette année. Les victimes ont subi les pires formes de violence et de torture. Le mauvais traitement infligé aux parents par leur progéniture s'avère aujourd'hui une autre forme de violence familiale, souvent présente, mais qui demeure encore un sujet tabou. La violence à l'égard des ascendants est même devenue un phénomène récurrent. En tous les cas ce ne sont pas les statistiques dressées par les services hospitaliers qui contrediront cette amère réalité. Les services de la médecine légale du centre hospitalo-universitaire d'Oran reçoivent quotidiennement des parents demandeurs de certificats d'incapacité. Une moyenne de 5 à 10 cas par semaine.

Même alarmants, les chiffres sont loin de refléter l'inquiétante situation. Les mères battues représentent un taux de 35%, mais rares sont celles qui déposent plainte. Sur le total des victimes frappées par leurs enfants, seuls 40% déposent plainte. Le reste use de certificat d'incapacité comme moyen de pression sur leurs enfants pour qu'ils ne récidivent plus. Dans la plupart des cas, ce silence s'explique par une certaine mentalité et des coutumes qui sont des obstacles majeurs qui empêchent de se plaindre. Si les uns câlinent leurs mamans et les couvrent de cadeaux pour leur témoigner leur affection d'autres n'ont pas le temps de dire «je t'aime» à celle qui les a portés pendant 9 mois. Pis, ils les insultent et les tabassent. D'après une source policière, ces enfants agissent souvent sous l'emprise de l'alcool, de la drogue... Des stupéfiants qui leur font perdre la raison. Toutefois, il n'y a pas que les hommes qui maltraitent leurs mamans. En effet, les filles s'y mettent parfois. Souvent, ces dernières, si elles n'ont pas la force de battre leurs mères, s'adonnent à la violence verbale. En ce sens, l'article 267 du code de procédures pénales stipule que tout individu auteur de coups et blessures volontaires contre ses ascendants est passible d'une peine allant de cinq à dix ans de prison ferme. Et dans le cas où cette forme de violence répréhensible provoque un quelconque handicap chez la victime, la peine encourue peut s'étendre jusqu'à une vingtaine d'années de prison ferme.

DE PLUS EN PLUS DE PERSONNES AGEES DELAISSEES PAR LEURS ENFANTS

La violence est bannie par le Coran. Dans le saint Coran, les parents occupent une place de choix. Il est recommandé de choyer ses parents et de les respecter au mieux. Il n'y a pas de pire violence que d'abandonner ses parents pour les priver de l'amour et de la protection auxquelles ils ont droit pour avoir trimé pour la réussite de leur progéniture. Avec l'urbanisation de plus en plus croissante, et face à la montée des valeurs d'indépendance, le concept de famille élargie a de plus en plus de mal à se maintenir. Depuis quelques temps déjà le phénomène de l'exclusion et l'isolement prend de l'ampleur chez nous. Les personnes âgées sont les premières concernées. Plusieurs cadavres de personnes âgées ont été découverts ces derniers jours à Oran. Depuis le début de l'année, une dizaine de personnes âgées entre 60 et 75 ans ont été découvertes mortes et en état de décomposition très avancé. Ces personnes ont été retrouvées dans leurs maisons. Délaissés par leurs enfants, abandonnés par leurs familles, les vieillards peuvent s'éteindre dans la solitude de leur appartement, jusqu'à ce qu'un voisin donne l'alerte. La découverte fortuite de corps de personnes âgées en décomposition n'est pas rare. Ce genre de situation qui illustre le désengagement familial des enfants envers leurs ascendants dépendants se multipliera dans les années à venir. Le 3e âge est considéré comme un fardeau pour la famille et toute la société et la prise en charge d'une personne âgée dépendante est une opération assez lourde. Les restrictions du temps libre sont difficiles à vivre par les «aidants» et peuvent affecter la vie conjugale, surtout lorsque les aidants sont les enfants des personnes prises en charge. Les services de l'Action sociale ont recensé près de 8.600 personnes âgées qui ont besoin de prise en charge. Même si ces personnes bénéficient de l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS), elles ont toujours besoin d'une autre prise en charge, sociale et sanitaire. A Oran une cellule d'auxiliaires de vie a été crée dans la commune de Bousfer. Ces auxiliaires de vie ont pour mission la prise en charge à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap. Cette action est initiée par le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme et l'Agence nationale de développement social (ADS). De son côté l'association «Chougrani» a formé près de 106 aidants naturels dont 52 sont déjà sur le terrain. Les aidants naturels sont des proches des personnes âgées, formés à l'effet d'améliorer le quotidien des personnes aux besoins spécifiques.