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Pénurie de carburants : Une politique de raffinage à revoir

par Ghania Oukazi

La politique énergétique du gouvernement ne semble pas être conçue pour entre autres, prévoir les pénuries de carburants dont la récurrence perturbe, grandement, le quotidien des citoyens et même le fonctionnement des institutions de l'Etat.

« La ville de Hassi Messaoud vit, elle aussi, une crise de carburants, on en a parlé au ministre de l'Energie mais il ne nous a pas donné de réponse convaincante, » nous ont déclaré, jeudi dernier, des élus locaux, en marge de la visite du Premier ministre, dans la wilaya de Ouargla. De prime abord, une telle crise semble impossible puisque la région est celle de la production des hydrocarbures, par excellence. « Mais ce n'est pas aussi simple, » nous disent des experts, anciens hauts fonctionnaires du groupe Sonatrach. Ils notent, en premier, que les capacités de raffinage de l'Algérie sont seulement de 5 à 6 millions de tonnes. Le raffinage se fait à Skikda, Arzew, Ain Amenas et Hassi Messaoud. Ces deux derniers pôles sont considérés comme « petits complexes de raffinage » par rapport aux deux premiers. « L'explication de certains responsables que c'est une pénurie de files d'attente et non de carburants, est absurde, » relèvent nos interlocuteurs qui, eux, avouent que «c'est une véritable pénurie que le gouvernement n'a jamais su prévoir ni gérer. » Pour eux, « il est, en effet, ridicule d'affirmer que les automobilistes font la queue devant les stations d'essence, juste parce qu'ils craignent qu'il y a risque de pénurie ; elle existe, bel et bien, et s'installe parce que la programmation de l'achat et livraison des carburants que l'Algérie doit importer du marché international ne se font pas à temps.» Nos sources soulignent que les capacités de raffinage sont devenues, bien en-deçà de la demande locale, qui connaît une fulgurante ascension depuis quelques années.

Les anciens fonctionnaires de Sonatrach expliquent ainsi que « tout réside dans cette gestion qui est approximative, depuis 2005, date à laquelle l'Algérie a décidé d'importer les carburants parce qu'elle ne suffisait plus le marché local. »

Pour cette fois, encore, selon eux, les quantités de carburants importées n'ont pas encore été réceptionnées, contrairement à ce qui est avancé à ce sujet. Les responsables de Naftal ont précisé que les tankers devant ramener les carburants de l'étranger ont pris du retard, en raison des mauvaises conditions climatiques. « Faux ! » affirment nos sources « ils n'ont pas été programmés à temps pour éviter que la pénurie s'installe.» Entre les unes et les autres déclarations et contradictions, les citoyens continuent de rager devant les longues files d'attente qui se constituent, pratiquement, tout au long de la journée devant les stations-service d'un grand nombre de régions du pays. La pénurie n'est donc pas à Alger, seulement, « mais même au sud du pays, à Hassi Messaoud. » Il est indiqué que les institutions locales de plusieurs wilayas utilisent tous les véhicules de leurs parcs, au fur et à mesure que leurs réservoirs se vident. « Beaucoup de chauffeurs se roulent les pouces dans les administrations parce que les véhicules qu'ils conduisent n'ont plus de carburant, », nous disent des élus locaux.

Les anciens cadres de Sonatrach rappellent que l'Algérie n'a jamais accepté qu'elle fasse partie du système mondial de distribution des carburants. « En 2010, le groupe ?Rabrab' devait s'associer à la société américaine ?Vitol' pour construire des bacs de stockage et de déstockage des carburants, au port de Djen-Djen, mais la présidence de la République a rejeté le projet, » nous disent nos interlocuteurs. Il s'agit, selon eux, d'un projet qui permet d'acheter des carburants du marché international et les stocker dans des bacs pour les commercialiser, à l'intérieur et à l'extérieur du pays. « Ces stocks permettent, non seulement d'éviter les pénuries et d'approvisionner les stations-service, à temps et avec les quantités dont elles ont besoin, mais aussi de vendre aux pays de la région et d'autres étrangers, » disent-ils.

C'est ce qui devait faire de l'Algérie « un comptoir international de carburants. »

Du coup, nos interlocuteurs pensent que «ce n'est pas, seulement, la programmation, à temps de l'achat des carburants pour éviter les pénuries qui pose problème, mais c'est toute la politique de raffinage qui doit être revue, en ces temps de redéfinition et reclassement des énergies conventionnelles et non conventionnelles.»

Ils estiment, en clair, que « c'est toute la politique énergétique du pays qui doit être repensée, il ne sert rien, à l'Algérie, de se targuer d'avoir, aujourd'hui, beaucoup de gaz alors que ses capacités de raffinage n'ont pas évolué. »