Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Yémen : Deuil arabe

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Le cycle des guerres civiles vécues par le Yémen, depuis plus de quarante ans, risque d'embraser tout le Moyen-Orient. Au nom d'une lutte d'influence entre chiites et sunnites, paraît-il.

Le Moyen-Orient entre dans un nouveau cycle de guerre qui met en péril tout espoir de paix. C'est au Yémen, pays le plus pauvre de la région que ses cousins arabes vont l'affronter par le feu et le sang. Cependant, le lexique politique définit les raisons de cette guerre comme un affrontement entre «musulmans chiites et musulmans sunnites». Une guerre religieuse donc, à l'intérieur d'une même religion. En déplaçant le curseur sur la carte de la région, la déduction saute aux yeux: ce sont l'Arabie Saoudite, chef sunnite en chef qui affronte l'Iran, chef chiite en chef. Le Yémen est leur terrain d'explication. Parce que le Yémen était, jusqu'à jeudi soir et le lancement des bombardiers arabes musulmans coalisés, un pays en paix, calme, stable, tourné vers un avenir radieux. Les guerres civiles, les coups d'Etat et partitions qui ont rythmé la vie du Yémen, depuis son indépendance, en 1967 n'ont rien à voir, semble-t-il, avec ce nouvel épisode où houthis et sunnites s'affrontent. Le courant chiite, au Yémen est, semble-t-il, tout nouveau et viendrait de l'Iran voisin. Cet Iran, bienvenu en Irak et Syrie, aux côtés des alliés arabes et occidentaux pour affronter les hordes de l'Organisation de l'Etat islamique est un autre Iran au Yémen : un ennemi avec qui la paix est impossible. C'est que les données de la géopolitique sont si complexes que l'ami et allié, au nord de cette région du Moyen-Orient (Syrie et Irak) devient l'ennemi à abattre au sud de cette même région. En Irak et Syrie, c'est une guerre contre les hordes de l'Etat islamique sunnites, au Yémen c'est une guerre contre les hordes houthis chiites. A vous de vous retrouver dans cette approche et compréhension de la guerre dans les pays musulmans, interprétée sous le seul dogme religieux. Comment n'a-t-on pas compris cela lorsqu'en 1994, le sud du Yémen, aujourd'hui agressé, a tenté de faire sécession avant de plier sous le pouvoir du Nord ? Et les affrontements meurtriers entres houthis, zaïdistes, sunnites, en 2004 déjà ? La raison de cette guerre civile répétitive, depuis plus de quarante ans, revenait au partage du pouvoir entre régions et tribus, disait-on. Partage sous-tendu par les seules ressources de revenus que sont le gaz et le pétrole. Il n'a jamais été question de dogme religieux, autre que celui du peu de richesses minières enfouies dans le ventre du pays. Et enfin, plus près, en 2011 ? Sous le vent des «printemps arabes», le chef de l'Etat a été «déménagé» après trente-trois ans de pouvoir sans partage, sans que le pays retrouve le chemin de la paix et de la démocratie, comme en Tunisie par exemple.

En ce mois de février 2015, l'autre nouveau chef de l'Etat a été, lui aussi, «déménagé» sans que le pays se calme. Même les interférences, soutiens et conseils des voisins musulmans n'ont pas suffi à éloigner le spectre de la guerre, au peuple yéménite.

La crainte et la peur de tous les peuples musulmans est d'assister, impuissants, à la généralisation de la guerre dans tout ce Moyen-Orient qui leur est cher. Parce que dans cette guerre où se sont engagés, ouvertement, plus de 10 pays de la région, autour du meneur qu'est l'Arabie Saoudite, le risque de métastase en foyers de violence, n'est pas exclu.

Certes, moins nombreux, les chiites vivent en nombre suffisant dans les 10 pays engagés, dans cette aventure. La riposte des terroristes embusqués, ailleurs, dans les pays coalisés est réelle. Al Qaïda et l'Organisation de l'Etat islamique ont déjà des options là-dessus. On dira alors «embrasement de la région». Au nom de quoi ?        De dogmes religieux musulmans. De la théorie de la guerre des religions, opposant les musulmans aux judéo-chrétiens, nous découvrons celle des schismes, au cœur de la même religion. Et bientôt la guerre entre frères de la même famille religieuse. Le Yémen, royaume de la reine de Saba, dénommé en ces temps « l'Arabie heureuse » s'enfonce dans la misère, la violence et la guerre, avec l'aide de ses frères arabes musulmans. Misère !