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Crash de l'A320 dans les Alpes françaises : Un acte fou du copilote

par R. N : Synthèse.

Après la tragédie, la stupeur. Le crash de l'A320 Germanwings, qui a fait 150 morts dans les Alpes françaises, a pris jeudi une autre tournure. En effet, la première boîte noire, celle enregistrant tous les sons et conversations du cockpit, a permis de découvrir, à la stupéfaction générale, que le copilote allemand, Andreas Lubitz, 27 ans, seul aux commandes, avait probablement précipité l'appareil volontairement au sol.

Selon une révélation des autorités françaises en charge de l'enquête, le jeune copilote allemand de l'Airbus A320 semble avoir délibérément fracassé son avion sur une montagne des Alpes. En attendant de retrouver la seconde boîte noire, deux scénarios sont évoqués: celui d'un suicide et celui d'un attentat, même si les enquêteurs français affirmaient ne pas privilégier cette dernière piste. M. Carsten Spohr, le patron de la compagnie Lufthansa, maison mère de Germanwings, a affirmé «n'avoir pas le moindre indice sur ce qui a pu pousser le copilote à commettre cet acte horrible».

MOTIVATIONS INCONNUES

Les motivations d'Andreas Lubitz restent inexpliquées, mais le procureur a précisé qu'il n'était «pas répertorié comme terroriste», une information confirmée par Berlin. A la tristesse causée en Allemagne par le crash, son geste a ajouté colère et consternation. Le copilote avait été engagé «en septembre 2013» par la compagnie aérienne et comptait 630 heures de vol. Resté seul aux commandes de l'appareil après la sortie de la cabine de pilotage du commandant de bord, vraisemblablement parti aux toilettes, Andreas Lubitz ne lui a pas permis de revenir et a actionné le bouton de descente de l'avion. Le pilote, qui se trouvait hors du cockpit lors de la chute de l'avion, a tenté de forcer la porte du poste de pilotage avec une hache, a affirmé hier le quotidien Bild citant des sources sécuritaires.

Sur l'enregistrement contenu dans la boîte noire, «on entend plusieurs appels du commandant de bord pour demander l'accès à la cabine de pilotage, mais aucune réponse du copilote», a indiqué le procureur de Marseille. Andreas Lubitz, dont on perçoit jusqu'à la fin la respiration régulière, n'a pas non plus répondu aux appels de la tour de contrôle qui s'est rendu compte de la descente anormale de l'Airbus. Tout cela «peut s'analyser comme une volonté de détruire l'avion», a déclaré le procureur de Marseille y voyant là «l'interprétation la plus plausible» des dernières minutes du vol. Les passagers du vol Germanwings «ne se sont rendu compte du crash qu'au tout dernier moment» et sont morts sur le coup, ajoute la même source.

INTERROGATIONS SUR LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES DU COPILOTE

L'Allemagne sous le choc s'interrogeait hier vendredi sur la personnalité et les antécédents psychiatriques du copilote de l'Airbus A320. Andreas Lubitz a souffert d'une grave dépression il y a six ans alors qu'il effectuait sa formation de pilote, selon le quotidien allemand Bild sur la base de documents officiels auxquels il a eu accès. Il faisait l'objet d'un suivi «médical particulier et régulier» depuis lors. Ces informations avaient été transmises par la Lufthansa, maison mère de Germanwings, à l'autorité allemande de supervision du transport aérien (Luftfahrtbundesamt, LBA). Présenté par ses proches comme sportif et «très compétent», Andreas Lubitz, a souffert «de dépression et de crises d'angoisse» au moment de sa formation, selon la même source. Il avait d'ailleurs interrompu son apprentissage «pendant un certain temps» avant de l'achever normalement et d'entamer sa carrière de copilote en 2013. Le patron de Lufthansa a souligné jeudi ne pas avoir le droit d'en dire plus sur le motif de l'interruption de sa formation. Il a insisté sur le fait qu'Andreas Lubitz avait passé avec succès tous les tests, y compris psychologiques au moment du recrutement.

Hier le Parquet de Düsseldorf a annoncé que le copilote de l'Airbus A320 a caché qu'il faisait l'objet d'un arrêt maladie le jour de l'accident. Les enquêteurs ont retrouvé chez lui des formulaires d'»arrêt maladie détaillés, déchirés» et qui concernaient aussi «le jour des faits», a affirmé le Parquet dans un communiqué, sans préciser la nature de la «maladie» du jeune homme. Ces documents viennent «appuyer la thèse» selon laquelle Andreas Lubitz «a caché sa maladie à son employeur (la compagnie aérienne Germanwings) et à son environnement professionnel», selon le Parquet. Les documents retrouvés attestent d'une «maladie existante et de traitements médicaux correspondants», selon la même source. En revanche, aucune lettre d'adieu ou courrier annonçant un acte prémédité n'a été découvert.  

NOUVELLES MESURES

L'acte du copilote de l'A320 de Germanwings, qui a empêché le commandant de bord de regagner les commandes avant le crash, a conduit plusieurs compagnies aériennes à imposer la présence de deux membres de l'équipage dans la cabine de pilotage tout au long du vol. Les compagnies aériennes allemandes ont décidé d'adopter la règle des deux personnes en permanence dans le cockpit de leurs avions, a annoncé vendredi la fédération allemande du secteur aérien (BDL). «Nos compagnies aériennes (...) introduisent provisoirement une nouvelle procédure qui prévoit que deux personnes autorisées doivent toujours se trouver dans le cockpit d'un appareil», annonce, dans un communiqué, la fédération qui regroupe toutes les grandes compagnies du pays.

L'autorité aérienne autrichienne Austro Control a imposé hier la même mesure, a annoncé le ministère des Transports. La mesure prend effet «immédiatement», a précisé à l'AFP une porte-parole, Andrea Heigl. «Nous souhaitons qu'une réglementation européenne soit adoptée au plus vite», a-t-elle souligné. Jeudi, plusieurs compagnies ainsi qu'un autre pays, le Canada, avaient annoncé introduire une telle mesure. L'objectif est d'éviter qu'un pilote puisse se retrouver seul dans la cabine de pilotage, et donc en capacité de détruire son appareil dans un mouvement suicidaire, scénario jugé le plus probable dans le crash de l'A320. Les deux principales compagnies aériennes japonaises, ANA et JAL, ont indiqué vendredi à l'AFP ne pas envisager une telle mesure à ce stade, la réglementation ne l'exigeant pas.