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Union européenne : Doutes et suspicion

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Les Sommets européens sont de plus en plus marqués par la discorde et la division sur les questions économiques et stratégiques. Celui de vendredi dernier a été un cas d'école.

Le Sommet européen tenu en fin de semaine dernière (jeudi et vendredi) s'est, à proprement dire, «dispersé» : sans communiqué final consensuel comme d'habitude et surtout sans aucune décision ou accord sur les principaux points de l'ordre du jour : énergie, question ukrainienne et relation avec la Russie essentiellement.

L'ordre du jour a été «zappé» pour laisser place au problème grec qui a provoqué la zizanie entre les Etats membres. En effet, dès la soirée de jeudi, le président du Conseil, le Polonais Donald Tusk a improvisé une réunion restreinte, une sorte de mini-Sommet dans le Sommet, regroupant les chefs des Etats français, allemand et grec avec les présidents de l'Euro groupe, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, excluant de fait les 16 autres Etats faisant partie de la zone euro.

L'initiative du président du Conseil, Donald Tusk, a jeté confusion et interrogations au sein de la famille quant au sort réservé à la question grecque et l'avenir de la monnaie commune européenne. L'exemple du Premier ministre belge, Charles Michel, est révélateur du climat de tension qui règne au sein de l'Union: «le gouvernement belge n'a donné mandat ni à la France, ni à l'Allemagne pour négocier en son nom?alors que la Grèce doit 7 milliards d'euros à la Belgique», a-t-il déclaré devant la presse internationale, avant d'ajouter : «en tant que Polonais, M. Donald Tusk est sans doute moins attentif aux petits Etats membres de l'Union». Aucune réaction en retour du président du Conseil. Mieux, le Conseil s'est clôturé sans avancée sur la question grecque : «il ne faut s'attendre à aucune avancée, ni solution», a lancé la chancelière allemande, Angela Merkel, avant même le début de la rencontre. Traduisez que le gouvernement grec sous la direction du jeune Alexis Tsipras maintient sa volonté de briser la logique de l'austérité imposée à son pays par l'Europe.

Grèce et reste de l'Europe se sont donc séparés, vendredi, sur leurs positions de principe: les Grecs pour moins d'austérité et le reste de l'Europe, notamment les pays de la zone euro, pour la continuation du plan défini par la «Troïka» depuis 2008 -2009. Et comme pour ajouter à la «zizanie», Angela Merkel a préféré négocier (en solo ?) avec le chef du gouvernement grec en l'invitant début de cette semaine à Berlin. La Grèce doit près de 100 milliards d'euros à l'Allemagne. Avec un tel climat de négociation, le reste des questions inscrites à l'ordre du jour sont passées au second plan: les relations avec la Russie et la crise ukrainienne ? Statu quo. La crise libyenne ? Appui à une solution politique (processus d'Alger) sans exclure une éventuelle intervention armée. On verra lors du prochain Sommet prévu le 21 et 22 mai à Riga. L'Union européenne ne fait pas que du surplace. Elle se délite et régresse dangereusement et n'attire plus. Un indice ? L'abandon de l'Islande de rejoindre l'UE, après avoir sollicité son adhésion.

Puis, une voix d'habitude forte et particulière lors des Sommet européen était absente: celle de la Grande-Bretagne. Aucun commentaire ou remarque du Premier ministre britannique David Cameron d'habitude si loquace et critique dans la gestion des affaires européennes. Du reste, faut-il souligner que ce Sommet a été précédé de plusieurs réunions ministérielles: Intérieur, Justice, Finances, Affaires étrangères, Energie ? Des conclusions ont été finalisées pour toutes ces problématiques aux fins d'examen par les chefs d'Etats et de gouvernements sans qu'un seul communiqué, hormis celui qui appelle à une politique commune énergétique, n'ait été diffusé. S'il faut estimer la plus-value de ce Sommet, nul doute qu'elle va au bénéfice des courants eurosceptiques qui se font de plus en plus entendre chez les peuples européens qui ne parlent plus le même langage que leurs dirigeants.