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8 Mars : Au delà du décorum, la femme cherche sa place en Algérie

par Yazid Alilat

C'est presque un rituel : à chaque célébration de la journée du 8 Mars, journée mondiale de la femme, tous les acteurs politiques, les ONG et associations, les institutions nationales, y compris les ministères et même les médias, rivalisent en « dons et cadeaux » distribués à l'occasion de cérémonies expéditives pour rendre hommage à la femme algérienne. Mais, derrière le ?'décorum'', la réalité est tout autre. Même si, faut-il le préciser, des progrès sont enregistrés depuis quelques années. Le dernier rapport sur les violences faites aux femmes, inquiète. Selon les données récentes de l'Observatoire algérien de la femme, quelque 7000 cas de violence ont été recensés en 2014 à travers le territoire national par les services de police. Pour autant, ce chiffre ne représente, selon la directrice de l'Observatoire algérien de la femme, Mme Chaia Djafri, que le sommet de la montagne, car plusieurs femmes violentées refusent de porter plainte ou de se confier aux associations d'aide aux femmes en détresse, par peur de représailles. Selon des estimations, les femmes violentées, à quelque degré que ce soit, seraient plus de 100.000. Jeudi dernier, les députés ont voté pour un nouveau projet de loi criminalisant les violences et les voies de fait contre les femmes.

Intervenant à la veille du 8 Mars, le projet de loi amendant et complétant l'ordonnance N°66-156 portant code pénal relatif aux violences faites aux femmes, a été adopté. Mais après de vifs débats jeudi à l'APN, ce qui donne une idée sur le long chemin à parcourir pour que la femme en Algérie puisse vraiment jouir de la plénitude de ses droits et être considérée comme un élément à part entière de la société. Ce nouveau projet de loi criminalise en fait et durcit les sanctions contre tout acte de violence, physique ou non, contre la femme. En dépit d'une vive opposition, dont celle de l'Alliance de l'Algérie Verte, le projet de loi est quand même passé, difficilement certes. Il aura fallu pour cela que le ministre de la Justice lui même descende dans l'arène pour défendre l'adoption de ce projet de loi qui fait partie en fait de l'arsenal juridique des réformes dans le secteur de la justice. Et pourtant, c'est au sein de l'hémicycle que de réels progrès ont été accomplis dans la participation de la femme algérienne à l'activité parlementaire du pays. Car, après des débats souvent houleux, sinon à contretemps des avancées sociales, une nouvelle loi électorale, adoptée sur le fil quelques jours avant les législatives de 2012, accorde dorénavant aux femmes un quota de 20 à 40% des places sur les listes électorales, contre un quota initial de 33%. Même si c'est une avancée pour la femme politique et parlementaire, beaucoup estiment que l'application des quotas pour la représentativité de la femme dans les instances élues en Algérie reste encore en recul par rapport à de nombreux pays, y compris dans la région. A l'issue de ces élections, le nombre de femmes présentes au Parlement a évolué à 145 sur 462 députés, contre 30 seulement pour 389 députés lors des législatives de 2007.

DERRIERE LA FORET DES CHIFFRES

Le FLN est ainsi représenté au Parlement (220 sièges) par 68 femmes, le RND (68 sièges) par 23 femmes, l'Alliance de l'Algérie Verte (AAV, 48 sièges) par 15 femmes, le FFS (21 sièges) par 7 femmes et le PT (20 sièges) par 10 femmes. Pour autant, tout n'est pas noir dans ce tableau non exhaustif sur la situation de la femme en Algérie. Un rayon de lumière a été en fait braqué sur la situation économique, et plus spécialement sur la grille des salaires des femmes, qui est meilleure que celle des hommes, selon une enquête décennale de l'Office national des statistiques (ONS) sur les dépenses de consommation et le niveau de vie des ménages de 2011. Et là, surprise. La femme en Algérie est mieux rémunérée que l'homme, une situation tout fait remarquable par rapport aux pays occidentaux où le seul clivage «homme-femme» est recensé au niveau des salaires au profit du genre masculin pour des qualifications identiques. En Algérie, «le salaire moyen mensuel des femmes était relativement plus élevé par rapport à celui des hommes en 2011», indique l'ONS, selon lequel « le salaire moyen mensuel des femmes était de 33.900 DA, alors que celui des hommes était de 28.700 DA». Cette différence des salaires est en fait expliquée par le facteur qualification, «ce petit différentiel résulte en partie de la structure globale des effectifs des salariés par qualification», précise l'ONS. L'enquête de l'ONS révèle ainsi que 44,4% des salariés de sexe féminin avaient un niveau universitaire, contre 10,70% seulement pour les salariés masculins. «Globalement, le niveau d'instruction a beaucoup d'incidence sur les salaires moyens. Le salaire moyen augmente nettement avec le niveau d'instruction, il variait de 22.568 DA pour les sans-instruction à 42.383 DA pour le niveau supérieur », explique l'Office. Faut-il dès lors croire que la femme travailleuse en Algérie est mieux «lotie» que sa collègue française ou britannique? Pas si sûr, car un meilleur niveau des salaires n'est pas un élément tangible de l'amélioration de la situation de la femme en Algérie, en dépit certes des progrès réalisés. Car cela ne concerne que les femmes ayant un niveau universitaire et employées dans l'administration et les grandes entreprises locales ou expatriées, alors que les dizaines de milliers d'autres qui forment les troupes des usines du secteur privé et même public, relativisent les chiffres de l'ONS. Et l'état des droits de la femme dans le pays.