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APN : Les femmes divisent toujours

par Yazid Alilat

Hasard de calendrier ou pas, le projet de loi amendant et complétant l'ordonnance N°66-156 portant Code pénal relatif aux violences faites aux femmes, a été adopté, à l'issue de vifs débats, jeudi à l'APN, à la veille de la célébration de la Journée internationale de la femme.

Une loi qui criminalise en fait et durcit les sanctions contre tout acte de violence, physique ou non, contre la femme. En dépit d'une vive opposition, dont celle de l'Alliance de l'Algérie Verte, le projet de loi est quand même passé «comme une lettre à la poste». Il aura fallu pour cela que le ministre de la justice lui même descende dans l'arène pour défendre l'adoption de ce projet de loi, qui fait partie en fait de l'arsenal juridique des réformes dans le secteur de la justice. En séance plénière, avec la présence de 284 membres du parlement, le vote a été marqué d'abord par l'abstention des représentants à l'APN du PT, ensuite par l'absence de ceux de l'Alliance de l'Algérie Verte, qui, faut-il le souligner, a demandé le retrait de ce projet de loi des travaux de la session de printemps du parlement, estimant que ce projet «va à l'encontre des principes et de la culture de la société algérienne». Les partis du MSP, El Islah, Enahda et El Adala, qui forment l»'AAV», ont en fait boycotté le vote du projet de loi, estimant qu'il est contraire «aux préceptes de la Charia», et risque de «disloquer la famille algérienne». Les débats lors du vote ont été très houleux, mais le projet de loi est passé sans encombre. Adopté à la majorité des voix, la nouvelle mouture comprend notamment un article portant sur la protection de l'épouse «des coups et des blessures volontaires, provoquant un état d'invalidité ou causant l'amputation, la perte d'un membre, une invalidité permanente ou la mort de la victime», avec des sanctions en fonction du préjudice. Pour autant, selon le texte de loi, le pardon de la victime met fin à toute poursuite judiciaire, sauf dans certains cas.

La même loi, qui doit ensuite passer par le Conseil de la Nation pour sa validation, criminalise dans un autre de ses articles «toute forme d'agression, de violence verbale, psychologique ou maltraitance» contre la femme, en particulier en cas de récidive. L'article 330 du code pénal relatif à l'abandon de famille a été amendé pour protéger l'épouse contre la perte de ses biens et ressources financières. Quant aux dispositions relatives à la protection de la femme contre la violence sexuelle, la nouvelle loi prévoit un nouvel article criminalisant toute agression attentant à l'intégrité sexuelle de la victime avec l'amendement de l'article 341 bis en vue d'alourdir la peine prévue pour harcèlement sexuel. En outre, un autre article de cette loi porte sur la criminalisation et la lutte contre le harcèlement des femmes dans les lieux publics, avec une peine plus lourde si la victime est mineure. A l'issue de l'adoption de ce texte de loi, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, a souligné que «l'Etat algérien est déterminé à poursuivre les réformes engagées dans le secteur de la Justice».

LES «POUR» ET LES «CONTRE»

«En dépit de la divergence de vues, il existe toutefois un consensus sur la nécessité de promulguer une loi pour protéger la femme, conformément à la stratégie adoptée par le gouvernement», a expliqué M. Louh, selon lequel le texte de loi va combler un vide juridique en matière de lois allant dans le sens de la protection de la femme contre certains» fléaux sociaux passés sous silence». Selon M. Louh, cette loi «n'a pas été élaborée sous la pression». «L'Algérie est souveraine dans cette décision qui n'est pas dictée par des pressions internes ou externes», a-t-il affirmé. Mais, avant la séance de vote, ce projet de loi a provoqué de vifs débats à l'APN. En particulier l'intervention du député de l'Alliance de l'Algérie Verte, Mohamed Daoui, pour qui les femmes étaient responsables des violences qu'elles subissent en raison de leur accoutrement et de leur «maquillage». Pour le représentant de l'AAV au Parlement, les femmes algériennes doivent faire preuve de «pudeur» et éviter ainsi les violences et le harcèlement sexuel. Des propos qui ont provoqué de vives réactions des partis de la majorité, alors que le PT et le FFS, qui ont botté en touche en s'abstenant de voter, estiment qu'il faut tout simplement abroger le code de la famille. De son côté, l'ONG Amnesty International (AI) estime insuffisantes les dispositions de cette loi, et se déclare même «alarmée par une clause (du projet de loi) qui prévoit l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime». «AI» appelle «au rejet catégorique d'une telle disposition», qui selon elle «peut permettre à des auteurs de violences de genre d'échapper à des poursuites judiciaires». D'autre part, Amnesty rappelle «l'urgence pour l'Algérie d'adopter une approche globale pour lutter de manière adéquate contre les violences liées au genre, y compris les violences sexuelles. Jusqu'à maintenant, l'approche des autorités est restée sélective, fragmentaire et symbolique».