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Affaire Sonatrach 2 : La justice italienne boucle le dossier Saipem

par Yazid Alilat

« Au point mort» même si elle a été enrôlée en Algérie, l'affaire Sonatrach 2 (affaire Saipem en Italie) est pratiquement bouclée en Italie avec la mise en accusation de Paolo Scaroni, l'ex-patron du groupe énergétique ENI. La presse milanaise annonçait, jeudi, que le procureur de Milan en charge du dossier, Fabio de Pasquale, a demandé la traduction devant la justice de l'ex-N°1 du groupe énergétique italien ENI, Paolo Scaroni, ainsi que sept autres personnes directement impliquées dans cette affaire de versements de 198 millions de dollars de pots-de-vin contre des contrats pétroliers en Algérie dans laquelle est pleinement impliquée l'entreprise italienne Saipem, filiale d'Eni.

Selon les éléments d'un dossier aujourd'hui très dense, le procureur de Milan va poursuivre l'ex-patron d'ENI, Paolo Scaroni, l'ex- directeur des opérations de Saipem, Pietro Varone (arrêté en 2013), l'ancien président de Saipem Algérie, Tullio Orsi, l'ancien directeur financier de Saipem puis d'Eni, Alessandro Bernini, l'ex-président et ex-PDG de Saipem, Peter Telle, l'ancien responsable Afrique du Nord d'ENI, Antonio Vella, et bien sûr Farid Bedjaoui, appelé par la presse italienne ?'le facilitateur''. Farid Bedjaoui est au cœur de cette affaire de corruption internationale et il est considéré comme l'intermédiaire de l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, et les ?'patrons d'ENI via la Saipem. Dans la liste, il y a également le nom d'un Algérien, Samir Ourayed, en fuite. C'est la première fois que le nom de ce personnage apparaît dans cette affaire. Le procureur de Milan, qui a bouclé son enquête à la mi-janvier dernier, va poursuivre ces ex-responsables du groupe Eni pour corruption conformément à la loi 231/2001 qui prévoit la responsabilité administrative des entreprises pour des crimes commis par les administrateurs. Les derniers éléments versés au dossier de cette affaire par le procureur de Milan ont été des ?'écoutes téléphoniques'' entre Paolo Scaroni et le chef du parti Corrada Passera Italia Unica, ministre du Développement économique dans l'ex-gouvernement Matteo Renzi au moment des faits. Des informations ?'fuitées'' dans la presse italienne faisaient état d'une discussion téléphonique entre les deux hommes sur les 198 millions de dollars de pots-de-vin versés par Saipem. En fait, cet autre scandale qui éclabousse le groupe énergétique algérien, porte sur sept contrats obtenus par Saipem auprès de Sonatrach entre 2007 et 2008 d'une valeur globale de 8 milliards d'euros. Problème : ces contrats ont été arrosés par des versements de commissions d'environ 198 millions de dollars et versées au «facilitateur» Farid Bedjaoui à travers sa société écran, la Pearl Partners Limited, basée à Hong Kong. Une enquête du quotidien italien Corriere della Sera veut que ?'plus de 100 millions de dollars se trouveraient à Singapour sur des comptes contrôlés par M. Bedjaoui et 23 autres millions de dollars seraient à Hong Kong''.

CORRUPTION A L'ITALIENNE

Selon l'acte d'accusation du procureur de Milan, outre Pietro Varone et des membres influents du top management de Saipem et Eni, il y a surtout le N°1 du groupe, Paolo Scaroni, qui, apparemment, serait lui lié à d'autres filières, dont celles politiques en Italie. Pour démêler l'écheveau de cette affaire de corruption, qui, apparemment, serait à l'origine de l'exil américain de Chakib Khellil et la disparition dans la nature de Farid Bedjaoui, le bureau du procureur de Milan en charge de l'affaire Saipem a lancé plusieurs commissions rogatoires pour connaître les ramifications d'un vaste réseau d'intermédiaires dans le plus important scandale financier de ces dix dernières années en Italie. Les commissions rogatoires du procureur milanais ont été lancées en Algérie, en Suisse, au Luxembourg, à Abu Dhabi, en France, à Hong Kong, Singapour, ainsi qu'au Liban. Pratiquement bouclé, l'acte d'accusation porte sur le faux et usage de faux, faux en écritures, établissement de fausses factures, corruption et pots-de-vin.

Les investigations du procureur milanais, qui l'ont conduit au Nigeria où il a découvert un scandale similaire de rétrocommissions impliquant Saipem avec l'ex-ministre nigérian de l'Energie, Dan Etete, l'ont conduit à déduire qu'une partie des 198 millions de dollars de commissions versées par Saipem pour obtenir des contrats pétroliers en Algérie sont retournés, en fait, en Italie. Elle y aurait été blanchie dans des investissements immobiliers, notamment dans l'acquisition de parts de la société Cortina Immobilière Ltd par Paolo Scaroni, qui y aurait placé 11 millions d'euros, provenant des commissions versées pour l'acquisition de contrats pétroliers en Algérie. Une autre partie de cet argent aurait été par ailleurs placée dans des paradis fiscaux, en particulier à Guernesey, un paradis fiscal britannique.