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Saisie de l'avion d'Air Algérie : Alger rappelle ses ambassadeurs en Belgique et en Hollande

par Moncef Wafi

Nouvelle escalade dans ce qu'il est convenu dorénavant d'appeler l'affaire de la saisie d'un avion d'Air Algérie sur le tarmac de l'aéroport de Bruxelles.

En effet, Alger a décidé de donner une tout autre tournure à un différend commercial, en le propulsant tout droit dans le monde feutré de la diplomatie. Fort de ses droits, Alger a ainsi rappelé ses ambassadeurs auprès du royaume de Belgique et du royaume de Hollande pour «consultations». Une formule consacrée pour souligner la réprobation de l'Algérie devant une telle démarche. La décision, indique le communiqué de ce samedi soir du ministère des Affaires étrangères, intervient suite à la mesure prise, sur décision de la justice belge, de saisir à l'aéroport de Bruxelles l'avion d'Air Algérie, assurant le vol AH 2063 entre les deux capitales, alors qu'il s'apprêtait à décoller avec à son bord plusieurs passagers. Les Algériens reprochent aux Belges d'avoir anticipé sur une procédure judiciaire alors que toutes les voies de recours auprès des instances judiciaires compétentes n'ont pas été épuisées. La compagnie nationale aérienne s'est défendue, dans un communiqué rendu public samedi, affirmant avoir entrepris les démarches légales nécessaires auprès des juridictions belges. Air Algérie explique être dans son bon droit dans le litige qui l'oppose à la société néerlandaise K'AIR BV. «Un avion d'Air Algérie a été saisi vendredi à l'aéroport de Bruxelles suite à un litige avec la société néerlandaise K'AIR BV, malgré la procédure légale engagée par la compagnie aérienne algérienne», indique le transporteur aérien. Ce dernier explique que le litige l'opposant à K'AIR BV concerne un contrat de vente d'appareils réformés, signé le 6 juillet 2008 par les deux parties. Les Néerlandais n'étant pas parvenus à mettre en place le financement tel que prévu, en dépit des facilités qui lui ont été accordées, comme rapporté dans le communiqué, et «après mise en demeure pour faute d'exécution, Air Algérie a procédé, le 29 décembre 2009, à la résiliation de ce contrat de vente». La société néerlandaise engagera alors en date du 17 mars 2011, «une procédure d'arbitrage auprès de la Cour internationale d'arbitrage qui a rendu, le 31 mars 2014, une sentence condamnant Air Algérie», selon la même source d'informations. Le 7 mai 2014, les Algériens engagent un recours en annulation de cette sentence et «malgré cette procédure légale», K'AIR BV a fait procéder par la justice belge à la saisie de l'appareil d'Air Algérie. La compagnie nationale affirme qu'elle a entrepris les démarches légales nécessaires auprès des juridictions belges et qu'elle veille à accomplir toutes les actions en vue de dénouer cette situation dans les plus brefs délais. La décision de rappeler ses deux ambassadeurs est en soi un signal fort d'Alger qui entend revendiquer ses droits et rendre publique sa désapprobation. En effet, il est rare dans les mœurs diplomatiques algériennes d'en arriver à ce stade puisque Alger a, de tout temps, refusé de rappeler ses ambassadeurs à l'étranger sauf cas exceptionnels. Ces dernières années, l'Algérie a fait preuve de retenue dans des conflits avec certains pays arabes qui ont décidé unilatéralement de rappeler leurs ambassadeurs à Alger, à l'exemple de l'Egypte au lendemain du match qualificatif à Oum Dourman pour la Coupe du monde de 2010, ou encore le Maroc qui avait fait de même en 2013 lorsqu'il avait pris la décision de rappeler son ambassadeur à Alger pour une réunion de «consultations». Là encore, l'Algérie a décidé de maintenir officiellement l'ensemble de ses missions diplomatiques et consulaires au Maroc.

L'année dernière, Alger avait rappelé son ambassadeur à l'époque à Paris, Missoum Sbih, non pour une quelconque protestation mais en vue de son remplacement. En 2010, l'Algérie avait décidé de rappeler pour consultation son ambassadeur à Bamako après la libération de quatre terroristes par le gouvernement malien «sous le prétexte fallacieux qu'ils ont été jugés et ont purgé leur peine», avait indiqué le ministère des Affaires étrangères. Dernièrement, Alger a rappelé son ambassadeur à Baghdad, principalement à cause de la dégradation des conditions de sécurité dans le pays. C'est dire que les cas sont rares où l'Algérie décide, en dernier recours, de rappeler ses représentants diplomatiques. Rappelons que c'est ce vol AH 2063 Bruxelles-Alger qui a fait tant parler de lui dans la première semaine de décembre quand l'expulsion d'un Algérien a tourné à une confrontation verbale entre des policiers belges et les passagers algériens.

A quelques minutes du décollage, l'attention des passagers est attirée par les cris d'un homme, la quarantaine, installé dans les places arrière de l'avion. «Je suis malade, je ne veux pas retourner en Algérie», ameute-t-il le reste des passagers. Un policier belge, qui a pris place devant lui, tente de le maîtriser. En vain, l'homme résiste. Il s'agit, selon les policiers belges, d'un Algérien, qualifié de criminel dangereux et récidiviste, qui a fait l'objet d'une procédure d'expulsion.

L'homme s'époumone à clamer son innocence allant jusqu'à accuser les policiers de brutalité. «On m'a frappé», crie-t-il encore. Il appellera les autres voyageurs à lui venir en aide pour ne pas quitter la Belgique, victime, répète-t-il, d'une injustice. Son appel au secours sera entendu par les passagers qui finiront par s'interposer à cette expulsion. L'histoire ne s'arrête pas là puisque les uniformes belges reviennent dans l'avion pour interpeller une femme, quinquagénaire, accusée d'être responsable de la protestation.