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La corde usée du complot ourdi

par M. Saadoune

Amar Saadani, secrétaire général du FLN, a son explication de la chute des prix du pétrole : c'est un «complot ourdi» de l'Occident, exécuté par l'Arabie Saoudite pour mettre à genoux cinq pays dont l'Algérie. Le complotisme et son corollaire, l'agitation de la menace extérieure, font d'autant plus rire que les Algériens s'informent.

Ils savent bien que l'Arabie Saoudite, en raison de son poids déterminant, est derrière la dernière décision de l'Opep de maintenir le niveau de production à 30 millions de barils-jour. Des experts algériens ont expliqué qu'il n'existe plus de «quotas» au niveau de l'Opep et qu'une éventuelle réduction de la production devait être nécessairement assumée par les pays qui sont les plus « à l'aise».

En clair, c'est l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe qui devaient, en cas de décision de réduction de la production, jouer les régulateurs. Ils ont refusé de jouer ce rôle. Les Algériens ont aussi accès à des explications «sérieuses» sur les raisons stratégiques derrière les choix de Ryad.

L'Iran aurait pu, à la limite, parler d'une démarche saoudienne qui la cible directement dans le cadre d'un bras de fer régional ouvert où tous les coups sont permis. La Syrie en ruine en est une des illustrations. Les choix politiques de l'Arabie Saoudite, alliée stratégique durable des Etats-Unis, sont lisibles et n'ont pas besoin d'être expliqués par des complots. En tout état de cause, il est strictement faux de dire que l'Arabie Saoudite «complote» contre l'Algérie.

Notre pays, c'est un fait remarqué, a fait profil bas lors de la dernière réunion de l'Opep et n'a pas particulièrement défendu une baisse de la production. Il est par contre parfaitement juste de dire, sans verser dans les théories du complot, que la chute des prix pétroliers n'est pas explicable par les seuls fondamentaux du marché pétrolier.

Le secrétaire général de l'Opep, Abdallah al-Badri, a évoqué hier un rôle probable de «la spéculation». «Nous voulons connaître les raisons réelles qui ont conduit à une telle chute des cours du brut. L'offre et la demande ont connu une hausse ? légère - qui n'explique pas cet effondrement de 50%» des prix depuis la mi-juin».

M. Amar Saadani et les responsables algériens, tentés par l'agitation de la main de l'étranger, auraient tort de tirer sur la corde du complot ourdi. Par contre, ils devraient s'inquiéter sérieusement : les prix pourraient sombrer dans les prochaines semaines et chuter sous la barre des 50 dollars. Il faudra bien aller, plus rapidement que prévu, à des ajustements douloureux et sortir de l'état d'attente faussement tranquille dans lequel le pays est installé.

Au lieu de parler de complot, on devrait admettre que la période d'aisance des années 2000 n'a pas été mise à profit pour créer une économie. Elle a donné naissance à des riches mais pas à une économie diversifiée qui aurait pu réduire l'impact du recul des prix pétroliers. Au lieu de chercher les explications dans une politique saoudienne - qui a sa propre cohérence -, la chute des prix pétroliers rappelle trop cruellement que l'Algérie n'a pas de politique économique. L'économie du pays se résume, de manière caricaturale, aux quantités d'hydrocarbures exportées et à leur prix et à des importations en tout genre.

La fragilité économique du pays n'est pas un complot saoudien. Même quand on fait dans la pure propagande politicienne, on ne devrait pas l'oublier.