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L'Union Européenne, la Palestine et Israël : Le moment de vérité

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

135 pays des 192 Etats, comptabilisés dans le monde, reconnaissent, à des degrés divers, l'Etat de Palestine, dont une majorité de pays de l'UE. Le Parlement européen devrait voter une résolution dans ce sens, le 18 décembre. Cela changera-t-il le destin des Palestiniens ?

L'approche de la question palestinienne par l'Union européenne (UE) est plus que singulière. Des Etats membres reconnaissent, officiellement, l'Etat de Palestine, telles la Suède et les anciennes Républiques socialiste de l'Est, d'autres ont voté des résolutions parlementaires dans ce sens telles la Grande-Bretagne, la France, l'Espagne, l'Irlande ou sont en voie de le faire, comme la Belgique ; une majorité des Etats de l'Union accueillent une représentation de l'Autorité palestinienne sur leur sol ; l'Union européenne, elle-même, est le premier bailleur solidaire de la Palestine au plan financier ; l'Union dispose de représentations diplomatiques auprès de l'Autorité palestinienne à Jérusalem, via la diplomatie israélienne et pourtant peine à reconnaître, officiellement et diplomatiquement, l'Etat palestinien qui rappelons-le, a été admis en tant que membre observateur à l'ONU, en 2012.

Cette même année 2012 qui a vu les chefs de mission diplomatique des Etat membres de l'UE, à Tel-Aviv, capitale politique de l'Etat hébreu, dénoncer, sévèrement, dans un rapport commun la politique d'occupation et d'annexion des terres palestiniennes et de Jérusalem-Est, par Israël, ses violations graves des règles les plus élémentaires du droit international, ses violences (torture et crimes) sur les Palestiniens, son défi à la Communauté internationale, etc. et pourtant rien n'y fait : Israël continue sa politique de la terre brûlée, coloniale, raciste défiant la terre entière. Comment cela se peut-il, lorsqu'on sait que l'Irak de Saddam Hussein a été envahi et détruit pour le non respect d'une seule résolution du Conseil de sécurité de l'ONU? Lorsque la Libye de Kadhafi a été mise en pièces, dans une violence inouïe, pour avoir rejeté une seule résolution du Conseil de Sécurité ? Israël a, depuis 1967, rejeté 18 résolutions de ce même Conseil de sécurité de l'ONU, sans qu'il soit inquiété. Faut-il rappeler que les résolutions de ce Conseil de sécurité ont un caractère « impératif » ? C'est-à-dire applicable, s'il le faut par la force ? Du coup, si l'Onu et, plus particulièrement, son Conseil de sécurité n'arrivent pas à imposer l'application de ses propres résolutions, à Israël, que peuvent les Etats européens, en votant de simples résolutions parlementaires chez eux ? Plus triste encore : après un premier échec, en novembre dernier, le Parlement européen a reporté son vote pour le 18 décembre prochain, pour l'adoption d'une résolution de reconnaissance de l'Etat palestinien. Le prétexte de ce premier échec ? Le statut de Jérusalem, plus précisément Jérusalem-Est. Sous la pression d'Israël, des élus européens de droite et sociaux chrétiens (centre?) ne souhaitent pas que Jérusalem soit la Capitale des deux Etats. Et combien même ils parviendraient à un accord et un vote, la résolution du Parlement ne risque pas d'arrêter la politique de colonisation et de ségrégation d'Israël, dans ce qui reste de la Palestine. Rappelons-nous, lorsque ce même Parlement européen s'était opposé au Conseil européen (chefs d'Etats et de gouvernements de l'UE) pour sa décision d'accorder à Israël de statut de « partenaire privilégié de l'UE » en décembre 2008 : la France sous Nicolas Sarkozy assurait la présidence tournante de l'UE (juillet-décembre 2008) avait, alors, soumis ce « privilège » accordé à Israël à l'adoption par l'UE. Le Parlement européen s'était opposé, mais n'a pu empêcher l'accès d'Israël à son nouveau statut de partenaire privilégié. Par ce statut, Israël peut assister à toutes les réunions européennes, y compris aux différents Conseils des ministres de l'UE, en tant qu'Etat observateur. Un membre apparenté, en quelque sorte, de l'UE. Dans ces conditions, les Etats de l'UE ont-ils la marge et l'audace de dire, décider ou voter en toute liberté, des décisions affectant le statut « privilégié » accordé à Israël ? Curieusement, face à ces tergiversations diplomatiques de l'Europe, des Israéliens, en Israël, mènent, ces dernières semaines, une vraie campagne en direction des décideurs de l'Europe, pour la reconnaissance immédiate d'un Etat palestinien. Ils sont près de 1.000 personnalités à avoir signé un « Appel » dans ce sens. Il y a parmi eux des prix Nobel, des artistes et cinéastes de renom, des intellectuels et personnalités politiques de premier plan et bien d'autres personnalités de la société civile israélienne. Curieusement, cette initiative, lancée par des Israéliens, en Israël, ne bénéficie pas du soutien médiatique européen, comme l'est chaque « propos ou simple phrase » d'un quelconque personnage palestinien qui dérangerait la sphère politique : les médias reprennent alors en cœur « l'indignation » du gouvernement israélien. Partant, beaucoup d'observateurs avertis estiment que l'indépendance de la Palestine est tributaire, dans une large mesure, du poids de la société civile israélienne qui milite dans ce sens. A chaque poussée et mobilisation citoyenne, en Israël, en faveur de la paix et de deux Etats, les lignes politiques bougent, dans le même sens, dans le reste de l'Europe. Aujourd'hui, 135 Etats sur les 192 que compte la planète reconnaissent l'Etat de Palestine. Et pourtant? Israël continue sa folie de l'occupation et du déni de droit de vie des Palestiniens, sur leur terre. Jusqu'où cet affrontement d'Israël à la Communauté internationale ira-t-il, d'autant plus que toute la région du Proche-Orient et Moyen-Orient est en crise majeure ?

Le 18 décembre prochain, le Parlement européen aura-t-il le courage et l'audace de dire à Israël : Basta ?!