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Autoroute Est-Ouest : Quand Tokyo vole au secours de Cojaal

par Moncef Wafi

L'autoroute Est-Ouest n'en finit plus de défrayer la chronique nationale avec son prix au kilomètre carré qui en fait d'elle l'une des plus chères au monde, à la médiocrité des travaux, à la répétition des affaissements du bitume et aux opérations de réfections, mais pas que. En effet, l'autoroute est devenue une affaire d'Etat entre l'Algérie et le Japon. Selon le ministre des Travaux publics, Abdelkader Kadi, les négociations qui s'effectuaient auparavant entre l'Agence nationale des autoroutes (ANA) et le Consortium japonais pour l'autoroute algérienne (Cojaal) «sont désormais menées entre les deux Etats».

Interrogé, ce jeudi, lors d'une séance plénière au Conseil de la Nation sur le recours de Cojaal à l'arbitrage international pour résoudre son litige avec l'ANA au sujet de la réalisation du deuxième tronçon de l'autoroute Est-Ouest, le ministre a précisé que «l'ambassadeur japonais à Alger a demandé aux autorités algériennes d'accorder un délai à Cojaal pour tenter de trouver une issue au litige». En octobre dernier, et revenant sur cette question, le ministre avait affirmé que s'il y a arbitrage, «il ne sera pas international» puisque cette clause n'est pas inclue dans le contrat liant les deux parties. Cojaal a demandé un dédommagement de 910 millions de dollars et à M. Kadi de préciser que «s'ils veulent faire un arbitrage, ça sera un arbitrage algérien, c'est mentionné sur le contrat».

Pour rappel, le contrat avec les Japonais a été résilié à la suite de deux mises en demeure qui leur a été adressées par l'ANA, en juin dernier, les sommant de poursuivre les travaux du marché n°3 dans un délai de 8 jours vu le retard accusé dans la réalisation du deuxième tronçon de l'autoroute Est-Ouest reliant Constantine, Annaba et El Tarf. La réalisation des 84 km restants du tronçon a été retirée à Cojaal pour être attribuée à deux groupements, avait encore affirmé, le lundi 6 octobre, le ministre des Travaux publics.

Précisons que le consortium Cojaal associant six entreprises (Kajima Corporation, chef de file, Taisei Corporation, Nishimatsu Construction Co. Ltd, Hazama Corporation, Maeda Corporation et Itochu Corporation) a décroché le marché de réalisation du lot Est (399 km allant de Bordj-Bou-Arreridj à Kebbouda, 30 km du chef-lieu de la wilaya d'El Tarf, près de la frontière tunisienne) pour plus de 376 milliards de dinars (près de 5,2 milliards de dollars). L'ordre de service de démarrage des travaux a été signé le 18 septembre 2006. La presse avait publié alors que le bureau d'études italien ANAS, à qui on avait confié, lors du lancement du chantier, le suivi des travaux, a alerté l'ANA, maître de l'ouvrage, dans l'un de ses rapports de contrôle en 2008, soit trois ans avant l'expiration des délais contractuels, de l'insuffisance des capacités opérationnelles du groupement nippon.

Le rapport en question prévoyait déjà un retard de deux années au minimum sur les délais contractuels fixés, pour la totalité de l'ouvrage, à fin janvier 2011. Aujourd'hui, il reste à finir les tunnels de Constantine et Skikda et mais, surtout, les 70 km allant du PK 329, d'Aïn Ben Beïda (Guelma) aux frontières avec la Tunisie (camp 7). Le ministre des Travaux publics avait, récemment, expliqué que le retard du parachèvement de l'autoroute Est-Ouest est dû aux «réserves» émises par la partie algérienne sur la qualité des travaux réalisés sur certains tronçons comme ce fut le cas à Constantine. L'Algérie a dégagé 5 milliards de dinars supplémentaires pour la réalisation d'une rocade à la suite de l'effondrement du tunnel de Djebel El Ouahch dont la réalisation a été confiée à la partie japonaise. M. Kadi indiquera aussi que l'Algérie a payé à l'entreprise japonaise 65% de la valeur des contrats qui la lient à elle, ajoutant que 9% du projet n'ont pas été réalisés en raison des problèmes soulevés.