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Temps long

par M. Saadoune

La CNLTD a réagi à «l'admonestation» du chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, en soulignant dans un communiqué que nul n'avait le droit d'impliquer «l'armée dans les luttes politiques entre les différentes composantes du peuple algérien». Les signataires du communiqué disent refuser «l'instrumentalisation de l'institution militaire comme couverture de l'échec du pouvoir» ou par»l'utilisation abusive de la force et la confiscation des libertés individuelles et collectives pour retarder ou saborder le processus de transition démocratique paisible, calme que réclame l'opposition».

Ils rejettent également les accusations de «collusion avec l'étranger» et surtout ils répondent à la «ligne rouge» de la légitimité de l'élection présidentielle clairement soulignée dans le message du général Gaïd Salah qui, rappelons-le, n'a pas emprunté le canal officiel du site du MDN. «Toutes les élections (sans exclusive) passées» ont été «entachées de fraude massive», ont tenu à rappeler les signataires du texte qui signifient qu'ils ne sont pas intimidés par la sortie, particulièrement dure, du chef d'état-major de l'armée et ils le font savoir. Ils assurent ainsi le minimum politique. Mais au-delà de la forme, cette polémique avec le général Gaïd Salah doit au moins servir à édifier ceux qui au sein de la CNLTD - ils existent - cultivent une certaine forme de schizophrénie à l'égard de l'armée.

D'un côté, on demande à l'armée de ne pas soutenir le pouvoir mais de l'autre on formule une demande de présidentielle anticipée qui lui est implicitement adressée, ce qui fait hurler les pro-Bouteflika, comme Amara Benyounès, qui dénoncent un appel à un «coup d'Etat». M. Benyounès est peut-être rassuré par la sortie du général Gaïd Salah : tant qu'il est à la tête de l'armée, la « légitimité» du président ne sera pas contestée par la seule force apte à le faire dans le pays. Mais contrairement à ce que certains peuvent penser, cette polémique n'est pas forcément négative pour la CNLTD.

Après tout, le message du chef d'état-major aurait été autrement plus»martial» s'il avait emprunté le canal très officiel du MDN. Le communiqué de la CNLTD - signé par 5 dirigeants de partis et un ancien chef de gouvernement - montre une certaine détermination à défendre des positions politiques et même à discuter du rôle de l'armée. Mais en même temps, il est clair que ceux qui espéraient que l'armée pourrait saisir au vol l'exigence d'une élection présidentielle anticipée devront tirer un trait dessus. Pour un «certain temps» au moins.

Ils devront assumer, seuls, cette revendication de présidentielle anticipée en comptant sur leurs»propres forces» qui, ce n'est pas une critique, ne sont pas particulièrement? fortes. Les membres de la CNLTD, du moins les plus déterminés, vont probablement continuer à marteler cette exigence et à la maintenir dans le débat politique. La santé du président, qui est devenue une source permanente de polémique, leur permet de le faire. Mais ils savent qu'à moins d'une dégradation accélérée de la santé du président, cette demande ne passera pas. La CNLTD se retrouve, paradoxalement, totalement dépendante de Bouteflika. De son bon vouloir. Ou de sa santé.

A moins que l'admonestation du général ne l'amène à repenser ses objectifs ou, à défaut, à emprunter le chemin difficile de la mobilisation populaire et de l'action politique en direction de la société au lieu d'attendre un problématique écho à son appel au sein du régime. Aller vers la société, c'est cependant une action politique de temps long? qui ne peut se cristalliser sur une présidentielle anticipée aléatoire.