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D'un coût de 18 milliards de cts : Un jardin public au lieu du prétendu parc citadin

par Houari Saaïdia

L'espace vert au nom très accrocheur - Jardin citadin méditerranéen -, annoncé en grande fanfare par les pouvoirs publics, ne sera en fin de compte, ni moins ni plus, qu'un jardin public. Ce qui n'est pas rien, dans une ville qui connaît une «dé-végétalisation» depuis bien des années.

«18 milliards, c'est le prix d'une villa de moyen standing. Il y en a beaucoup plus cher dans l'immobilier privé local. Et pas forcément dans les quartiers huppés». C'est la réplique, au ton satirique, du wali d'Oran, Abdelghani Zâalane, au journaliste qui «s'étonnait» de la sobriété déconcertante du support d'affichage du projet mis en place, le temps d'une visite d'inspection, par le maître d'ouvrage (la direction de l'Environnement), par rapport au montant injecté (181 millions de DA).

Tout en estimant pertinente sa suggestion d'installer une maquette d'architecture au lieu et à la place de simples «21x27» en guise de fiche technique, le chef de l'Exécutif local a insinué au journaliste qu'«on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a»?

Cette création jardinière est presque une urgence, les Oranais ont vu au cours des cinquante dernières années, leur ratio espace vert par habitant se réduire de moitié passant de 1,5 m² en 1962 à 0,75 m² actuellement. Mais ce n'est certainement pas cette situation, pour le moins scandaleuse, qui est derrière la volonté de réaliser ce jardin qui doit tout à sa proximité avec une certaine image de la modernité, du luxe et du pouvoir. Au départ, le jardin avait des prétentions «citoyennes» mais sans les attributs de la citoyenneté qui se résument par la participation, la concertation et le partage.

La prétention citoyenne ne fut donc, en finalité, qu'un «leurre», ce qui expliquerait son retrait de l'appellation. Au regard de l'affiche posée au-dessus de la clôture qui annonce le début des travaux, le jardin, «virtualisé» en 3D, est foncièrement beau. Qu'en est-il réellement de ce jardin programmé depuis presque 10 ans et que nous ne découvrons que par des rumeurs savamment entretenues ?

D'abord une toute nouvelle appellation: «citadin», peut-être encore plus saugrenue que la précédente pour l'évidente raison qu'à défaut d'être agraire, un jardin ne peut être que «citadin» lorsqu'il est urbain. Cette appellation n'existe d'ailleurs même pas dans la typologie établie par le ministère de l'Environnement à travers la loi n° 2007-06 du 13 mai 2007 relative à la gestion, à la protection et au développement des espaces verts. Cela est d'autant plus «cocasse» que c'est ce même ministère, à travers sa direction de wilaya, qui est le porteur dudit projet. Mais dans l'esprit «élitiste» des concepteurs de cette appellation, la «citadinité» de notre jardin renvoie peut-être beaucoup plus au civisme ou plutôt à «l'incivisme» de nos concitoyens. Ce qui est pour le moins stigmatisant.

La citadinité, que l'on découvre aujourd'hui, est, en fait, un des grands attributs des jardins «méditerranéens», et ce quelles que soient leurs fonctions. Les «jardins méditerranéens» ont toujours été l'apanage des villes.

UN TAUX D'AVANCEMENT DE 30 %

Après une longue traversée du désert qui a même failli hypothéquer son destin, voilà enfin le projet du jardin citadin méditerranéen, un immense pan de verdure qui va s'étendre sur la frange marine est de la ville d'Oran, qui commence à se réaliser sur le terrain. D'un coût estimatif de 350 millions de DA, cet espace a été inspiré du jardin de l'hôtel méridien, selon son concepteur le BET Archi-Beau.

En fait, ce jardin ne sera pas implanté sur 25 hectares d'un seul tenant, mais sur deux sites très légèrement séparés l'un de l'autre. Le premier, le principal, de 5 ha, côtoie la frange marine d'Oran, pratiquement entre le tribunal administratif sis à Es-Seddikia et l'hôtel Méridien, en passant par la résidence El-Bahia. Quant au second site, il se trouve du côté du boulevard Millenium. Pour le 1er lot, les travaux ont démarré en septembre dernier, pour un délai contractuel de 4 mois. Il devra être réceptionné en principe entre fin-janvier et début-février. Le taux d'avancement actuel est estimé à 30%, selon le bureau de suivi.

Il est utile de rappeler que le projet en question a été inscrit depuis plusieurs années déjà, mais il est resté en stand-by, pour des raisons inconnues, jusqu'en 2011 où le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement a relancé ses services pour engager les procédures administratives nécessaires à la publication d'un avis d'appel d'offres international pour l'étude de ce jardin. D'aucuns n'ignorent pas l'effort consenti par l'ex-wali, y compris par l'exercice d'un «forcing» à haut niveau, afin de remettre sur les rails ce grand projet qui contribuera à donner à Oran sa dimension de métropole, avec une approche orientée vers la création de nouveaux espaces verts qui manquent affreusement à Oran. D'après nos informations, la 1re étape de réalisation de ce parc aux multiples facettes consistera à mettre en place un rideau de verdure doublé de palissades et d'une ceinture d'arbres. La seconde consistera au reboisement d'au moins le tiers du terrain, à l'aménagement d'une aire gazonnée, d'un pont en bois, d'une dizaine de passerelles permettant de passer d'une aire de détente à l'autre, de kiosques en bois et de cafétérias, qui seront construites à l'aide de structures préfabriquées en bois. Le tout sera entouré de nombreux espaces de jeu pour enfants, dont des balançoires, toboggans, mini-trains en bois, glissoires, sablières, radeaux et autres, qui feront la joie des plus petits. Ce lieu idyllique sera également clairsemé de chemins dits de santé, d'une petite centrale photovoltaïque et, côté pratique, de parkings gardés, etc. Et, enfin, cerise sur le gâteau, un grand lac artificiel y sera aménagé.