Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

A Béjaïa, les petits boulots de l’eau au secours des endettés de l’ANSEJ

par Rabah Said

Mis en service depuis 2009, vingt ans après son lancement en 1988, d’une capacité de 80 millions de mètres cubes (47 millions pour alimenter en potable le couloir Akbou - Béjaïa et 43 millions destinés à l’agriculture), le barrage de Tichy-Haf est une aubaine pour les marchands d’eau ambulants dans la ville des Hammadides.

En effet les habitants des quartiers desservis par le barrage refusent d’utiliser cette eau pour cuisiner ou boire du fait de son aspect jaunâtre et une odeur qui rappelle le cambouis et le renfermé. L’odeur devient plus forte durant les périodes de chaleur et il est presque impossible de se doucher avec, affirment unanimes les habitants de la cité Ihaddadenes, en plein centre-ville.

LE MALHEUR DES UNS FAIT LE BONHEUR DES AUTRES

Dans une sorte de «le malheur des uns faisant le bonheur des autres», des dizaines de jeunes sillonnent les quartiers populaires avec de petits camions citernes ou tout simplement des camionnettes remplies de jerricanes d’eau qui proposent le précieux liquide à 20 dinars pour 05 litres. Renseignent pris, il s’agit pour la majorité d «’Ansejistes ou de Cnacistes» comme les nomment les habitants. Beaucoup de contractants de prêts auprès des banques dans le cadre des dispositifs ANSEJ ou CNAC se rabattent sur l’informel pour faire face aux échéances bancaires ; le business de l’eau est une aubaine, le marché est prometteur devant une demande qui explose. Tous les habitants qui ne peuvent pas parcourir des kilomètres pour se ravitailler en eau potable via des sources naturelles comme Toudja ou chez leurs familles dans des quartiers (la haute ville ou Sidi Ahmed) qui ont la chance d’être toujours alimentés par le vieux barrage de Kherrata et ceux qui ne peuvent pas acheter à longueur d’année de l’eau minérale, font la chaine devant les petits camions de l’Ansej.

MOI JE BOIS DE CETTE EAU

Le directeur de l’unité ADE de Béjaïa Mr Nourredine Dahdouh tente de rassurer en déclarant que «la différence de goût et d’odorat du barrage de Tichy-Haf n’est qu’une caractéristique de toute eau de surface qui sera apprivoisée avec le temps». Même son de cloche chez le directeur de l’hydraulique de la wilaya qui affirme boire de cette eau «la station de traitement d’Aït R’zine dispose d’un laboratoire qui contrôle à tout instant la qualité bactériologique et physico-chimique de l’eau. Il affirme que cette mauvaise odeur s’est atténuée, ces derniers temps, grâce au traitement de l’eau au charbon actif et nous allons bientôt mettre en place des stations flottantes pour prendre l’eau à la surface du barrage réputée mieux oxygénée et donc de meilleure qualité». Pour les habitants c’est la preuve que les autorités ne se soucient pas des conséquences sur la santé les citoyens car disent-t-ils «pourquoi on n’a pas effectué les traitements avant de lâcher cette eau jaunâtre dans nos robinets» ?

En tout cas, les citoyens ne semblent pas prêts à mettre cette eau dans leurs marmites. Ce n’est pas fait pour déplaire à nos vendeurs ambulants. Certainement aussi à leurs créanciers, l’argent n’ayant ni couleur ni odeur.