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Entre l’Algérie et l’Union européenne, la machine de la coopération tarde à démarrer

par Rabah Said

Le rapport sur la coopération Union européenne-Algérie, élaboré récemment par la Délégation de l’UE en Algérie, fait la part belle à ce qui reste à faire.

Après avoir constaté que cet accord – signé pour rappel en 2002- a permis « d’établir et de communiquer aux populations des deux rives les principes de base de cette relation bilatérale», l’introduction du rapport dont nous avons obtenu une copie relève que « parmi les priorités déjà identifiées par les deux parties pour notre coopération à venir figurent le renforcement de la gouvernance, le soutien au développement de la société civile, la diversification économique indispensable au développement soutenu et équilibré de l’Algérie». L’UE se propose de mettre en œuvre cette ambitieuse feuille de route à compter de 2015 pour les cinq années à venir.

EVITER LES SUJETS QUI FACHENT

Rédigé dans le langage diplomatique qui sied à un tel document, le rapport évite soigneusement les sujets et les formulations qui pourraient heurter les autorités algériennes et propose une liste de l’état des chantiers dans chaque domaine de coopération comme la transition économique et le commerce, les transports, l’eau et l’environnement, l’énergie, la bonne gouvernance ou encore la société civile. Les questions de fond, quand elles sont abordées ne sont soulevées qu’en filigrane. Sur les énergies renouvelables, il est précisé que « l’Algérie ne bénéficie pas de programmes d’appui bilatéraux mais qu’elle profite néanmoins, de programmes régionaux dans le domaine de l’efficacité énergétique dans le secteur de la construction (MED ENEC II) et de la régulation de l’énergie (MED REG)… Pour un pays qui vit des énergies fossiles tout en maintenant artificiellement des prix bas en interne et qui patine pour amorcer l’exploitation de son immense gisement solaire, l’engagement de l’union Européenne semble dérisoire eu égard au rapport. Par contre une place importante est consacrée à la culture expérimentale avec force détails de la Jatropha. L’huile de Jetropha est candidate à servir de biocarburant mais sa concurrence avec l’alimentaire et sa neutralité environnementale sont encore en débat.

PRUDENCE SUR LA GOUVERNANCE POLITIQUE

Sur la gouvernance le constat n’est pas très différent, le rapport rappelle que « suite aux événements qui ont secoué la région depuis 2011, le Gouvernement algérien a réagi afin de faciliter l’ouverture vers un processus politique plus participatif et inclusif», en citant étrangement, dans ce domaine, le code de la presse et la loi sur les partis comme des avancées. On peut y lire également que « compte tenu du cas spécifique de l’Algérie, l’UE apportera appui à certaines institutions et organismes pour une grande transparence et participation dans la gestion publique du pays».

La crédibilité des processus des choix des mandants et les mécanismes de contrôle de l’action publique sont soigneusement éludés. Le texte faire référence à l’installation de la commission de la réforme de la justice de feu Issad (2000) sans signaler que ces travaux ne constituent pas, loin s’en faut, la substance des réformes partielles entreprise depuis cette date.

C’EST A L’ALGERIE DE FAIRE LES CHOIX

On comprend aisément les domaines de blocage auxquels se heurte la concrétisation des objectifs consignés dans l’accord d’association. La plupart d’entre eux renvoient clairement à la lisibilité de l’action du gouvernement algérien et à la visibilité à moyen et long terme de ses choix économiques stratégiques qui demeurent ardus à identifier du fait de la subsistance de contradictions importantes. La dernière conférence sur la relance industrielle et la loi des finances 2015 en ont apporté deux illustrations.

Sur l’accord d’association, il y a certes des avancées sectorielles certaines, particulièrement dans le renforcement des capacités ou la mise à niveau de la législation comme dans le domaine de l’environnement, de l’eau et des transports mais le nœud gordien reste lié aux contraintes à l’investissement à une gouvernance plus transparente et une gestion publique plus démocratique. Dans ce domaine c’est à la partie algérienne de faire les choix que dicte la mise sur rail de l’accord de 2002. Cela suppose un état des lieux, un cap et une volonté politique.