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UGTA : Sidi Said, les dissidents et les réformateurs

par Ghania Oukazi

Le secrétaire général de l'UGTA a adressé une note à toutes les instances de l'organisation en prévision de la tenue de son 12è congrès national.

Datée du 22 septembre dernier, l'instruction relative au 12è congrès national de l'UGTA initie, selon Abdelmadjid Sidi Saïd, une procédure de dégagement des délégués congressistes aux travaux de ce rendez-vous qu'il qualifie de « congrès de maturité et de responsabilité. »

Avant de définir les critères devant être adoptés et respectés par les congressistes, Sidi Saïd écrit : « le 12è congrès national est une étape cruciale dans le cheminement de notre organisation syndicale ». Il prend le soin de relater les conditions historiques dans lesquelles l'UGTA est créée le 24 février 1956 par le martyr Aissat Idir alors grand révolutionnaire. « Depuis, l'UGTA n'a cessé d'œuvrer pour le renforcement de notre indépendance par son soutien et sa contribution positive au développement national pour de meilleures conditions de travail pour les travailleurs et pour une meilleure vie pour leurs familles », assure le SG de l'organisation. Ce qui signifie à ses yeux que «notre organisation a toujours été à l'avant-garde du combat pour la consolidation des valeurs républicaines de la liberté, de la modernité et de la tolérance». Il demande que « le 12è congrès soit le reflet de notre base syndicale, de l'adhésion des travailleuses et travailleurs à l'UGTA, de leur confiance en notre organisation, qui œuvre pour leurs intérêts moraux et matériels ». C'est pourquoi, dit-il encore, « notre congrès doit rassembler les syndicalistes représentants tous les secteurs d'activités du secteur économique et de la Fonction publique». Sidi Saïd appelle ainsi à «une représentativité plurielle et multiple». Il veut aussi que « le dégagement des délégués au congrès se fait sur des bases électives démocratiques et transparentes appelant à des débats respectueux de la morale, de la dignité et de la déontologie syndicale». Il recommande alors que « ce dégagement des futurs délégués soit effectué en accord et en phase avec l'esprit des statuts et de la lettre du règlement intérieur de l'UGTA ». Il termine sa lettre en lançant un appel à « chaque responsable syndicaliste de l'UGTA, au respect des statuts du règlement intérieur et particulièrement au rassemblement de tous les syndicalistes des instances et des structures pour la meilleure représentation de notre base plurielle aux travaux du congrès».

LES INSTRUCTIONS DU SG DE L'UGTA

A tout cela, il fixe des critères précis, entre autres que « le dégagement du délégué s'effectue en fonction  de la moyenne du nombre des cartes d'adhérents placées entre janvier 2008 et juin 2014 ; le dégagement s'opère en assemblée générale des instances et structures de l'union de wilaya par élection en tenant compte de la représentativité de chaque secteur d'activité». Sidi Saïd demande à tout syndicaliste élu « délégué congressiste » de remplir une fiche de renseignements accompagnée d'une photo, de produire le procès-verbal confirmant son appartenance à une instance ou à une structure syndicale élue et, enfin, de remettre une copie de sa carte d'adhésion à l'UGTA pour chaque année de la période 2008-20014. Avant de signer son instruction, il précise : « Le dégagement des délégués se fait sur des bases électives démocratiques et transparentes».

Commentée par des syndicalistes bien avertis, l'instruction de Sidi Saïd n'a rien de fortuit et «a même une arrière-pensée ». Selon eux, le SG veut que « les congressistes soient issus des divers secteurs d'activité économique et de la Fonction publique pour ne pas laisser le congrès tomber entre les mains de la dissidence qui couve au sein de l'appareil local». Il est clair que Sidi Saïd s'est toujours senti « bien dans sa peau » lorsqu'il est en face de syndicalistes de la base et des syndicats d'entreprises». Ses propres rivaux lui reconnaissent qu'il a toujours gardé la porte ouverte aux travailleurs qui viennent le solliciter pour un problème ; ils le respectent tous et l'aiment beaucoup». Ils avouent par ailleurs que s'il doit affronter des dissidences «c'est l'appareil local qui la provoquera et non la base».

« LA DISSIDENCE EST AU SEIN DE L'APPAREIL LOCAL ET NON DANS LA BASE»

C'est pour cela, disent-ils, qu' « il ne veut pas que l'appareil local règne sur le congrès». C'est donc, pensent des membres du secrétariat national, pour noyer la contestation de son entourage syndical local qu'il a pris le soin de fixer par instruction les critères pour le dégagement de tout délégué congressiste.

Prévu pour décembre, l'on dit que le 12è congrès se tiendra probablement le 10 janvier 2015. L'équipe dirigeante a quand même dépassé d'un an le mandat électif qu'elle a décroché en 2008 à l'issue du 11è congrès. Reste que certains syndicalistes ne veulent pas laisser « les choses comme elles sont en tenant un congrès qui ressemblera aux précédents». Ils réclament en sus une véritable réforme de l'organisation syndicale en ces temps « où tout a changé». Ils rappellent que l'on n'est plus «au temps de l'économie administrée, ou de la gestion des entreprises, il faut plus de maturité et de responsabilité comme le demande d'ailleurs Sidi Saïd». Pour nos interlocuteurs « il faut anticiper sur le mode du fonctionnement de notre organisation sinon on fera le lit des syndicats autonomes». Le nouveau code du travail, s'il est adopté, ouvrira, selon eux, les portes aux syndicats autonomes. «Il suffit de 5 fédérations pour constituer des confédérations, le nouveau code prévoit ce genre de vision et le monde fonctionne ainsi», disent-ils. Ils précisent cependant que «nous ne sommes pas contre le pluralisme, ce n'est pas la démultiplication des syndicats qui nous fait peur mais l'émiettement du front social». Ils soulignent encore que « notre inquiétude, ce n'est pas l'autonomie du syndicalisme mais c'est notre inertie qui est un danger d'abord pour notre survie en tant que centrale syndicale». Les partenaires de Sidi Saïd déclarent même que « la compétitivité est noble, correcte et même demandée mais en restant inerte, sans réforme, sans faire la mutation de l'UGTA, on cassera la branche sur laquelle on est assis ».

SIDI SAÏD REPOND AUX « REFORMATEURS » DE L'UGTA

Interrogé sur tous ces aspects, Sidi Saïd se prononcera sur certains et pas d'autres. D'abord, il rectifie la date du congrès avancée par ses collaborateurs. « Il se tiendra au cours de la première décade de janvier 2015 et non le 10 », dit-il. A propos des critères qu'il a fixés pour le dégagement des délégués congressistes, il rappelle qu' « une commission nationale de suivi de la préparation du congrès a été installée ; elle est aussi chargée de répondre à tous les recours qui pourraient émaner de la base en cas où l'instruction est mal interprétée ou non appliquée». Il estime alors que « celui qui ne la respectera, devra assumer? ». Sidi Saïd « retourne » le sujet et lance : « Je tiens à donner un nouveau souffle à l'organisation, un souffle de jeunesse ; nous devons associer les jeunes, des femmes aussi ; il faut qu'il y en ait un maximum au sein des instances de l'organisation». Il pense qu'ainsi « je réussirai à créer une relation intergénérationnelle et éviter un conflit de générations». Il voit que « le monde court, les jeunes peuvent le rattraper et saisir ses innovations».

Sidi Saïd sera moins bavard quand on lui demandera son avis sur une éventuelle réforme et mutation de l'UGTA. «Je pratique le syndicalisme quotidiennement, je règle des milliers de conflits sociaux, le syndicalisme ne se proclame pas, il se pratique», dit-il. A propos de l'ouverture du nouveau code du travail à la constitution de syndicats autonomes,  le SG de l'UGTA bondit vite sur la question et lance sans hésiter : « le code du travail n'est pas d'actualité, c'est un projet qui est en discussion au niveau tripartite on ne peut se prononcer sur un simple projet». Et si on lui parle de remplacement des fédérations par des confédérations comme noté par « les réformateurs » de l'UGTA, il répond : « il y a des fédérations partout dans le monde, ça ne pose aucun problème au monde du travail». Quant à penser convertir l'UGTA en confédération, Sidi Saïd prône la sérénité et dit « c'est un débat, toute instance syndicale répond à une approche, je ne veux porter aucun jugement de valeur sur l'une ou l'autre ».