Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Après Mercedes, Renault : L'amorce d'une industrie automobile

par Ghania Oukazi



La sortie du premier véhicule de marque française laisse le gouvernement algérien penser que «quelles que soient les insuffisances du contrat», l'amorce d'une industrie automobile dans le pays est devenue effective.

Il est vrai que les négociations ont été laborieuses et les tentatives de convaincre le constructeur français Renault de l'efficacité d'un tel investissement, assez difficiles, mais, affirment de hauts responsables, «le résultat est là, la première voiture de cette alliance est bien réelle, elle sortira de l'usine de Oued Tlélat dans la wilaya d'Oran, le 10 novembre prochain». C'est la date où le 1er ministre se déplacera à Oran pour inaugurer cette sortie très attendue. Il est donc admis implicitement que ce n'est pas le contrat rêvé «mais il fallait l'arracher coûte que coûte». Ceci même si ça a valu au gouvernement algérien d'accepter des conditions draconiennes posées par le constructeur français avec le fort appui des gouvernants de son pays. Ils ont obtenu, entre autres, la promesse du groupe SNVI de ne pas s'allier à un autre constructeur automobile étranger pendant plusieurs années, de ne produire que le bas de gamme de sa chaîne, à savoir la «Symbol» avec un taux d'intégration pratiquement nul et qu'il ne la vende que localement, donc pas d'exportation. Un contrat qui n'égale en rien celui conclu avec le Maroc pour l'implantation à Tanger d'une véritable usine de production de véhicules destinés à l'exportation vers pratiquement la globalité du continent africain. Le contrat de la SNVI a traîné en longueur sur fond de profondes hésitations, voire chantage de la partie française. Ce qui ne semble pas avoir été le cas du constructeur allemand qui en a conclu un bien meilleur pour lui et pour le ministère de la Défense nationale (MDN). Avec moins de contraintes, moins de temps, moins de concessions-pressions et sans tapage médiatique, le MDN a réussi à faire sortir plus vite le premier véhicule Mercedes de l'usine de Tiaret.

Avec toutes les failles et insuffisances du contrat avec Renault, nos hauts responsables n'en éprouvent ni gêne, ni regrets encore moins de honte. Mohamed Benmeradi, alors ministre de l'Industrie pendant la négociation du contrat, y a cru jusqu'au bout. «Il y a mis toutes ses forces et toute sa conviction pour que ça aboutisse», nous disent-ils.

«Il fallait absolument qu'on signe, même si on savait depuis le début que ça ne sera pas l'idéal; parce que nous voulions que ce contrat nous mette sur les rails du concret en matière de construction automobile», nous expliquent certains d'entre eux.

L'INDUSTRIE ET «LE DECLIC RENAULT»

Du côté du ministère de l'Industrie et des Mines, l'on est persuadé que «même si le taux d'intégration dans le véhicule français sera faible pendant plus de quatre ans, il ne le restera pas plus longtemps, la production du véhicule aura inévitablement un effet d'entraînement dans le secteur de l'industrie». Si les plus hauts responsables de ce ministère restent discrets, certains de leurs collaborateurs sont persuadés que «des PME de fabrication de la pièce détachée automobile vont être créées parce que déjà l'ouverture de l'usine encourage à cela, ce qui permettra de booster le taux d'intégration à la faveur de l'industrie nationale». Il est aussi prévu que la Symbol sera vendue aux Algériens à un prix compétitif (près de 800.000 dinars, nous dit-on), ce qui arrange quelque part leur pouvoir d'achat et fera baisser les ventes des autres concessionnaires automobile qui, eux, n'ont jamais fait de concessions à l'Etat algérien alors qu'il a été très large avec eux, par exemple en ne les obligeant pas à investir après trois ans de vente alors que la loi l'exige?

Le 10 novembre prochain, Abdelmalek Sellal «bénira» ainsi la première voiture Renault aux côtés du ministre français des Affaires étrangères, de celui de l'Economie et du PDG du groupe automobile. Ce sera l'occasion pour Sellal et Fabius de discuter des grandes questions internationales mais aussi des relations bilatérales, en attendant la réunion, le 4 décembre prochain à Paris, de la grande commission mixte algéro-française. Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, et le PDG du groupe industriel, Carlos Ghosn, devront, eux, se pencher le temps d'une visite brève (d'une journée) sur les possibilités d'approfondir la coopération par, entre autres, la création de PME nécessaires à l'industrie automobile sur la base du transfert de technologie, conformément au contrat qui lie le groupe à SNVI.

Autre inauguration qui donne «du baume» au cœur (du) gouvernement algérien, celle de deux unités de production d'engrais à Arzew. Les deux premiers projets sont réalisés, le premier dans le cadre d'un partenariat avec les Qataris et le second avec l'égyptien Orascom. Projets qui, faut-il le noter, ont été conclus au temps de Chakib Khelil, alors ministre de l'Energie et des Mines.

LA FERMETE DU GOUVERNEMENT POUR LE 51/49

«Ils sont d'une importance capitale pour notre industrie et notre pays», soutiennent des responsables au ministère de Youcef Yousfi. «Les engrais pèsent lourdement dans le développement du secteur industriel et agricole, les deux unités de production vont nous permettre d'en exporter même», soutient-on. Les responsables algériens les prennent en exemple pour affirmer leur volonté de ne pas céder à la règle de partenariat 51/49 qui, selon des experts, fait fuir les investisseurs étrangers. «L'investissement est une question de confiance», avait déclaré la semaine dernière le 1er ministre à partir de Bordj Badji Mokhtar. La confiance, selon de hauts responsables, est que «l'homme d'affaires étranger a toutes les facilités fiscales et parafiscales qui lui permettent d'investir sans difficultés et aussi d'engranger d'importants bénéfices». Le gouvernement reste sur ses positions en matière de «règles» même s'il susurre à qui veut l'entendre qu'il est prêt à faire fi du 51/49 «mais seulement quand l'investissement est petit». C'est d'ailleurs ce que ses experts tentent de faire valoir auprès de l'OMC à laquelle l'Algérie pense adhérer «d'ici, trois ou quatre ans, maximum». Il suffit pour cela que les relations entre l'Algérie et l'Union européenne évoluent mieux que ce qu'elles n'ont été à ce jour. Pour rappel, dans l'une des annexes jointes à l'accord d'association qui lie les deux parties, l'UE promet d'aider l'Algérie à réussir son adhésion à l'OMC. Comprendre par «aider», la soutenir dans la défense de ses lois et textes réglementaires auprès des pays membres de cette organisation. Chose qui ne semble avoir été faite à ce jour, du moins comme il se doit, alors que ses représentants veulent forcer la main à Alger pour accepter la politique européenne de voisinage (PEV), «rénovée» celle-là.

Ce que le gouvernement algérien déplore et compte bien exiger la contrepartie selon les priorités qu'il se fixe.

Le 1er ministre fera le déplacement à Arzew pour l'inauguration de ces réalisations en compagnie de quelques-uns de ses ministres avec en tête l'Energie et l'Agriculture. Abdelmalek Sellal procédera en outre à la visite de la nouvelle usine de dessalement de l'eau de mer, elle aussi implantée à Arzew et sur laquelle il compte pour que l'ouest algérien n'ait plus soif. Il fera de même pour le GNL 3 dont la prise en charge de la réalisation a été de 100% par le groupe Sonatrach.