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Au Maroc, l’amnistie fiscale donne des résultats décevants

par Boualem Alami

La mesure d’amnistie décrétée par le gouvernement pour les Marocains ayant exilé leurs avoirs à l’étranger n’a pas rapporté gros au Trésor public. Seulement 200 millions d’euros (environ deux milliards de dirhams).

Le ministre marocain des finances Mohamed Boussaid a annoncé, deux mois avant l’expiration du délai, que cette mesure d’amnistie fiscale mise en oeuvre en 2014 n’a rapporté jusqu’à présent que près de 200 millions d’euros. Il a annoncé, dans la foulée, que cette mesure ne sera pas renouvelée en 2015. C’est dans le cadre de la loi de finances 2014, et pour élargir l’assiette de l’impôt, que le gouvernement, dirigé par les islamistes du PJD, avait décidé en mai dernier une amnistie fiscale en faveur des résidents marocains auteurs d’évasion fiscale ou de bien expatriés non déclarés, en échange d’une «contribution «aux ressources du budget de l’Etat. A deux mois de la date butoir (21 décembre 2014), cette «contribution libératoire au titre des avoirs immobiliers ou financiers détenus à l’étranger» a permis de récolter deux milliards de dirhams (180 millions d’euros), a affirmé M. Boussaid. «La tendance devrait s’accélérer durant les deux derniers mois de l’année, vu que les Marocains ont été rassurés quant à la confidentialité de leurs données», a-t-il ajouté. Sur les deux milliards de dirhams récupérés, «56% concernent les transferts de fonds et 36% les actifs immobiliers», explique le ministre marocain, selon lequel cette expérience ne sera pas renouvelée l’année prochaine.

LOIN DU COMPTE

Le gouvernement de M. Abdelilah Benkirane est loin du compte. Car lorsque la mesure avait été annoncée, il escomptait récolter au moins «cinq milliards de dirhams (450 M EUR), voire plus une fois que la confidentialité de la démarche aura fait ses preuves», avait expliqué lors du lancement de l’opération M. Boussaid. Pour le ministre du Budget, Driss el Azami, cette mesure d’amnistie fiscale s’adresse «aux Marocains résidant au Maroc qui ont, par le passé, transféré illégalement des avoirs à l’étranger». Si ces avoirs sont détenus légalement hors du royaume .Il peut s’agir «d’appartements, de participations dans des sociétés, d’achats d’actions ou encore de comptes bancaires». Ils représentent une «infraction à la réglementation» du point de vue marocain dans la mesure où ils n’ont pas fait l’objet d’une «déclaration préalable à l’office des changes», avait-il expliqué.

UNE « MESURE EXCEPTIONNELLE »

Dans les faits, le gouvernement Benkirane avait décidé d’amnistier les marocains détenteurs de biens mobiliers ou immobiliers à l’étranger, et a décidé «une mesure exceptionnelle qui permet à toute personne possédant à l’étranger des immeubles, actifs financiers ou liquidités non déclarés au Maroc de régulariser sa situation auprès de l’administration fiscale et de l’Office des changes». Cette mesure, valable jusqu’au 31 décembre 2014, consiste en le paiement d’une «contribution libératoire», qui absout le détenteur d’avoirs extérieurs non déclarés ou qui est responsable de fraude à la législation des changes en expatriant frauduleusement ses biens. Techniquement, les infractions fiscales concernées par cette contribution sont «les non déclarations des revenus locatifs générés par les propriétés immobilières sises à l’étranger, des plus-values de cession de valeurs mobilières et immobilières réalisées à l’étranger, des intérêts réalisés au titre des dépôts en devises détenus à l’étranger et ceux générés par les valeurs mobilière détenues à l’étranger».

LA FRAUDE FISCALE, UN SPORT NATIONAL

Les détenteurs de ces biens qui s’acquittent de la contribution ainsi décrétée bénéficient de la prescription. Ils seront dés lors libérés du paiement et de déclaration au titre des années antérieures au 1 janvier 2014 et également du principal de l’impôt, des pénalités et des majorations sanctionnant ces infractions aux obligations de déclaration et de paiement des impôts. Ce faisant, les contribuables concernés paieront «un impôt suivant le barème appliqué quant aux cessions des immeubles mais, sous réserve de l’imputation de l’impôt payé à l’étranger; les actions et obligations, dividendes et intérêts générés par ces actifs sont imposable au taux proportionnel de 15 % et les plus-values sur les cessions de ces actifs au taux proportionnel de 20 %». Passé le délai du 31 décembre 2014, ces contribuables perdront leur droit à la prescription et devront être régularisées au titre des années non prescrites. L’office des changes estime à 34 milliards de dirhams les capitaux ayant quitté illicitement en 2013 le Maroc, soit 4% du PIB. En 2012, ce sont 134 milliards de dirhams qui auraient quitté frauduleusement le pays. Entre 2000 et 2010, plus de 5 milliards de dollars auraient quitté ‘’par la petite porte’’ le Maroc. Et serait liée notamment au trafic de drogue.