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Europe : Vérité et mensonge

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

L'Europe ne sait plus où elle va. Le Britannique David Cameron accuse la Commission européenne de tricherie et de mensonge. Plus que de la caricature, c'est du délire politique inquiétant pour l'Europe.

« Que veut l'Europe ?» Oui, cette interrogation deve-nue slogan et titre générique d'essais et livres politiques pour exprimer l'impasse dans laquelle se trouve un pays qui vit une transition politique, comme d'ailleurs l'autre interrogation synonyme «Où va l'Europe ?» résonne plus que jamais dans la tête des citoyens européens jusqu'à l'étourdissement. A raison, puisque les dirigeants européens s'échinent à répéter qu'il n'y a pas d'autre solution à la crise économique que celle de la rigueur et de l'austérité. Entendez la réduction de la dépense publique et l'absolue nécessité de l'équilibre des comptes publics des Etats. Jusque-là, rien d'exceptionnel, sauf que les gouvernants expliquent que c'est la seule condition pour relancer la «croissance économique» et, du coup, faire baisser le taux de chômage. Or, pour que les entreprises prospèrent, il faut qu'elles vendent leurs produits. Dilemme : la consommation est en berne pour cause de stagnation des revenus des ménages et de la courbe du chômage qui ne cesse de grimper. En gros, les gouvernants européens disent aux citoyens qu'il leur faut consommer plus en gelant les salaires et aux entreprises de produire plus avec moins de crédits et plus de charges fiscales. Equation économique insoluble qui donne dans les cénacles politiques européens des scènes cocasses de théâtre de rue : «Je ne paierai pas les 2,3 milliards d'euros que me réclame la Commission européenne ! Et si certains croient que je vais payer, ils verront bien !», a crié le Premier ministre David Cameron vendredi soir à la clôture du Sommet européen. Accusée de ne pas s'être acquittée totalement de sa contribution au budget européen, la Grande-Bretagne dénonce un mauvais calcul des comptes fait par la Commission européenne. Le président français, François Hollande, lui, réclame un énième délai supplémentaire pour présenter un budget tenable pour son pays. Ayant déjà bénéficié d'un délai en 2012 pour assainir ses comptes publics, la France stagne dans la récession et reste largement au-dessus de la barre des 3% de déficit public exigés par le Pacte de stabilité (Traité de Lisbonne) avec 4,3% de déficit. Quand on se rappelle que c'est la France qui présidait l'UE en 2008 (juillet?décembre 2008) qui a forcé l'Europe à hâter la signature de ce fameux Traité contraignant et duquel elle se plaint aujourd'hui, c'est forcément loufoque. Tout comme l'est d'ailleurs l'idée ancrée dans la tête des Européens qu'un enfant naît aujourd'hui avec une dette de 30.000 euros. Les médias ont tellement mis en scène les experts économiques et gourous visionnaires politiques expliquant que les générations futures des Européens sont déjà endettées que les jeunes d'aujourd'hui hésitent à se marier et à avoir des enfants. «Déjà que j'ai des difficultés à joindre les deux bouts, je ne veux pas participer à mettre au monde un bébé endetté. Comment lui expliquer sa dette lorsqu'il sera grand ?» Ce genre de débat est courant dans les chaumières et rues européennes. Ainsi, l'autre courbe- paramètre de projection économique, celle de la démographie, se trouve brouillée, hypothéquée. A ce rythme d'annonces pour le moins inquiétantes et contradictoires, les gouvernements européens plongent les citoyens dans une sorte de schizophrénie existentielle : ils leur décrivent un présent explosif et un avenir incertain tout en leur demandant une chose et son contraire : consommer plus tout en économisant plus. Un exemple ? Partout en Europe on fait tout pour encourager la mobilité collective (bus, métros) et pour réduire le nombre de voitures privées (gaz à effet de serre etc.) et on ouvre des salons de l'automobile attractifs pour pousser les gens à acheter des voitures. Les citoyens européens ne savent plus qui croire, comment faire et de quoi demain est fait. Sentant les inquiétudes citoyennes, les dirigeants politiques se sont emparés du langage de la rue dans l'espoir de gagner plus en popularité et c'est ainsi qu'on a entendu le Premier ministre britannique hurler devant les journalistes du monde : «Je ne paierai pas ma dette et advienne que pourra !» Le citoyen, lui, pour quelques euros d'impayés, pour un retard d'échéance voit pointer chez lui un huissier accompagné de policiers. Et si jamais il crie publiquement «Je ne paierai pas cette dette», il est embarqué vers un tribunal et jugé. La question est donc légitime : «Que veut l'Europe ? Où va-t-elle ?»