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Pots-de-vin versés par Saipem en Algérie : La procédure juduciaire se poursuit

par Moncef Wafi

Dans le cadre de son enquête sur des pots-de-vin présumés versés par Saipem pour obtenir des contrats en Algérie, le procureur général de Milan a présenté une demande d'enregistrement, comme preuves, des interrogatoires de Pietro Varone, l'ancien directeur de la division ingénierie et construction de la société italienne Saipem, arrêté le 24 juillet 2013, et de Tullio Orsi, ancien directeur général de Saipem pour l'Algérie, considérés comme les deux principaux suspects dans le système de corruption mis en place avec pour interlocuteur, selon la justice italienne, Farid Bedjaoui, sous le coup d'un mandat d'arrêt international.

L'ancien directeur de la division ingénierie poursuivi dans le versement de «commissions» à des responsables algériens, où sont impliqués d'autres dirigeants comme le PDG d'Eni, Paolo Scaroni, est également soupçonné d'avoir touché une rétro commission de 10 millions de dollars dans le cadre de la signature des contrats entre Sonatrach et Saipem. La demande du parquet de Milan, si elle est acceptée, lui permettra de présenter les interrogatoires comme preuves dans le cadre d'un futur procès ou pour étayer une expertise sans avoir besoin de les reprendre au cours de prochaines audiences. Le juge d'instruction, Alphonsine Ferraro, doit décider d'accorder ou non la demande signée par les procureurs Fabio De Pasquale, Giordano Baggio et Isidoro Palma et, le cas échéant, en fixer la date. Dans cette enquête, d'autres suspects sont également cités comme l'ancien président de Saipem, Pier Franco Tali Peter, Farid Bedjaoui, l'ancien PDG d'Eni, Paolo Scaroni, ainsi que Alessandro Bernini et Anthony Vella, anciens cadres de Saipem et Eni.

Selon l'enquête italienne, des cadres de Saipem auraient payé des pots-de-vin d'une valeur de 197 millions d'euros pour obtenir des contrats avec Sonatrach, ce qui a conduit à l'éviction de plusieurs cadres dirigeants de Eni et Saipem.

 Pour rappel, dans l'affaire Saipem-Sonatrach, sept contrats ont été signés entre les deux parties entre 2007 et 2008 d'une valeur globale de 8 milliards d'euros. Des commissions, selon la justice italienne, ont été versées à Farid Bedjaoui, un Franco-algérien établi à Dubaï, via la Pearl Partners Limited basée à Hong Kong. La justice italienne qui a lancé un mandat d'arrêt contre lui veut saisir ses fonds sur des comptes à Singapour et Hong Kong. Selon le quotidien Corriere della Sera, «plus de 100 millions de dollars se trouveraient à Singapour sur des comptes contrôlés par M. Bedjaoui et 23 autres millions de dollars seraient à Hong Kong». Selon l'acte d'accusation contre Pietro Vérone, les bénéficiaires des pots-de-vin de 197 millions d'euros sont Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, des membres de sa famille, des membres de la direction de Sonatrach, Pietro Varone et l'ancien PDG de Saipem/Algérie, Tullio Orsi, ainsi que Farid Bedjaoui. Ces commissions se répartissent comme suit : 8,5 millions d'euros pour Medgaz, 14,6 millions pour le projet (UTBS Hassi Messaoud), 8,6 millions pour le gazoduc LZ2 (de Hassi R'mel-Arzew), 77,4 millions pour le GNL GL3Z (Arzew), 34,5 millions pour l'usine de traitement GPL (Hassi Messaoud), 41,4 millions de Menzel Ledjmet Est et 13 millions pour le gazoduc GK3 lot 3.

En janvier dernier, le groupe pétrolier italien Eni rendait publics les résultats des audits demandés par lui qui «n'ont révélé aucune preuve de comportements illégaux ou de corruption, ni l'existence de contrats intermédiaires entre la compagnie et les tierces parties visées par l'enquête». Eni s'est retrouvé sous les feux de la justice à travers sa filiale Saipem, dont elle détient 43%, au cœur du scandale pour corruption. Le département de justice américain avait demandé à Saipem des informations sur le déroulement de son enquête interne sur l'Algérie.