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Une plateforme aux relents d'un programme électoral : Le mouvement Barakat sort de son silence

par Moncef Wafi

C'est un véritable réquisitoire auquel s'est livré le mouvement Barakat, après une éclipse de la scène politique nationale, contre le pouvoir en place dans un document fleuve intitulé sobrement «Plateforme politique du mouvement Barakat».

Un mouvement qui s'est fait connaître en se positionnant contre un quatrième mandat présidentiel. Barakat a commencé à activer dès l'annonce, le 22 février, par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, d'une nouvelle candidature d'Abdelaziz Bouteflika. Même s'il n'était pas forcément populaire, le mouvement s'est démarqué des autres formes de protestation en investissant la rue alors que ses adversaires accusaient certains de ses leaders d'être à la solde des puissances étrangères. Après une revue de la situation actuelle de l'Algérie, le document de Barakat s'attelle à décortiquer le mal algérien et n'hésite pas à invectiver «un pouvoir illégitime» qui a pris l'Algérie d'aujourd'hui en otage. Un pouvoir «continuité d'un système qui a pris illégitimement le contrôle de l'Etat depuis l'indépendance». Le ton est donné et le mouvement de dénoncer les attributs du pouvoir qu'il concentre dans «la dictature et l'Etat policier, la rapine, l'oppression et la corruption, la médiocrité et la chasse aux compétences, la gérontocratie et la mise à l'écart de la jeunesse, les méthodes mafieuses et le mépris envers le peuple, le détournement des richesses et le déni historique, la gestion catastrophique et l'absence de patriotisme, l'anarchie, la déliquescence et l'incivisme comme valeurs, une détérioration totale et préméditée et toutes les formes de mépris et d'abaissement pour les compétences et l'amour du pays, l'engagement et la mémoire des martyrs».

Un inventaire que l'on retrouvera comme argumentaire pour faire le procès d'«un pouvoir scélérat fait de clanisme, de trahison et de compromis, avec comme unique objectif le maintien, au détriment de tout un peuple, en écrasant toute une histoire et en enfonçant, chaque jour un peu plus, ce pays dans le chaos et de la malvie». Evoquant le contexte «historique», les rédacteurs de la plateforme appellent à «la prise de responsabilité citoyenne(?), la seule à pouvoir relever le défi et élever notre pays au rang des sacrifices que son peuple a consentis pour le bâtir». Ils appellent également à «un nouveau système d'Etat» et «un nouvel ordre politique démocratique» pour «mettre l'Etat au service de la société et non l'inverse». Rappelant les interdits en cours faits «aux partis politiques, aux organisations syndicales autonomes, aux associations de la société civile, notamment démocratiques, aux intellectuels et penseurs», le mouvement Barakat s'élève contre l'impératif de la sécurité d'Etat et des intérêts suprêmes de la Nation qui, comme l'explique le document, «ne servent qu'à imposer par tous les moyens la pérennisation du système pour mener jusqu'au bout la dérive totalitaire qu'il imprime à l'Etat et l'action de destruction engagée contre les acquis démocratiques du pays». Revenant sur le CV du mouvement, le document en question rappelle que Barakat «s'inscrit dans une dynamique politique nouvelle, celle de participer à la convergence, par la pensée et par l'action, par l'engagement et l'ouverture, toutes les forces démocratiques dans ce pays, un large mouvement politique d'essence démocratique, garantissant le respect de la République et des libertés, s'inscrivant dans la continuité des luttes précédentes et dans le cadre universel et humaniste de la démocratie». Son programme se décline autour d'une plateforme qui «n'est pas revendicative», mais «un projet politique à bâtir, à protéger et à construire». Une plateforme qui comprend cinq grands axes facilement assimilables à un véritable programme électoral. Sur le plan politique, Barakat récuse «la dictature et l'autoritarisme» tout en affirmant le «caractère démocratique, moderne, républicain et séculier de l'Etat algérien». Le mouvement évoque aussi la Constitution et son renouvellement pour défendre «les principes et valeurs de sauvegarde de la patrie» et pour «ouvrir la voie à des réformes de fond en matière institutionnelle, de politique nationale et de politique internationale fondée sur des impératifs de développement, de justice et de démocratie». Outre la nécessité d'une transition démocratique pacifique, Barakat milite pour la fin des privilèges «révolutionnaires» et «la dissolution des partis-Etat». Le mouvement plaide par ailleurs pour un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une seule fois et pour les libertés individuelles et la dissolution de la police politique afin de «mettre un terme à l'Etat policier». Sur le plan judiciaire, les mesures phares demandées par Barakat résident dans l'«instauration d'un réel Etat de droit, avec séparation effective et stricte des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire», l'abrogation du Code de la famille et son remplacement par un Code civil, l'abolition de la peine de mort et la condamnation constitutionnelle de la torture. Abordant le dossier de la décennie noire, la plateforme appelle à une «présentation publique de tous les responsables et coupables de la décennie noire, afin qu'ils reconnaissent leurs abus et crimes, permettant au peuple algérien de faire son deuil d'une manière définitive et dans la dignité», tout en ouvrant le dossier des disparus.