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«Ils la raconteront à Bibitt»

par Kharroubi Habib



A Ghardaïa d'où elle est partie, la fronde qui a secoué les rangs des policiers d'unités républicaines de sûreté (URS) aurait selon des sources locales bien informées eu pour effet déclencheur des propos peu amènes qu'aurait tenus le général, directeur général de la DGSN Hamel à leurs collègues ayant tenté de lui expliquer qu'à force d'être sans répit et depuis trop longtemps sur la brèche les éléments de leurs unités sont dans un état de saturation physique et morale qui joue négativement sur la gestion sécuritaire du conflit intercommunautaire dont la ville et sa région sont le théâtre depuis plus de trois années. Qu'elle soit parvenue à faire tache d'huile après, prouve qu'une bonne partie du corps de la police nationale est remontée contre son patron dont elle ne supporte plus le comportement ultra-autoritaire et cassant dont il ferait montre dans la gestion des affaires de l'institution policière.

Les frondeurs ont cessé leur mouvement inédit. On peut avancer avec certitude que le gouvernement va annoncer sous peu une batterie de mesures en réponse aux revendications socioprofessionnelles brandies par les policiers grévistes, mais qu'il occultera celle ayant trait au départ de la direction de la DGSN du général major Abdelghani Hamel. Sur ce point d'ailleurs, la décision échappe à l'exécutif gouvernemental. Elle est du ressort du président de la République que l'ont sait avoir en sainte horreur les pressions visant à lui dicter sa conduite dans une affaire ou un dossier quelconque. A son niveau, selon d'autres sources, la «mutinerie» policière a été décodée non pas comme un mouvement spontané de ras-le-bol d'unités républicaines de sécurité contre le rythme infernal que leur impose la gestion sécuritaire des conflits et autres expressions du mécontentement populaire qui ponctuent avec enchaînement le quotidien en Algérie, mais en tant qu'opération à but inavoué d'affaiblir le camp présidentiel.

Une lecture largement partagée par les citoyens lambda qui contrairement à ce qu'ont rapporté certains médias n'ont guère exprimé de sentiments de sympathie pour la fronde policière. Il est vrai que les unités républicaines de sécurité (URS) ne jouissent pas d'une grande estime dans l'opinion citoyenne. Leur «révolte» ne pouvait qu'être sujette à suspicion dans ses causes pour ces citoyens lambda dont l'un a résumé ce que beaucoup ont pensé en voyant les «mutins» marcher et faire le siège de la présidence de la République. Il l'a fait en usant de l'expression populaire en usage quand l'on se doute que l'on veut vous faire prendre des vessies pour des lanternes : «qu'ils la racontent à Bibitt». Ce qui revient à mettre dans le même sac les parties en présence dans le bras de fer qui les oppose.

A tort ou à raison, le citoyen lambda ne voit plus dans les coups et contrecoups qui secouent les institutions du pays que les résultats de la lutte pour le pouvoir au sein d'un système à son ultime stade de décomposition et dont les clans ne reculent plus devant les manipulations les plus dangereuses en terme de conséquences pour l'Etat républicain. Quant à voir que les policiers seraient descendus dans la rue parce que soudainement convertis à la «démocratie», personne ne se risque à le suggérer. Et les prochaines tentatives citoyennes qui seront faites pour réclamer publiquement plus de démocratie et de respect du droit d'expression prouveront que les citoyens ont raison d'avoir été sans sympathie pour leur fronde.