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Marrakech : Le changement climatique arrive aux frontières

par Mokhtaria Bensaâd : Marrakech

A l'ouverture de la 4e Conférence sur les changements climatiques et le développement de l'Afrique (CCDA IV), qui a débuté ses travaux de trois jours mercredi dernier à Marrakech, le Maroc s'est distingué par sa plaidoirie sur la suppression des frontières entre les pays africains, arguant que les impacts climatiques, d'environnement et de ressources naturelles n'ont pas de frontières. C'est la ministre déléguée auprès du ministre de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, Mme Hakima El Haïte, qui l'a déclaré lors d'une longue intervention sur le sujet en présence de ministres africains, scientifiques et les médias. Si, politiquement, les relations entre certains pays africains restent litigieuses et tendues, la situation risque-t-elle de changer avec ce phénomène qui menace le continent ? C'est du moins le message que les participants à cette rencontre ont voulu faire passer, en mettant en avant des arguments pour la survie de l'Afrique.

Le Maroc s'est également montré favorable pour la conception d'un nouveau modèle de développement qui s'inscrit dans une trajectoire de durabilité et différent de celui des Européens qui a montré ses limites.

Plus explicite sur cette nouvelle vision, la ministre marocaine a déclaré au «Le Quotidien d'Oran» que «l'expérience marocaine a montré qu'il n'est pas suffisant de mettre en place des programmes nationaux, régionaux ou locaux. Il faut casser les frontières parce que les impacts climatiques, l'environnement et les ressources naturelles n'ont pas de frontières. Un oued qui coule au Nord peut aller au Sud. L'avancée du désert vient du Sud vers le Nord. Le Maroc est menacé à 75% par l'érosion et cette érosion vient du Sud. Donc, l'impact des changements climatiques sur les pays africains est plus intense au sud qu'au nord de l'Afrique. Il y a une avalanche. C'est comme un jeu de cartes. Il n'y a pas de frontières dans la protection des ressources. Il n'y a pas de frontières dans la stabilité».

Sur les flux migratoires que connaît le continent ces dernières années, la ministre a souligné que «l'impact des changements climatiques sur l'agriculture et sur la sécurité alimentaire entraîne forcément une migration qui va toujours d'un pays où il y a la famine vers un pays plus riche et qui miroite un meilleur avenir. Il n'y a pas de divergence entre les pays africains au niveau des changements climatiques et au niveau de la solidarité. Nous sommes tous inscrits dans le groupe africain et dans le groupe 77 + la Chine. Nous formons au niveau international un groupe solidaire. Cette coopération ne va pas se faire entre les pays du Maghreb mais entre les pays de l'Afrique qui ont des expériences à partager entre eux».

Dans le cadre de cet échange d'expérience, le Maroc a signé des conventions avec les ministères de l'Environnement de plusieurs pays, dont la Tunisie, les Emirats arabes et le Qatar, et prochainement avec le Burundi, le Sénégal, le Congo et la Côte d'Ivoire.

 Interrogée si une convention a été signée avec l'Algérie, Mme Hakima El Haïte a indiqué que «jusqu'à présent, nous n'avons pas signé de convention avec l'Algérie», sans plus d'explication. Il s'agit, en effet, de conventions intégrées dans le cadre du partenariat intergouvernemental qui permettent d'échanger l'expérience, de transférer le savoir-faire de part et d'autre et aussi, selon la ministre, de transférer le partenariat public/privé et d'emmener les entreprises de part et d'autre des pays à faire des affaires et donc création d'une dynamique économique entre les pays et une coopération sud-sud.

Sur le nouveau modèle de développement qui sera élaboré, la ministre marocaine a expliqué devant l'assistance qu'il s'agit «d'un modèle de développement différent de ce qui est observé au niveau des pays européens. Nous avons l'opportunité de ne pas commettre d'erreurs. Les Européens ont commis des erreurs durant 30 et 50 ans. Aujourd'hui, nous, pays africains, nous sommes en mesure de choisir de nouveaux modèles de développement qui nous permettent de gagner du temps pour faire avancer nos pays. La technologie européenne a montré ses limites. Nous sommes actuellement en train de négocier les possibilités de minimisation de la pollution. Ce qui va permettre aux pays africains de diminuer leur impact sur l'augmentation de la température. Nous parlons donc de modèle vert». Pour la ministre marocaine, «ce nouveau modèle prend en compte la ressource et l'équilibre de la ressource à partir de sa conception. Ce qui n'a pas été fait en Europe et dans l'Occident, en général, où on a privilégié des modèles de développement qui intensifient le rendement et le gain au détriment de la ressource. On a pollué d'abord et maintenant on réfléchit comment dépolluer pour diminuer l'impact».