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Pourquoi une intervention terrestre en Syrie plutôt qu'en Irak?

par Kharroubi Habib



Tous les stratèges et experts militaires s'accordent pour prévenir que les seules frappes aériennes que mènent les forces coalisées contre l'Etat islamique tant en Irak qu'en Syrie ne pourront stopper ses offensives et encore moins le détruire complètement comme s'y sont engagés les Etats dont les aviations participent à ces opérations. Ce que corrobore la réalité sur le terrain dans ces deux pays où malgré l'intensification des frappes contre elle, l'organisation terroriste continue à gagner du terrain en prenant le dessus : en Syrie sur les combattants kurdes qui tentent d'enrayer sa progression en zone de ce pays peuplée par leurs compatriotes, et en Irak sur l'armée gouvernementale et les milices qui appuient celle-ci.

La solution serait selon ces milieux une intervention de troupes au sol à même d'inverser le rapport de force sur les deux fronts. Laquelle, après avoir été totalement exclue par les gouvernements de pays censés avoir déclaré une guerre totale à l'organisation terroriste, est effectivement envisagée par eux maintenant mais, et c'est cela qui intrigue, uniquement sur le sol syrien. Ce choix du sol syrien pour une intervention miliaire terrestre étrangère est à l'évidence dicté par des calculs qui n'ont rien à voir avec l'objectif pour lequel les Américains ont bâti la coalition dont ils assument le leadership.

Si tant est qu'il va falloir pour cette coalition lancer une intervention terrestre contre l'Etat islamique, c'est en Irak qu'elle devrait l'être car dans ce pays où cette organisation ne fait qu'étendre ses « conquêtes » territoriales ses autorités légales en font la pressante demande à cette coalition. Ce qui n'est pas le cas pour celles de la Syrie qui ont prévenu qu'une telle opération sur leur territoire ne constituerait ni plus ni moins qu'une agression étrangère contre leur Etat souverain. Ce qui au regard du droit international est une vérité que les Etats se montrant disposés aller guerroyer dans ce pays ne peuvent ignorer. Quoi qu'ils pensent du régime syrien, celui-ci est le pouvoir légal en Syrie et malgré tout ce qu'ils lui reprochent. Il est encore reconnu comme tel par les Nations unies.

N'ont-ils pas par conséquent fait le choix sélectif de leur éventuelle intervention terrestre uniquement en Syrie dans le but que son objectif ne soit pas en priorité celui de détruire l'Etat islamique dans ce pays, mais de s'en prendre au régime et à son bouclier militaire que leurs protégés locaux ne sont pas parvenus à ébranler et encore moins à faire s'effondrer ? Les coalisés ont beau faire des exégèses du droit international censées justifier qu'ils sont en droit pour des raisons « humanitaires » et « morales » d'envoyer des troupes en Syrie, ils commettront sans l'aval onusien donné par le Conseil de sécurité une violation de la légalité internationale. Comment dans ces conditions éluder le scénario d'une confrontation armée entre les forces loyalistes de ce régime et les forces étrangères qui fouleraient le sol syrien ?

L'on imagine mal en effet ce régime rester les bras croisés face à une intervention qu'il estime à juste titre comme relevant de l'agression contre sa souveraineté nationale et encore moins ses fidèles alliés internationaux et régionaux observer la même attitude. Si malgré ce risque les Etats-Unis et leur coalition persistent dans leur projet sans aval onusien, c'est qu'ils auront convenu d'élargir la notion du droit « d'ingérence humanitaire » déjà contestable à celle du droit pour eux d'ignorer les souverainetés nationales là où ils s'estiment avoir des intérêts nationaux à sauvegarder ou à en imposer la prééminence.