Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Conférence sur le changement climatique et le développement : 33 millions d'euros pour financer les projets en Afrique

par Mokhtaria Bensaâd : Marrakech

Comment parvenir à un consensus sur les changements climatiques entre les pays du continent africain, déjà fragilisé par les guerres, la pauvreté, la famine et les maladies ? Comment défendre l'Afrique lors des négociations entre les experts internationaux sachant que ce continent représente 4% de la pollution mondiale ?

Une équation difficile à résoudre pour les participants à la 4ème conférence annuelle sur le changement climatique et le développement en Afrique (CCDA-IV), organisée entre le 8 et le 10 octobre à Marrakech en collaboration tripartite de la commission de l'Union africaine (CUA), de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Commission économique pour l'Afrique (CEA) dans le cadre du programme d'information climatique pour le développement en Afrique (ClimDev-Afrique). Une conférence qui représente un préambule de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique «COP 21», prévue à Paris en 2015 et durant laquelle les experts africains doivent confronter les négociateurs des pays développés dont les Etats-Unis et la Chine, avec des arguments solides pour assurer une sécurité alimentaire en Afrique. C'est le slogan de cette 4ème conférence « l'Afrique peut nourrir l'Afrique dès à présent : mettons nos connaissances sur le climat au service de l'action». Décideurs et scientifiques font débattre sur le rôle des données climatiques, sur la production agricole, la gestion des ressources en eau, le développement des énergies renouvelables en Afrique, le financement du climat et l'innovation et la technologie pour améliorer la transformation agricole.

Trente trois millions d'euros, c'est la cagnotte de la Banque africaine de développement (BAD) destinée pour financer tous les projets et activités sur le climat. C'est ce qu'a annoncé, hier, le représentant de la BAD, M. Ken John, lors d'une conférence de presse tenue en présence de la représentante de la Commission économique des Nations Unies et de la directrice de la division des initiatives spéciales. Comment sera géré ce fonds et comment lutter contre la corruption qui gangrène le continent ? Des questions posées par les médias qui ont longuement débattu ce sujet avec les conférenciers tout en rappelant les expériences déjà vécues en Afrique sur « les détournements de fonds destinés à aider les Africains». Pour M.Ken John, les explications sur la mise en œuvre de ce fonds seront communiquées la semaine prochaine. Il a tenu à préciser sur ce point que des critères sont fixés pour évaluer les candidats éligibles à ce fonds. Concernant la corruption, il a souligné que la BAD dispose d'un bureau de lutte contre la corruption qui est chargé de rendre compte des cas de corruption détectés. Il a rassuré, d'autre part, que le financement pour un projet s'étalant sur 5 ans peut être suspendu si des problèmes surgissent dès la première année de sa réalisation.

PROBLEME DE LANGUE ET D'EXPERTISE POUR LES NEGOCIATEURS AFRICAINS

Avant la tenue de la conférence de Paris, les négociateurs africains vont participer du 1er au 12 décembre à la conférence internationale des experts à Lima au Pérou pour arriver à un consensus sur les changements climatiques. Tous les pays africains doivent mettre de côté leurs divergences et parler la même langue car l'avenir de l'Afrique dépendra de cette réunion, selon les experts participant à la CCDA.

Sur les difficultés rencontrées lors des négociations, le représentant du groupe africain des négociateurs (GAN), M.Tosi Mpanu-Mpanu, a déclaré au «Quotidien d'Oran» que le fait d'être francophone, cela pose problème. La langue anglaise n'est pas maîtrisée par tous les négociateurs africains et donc elle représente un handicap pour l'avancement des négociations. La 2ème difficulté, dira-t-il, est « le nombre limité des délégations car beaucoup de pays ne sont pas en mesure de financer leurs représentants. Chaque pays se trouve avec un ou deux délégués pour faire face à des délégations nationales des pays développés composées de 30 à 40 délégués. Il y a donc une asymétrie dans l'engagement. Nous ne sommes pas aussi préparés qu'eux et nous ne pouvons pas couvrir autant de questions qu'eux».

Autre difficulté, selon le représentant du GAN, l'expertise requise. « Ceux qui viennent pour des négociations viennent du ministère de l'Environnement avec peut-être un diplôme en tant qu'ingénieur en environnement ou parfois jury. Il y a beaucoup de choses qui sont dissipées dans cette négociation. Des choses qui parfois demandent beaucoup de connaissances scientifiques, des connaissances financières. Et donc techniquement, il y a lacune».

M.Tosi Mpanu-Mpanu insiste également sur l'importance de parler au nom d'un collectif et non pas d'un seul pays. « Lorsque vous allez pour parler de votre pays seul, votre voix est diluée dans celle de 114 pays. Donc pour que votre voix puisse s'entendre, il faut parler de manière collective. C'est pourquoi parfois il y a des négociations au sein du groupe africain lui-même pour avoir des solutions communes qui peuvent être négociées par les pays africains».

Sur les projections de chaque pays sur les changements climatiques, le représentant du GAN estime que tout le monde doit être impliqué sur cette question. « Il ne faut pas qu'un fonctionnaire puisse dans son bureau climatisé faire des projections et se dire voilà ce que mon pays veut et ce dont mon pays a besoin. Il faut aller à la base, écouter les revendications, qu'il ait le ?in put' du secteur privé, des associations locales, des paysans, des agriculteurs, des politiques, des législateurs de telle sorte qu'il puisse ensuite nourrir une position nationale et être représentatif de toutes les parties prenantes nationales et essayer de la porter au niveau des négociations».

A propos de la conférence de Paris, M.Tosi Mpanu-Mpanu souhaite qu'elle soit une grande conférence pour arriver à un accord important. « A Kyoto, on est arrivé à un traité qui était juridiquement contraignant. Aujourd'hui, certains pays ne sont pas en mesure d'accepter certains accords. Par exemple, les Etats-Unis ne signeront pas un accord qui soit juridiquement contraignant parce que le Congrès américain ne va jamais le ratifier. Donc, il faut qu'on puisse arriver à un accord qui soit ambitieux en termes de réduction d'émissions et de mise sur la table de ressources financières et qui soit également flexible. Et qui ensuite dans cette flexibilité permettra la participation d'un plus grand nombre. Sans ça, malheureusement, il n'y aura pas d'accord».