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L'ombre du parti unique

par Slemnia Bendaoud

Déjà au mois de mars 2010, il fut ce premier Algérien à avoir appelé à un possible ou probable mais virtuel quatrième mandat présidentiel au profit de l'actuel locataire du Palais d'El Mouradia.

Mais il fut également ce premier à être viré, à la fois, des structures du gouvernement et du parti, à la manière express de ces vieillis apparatchiks, autrefois chassés manu militari de toute appartenance, même symbolique, aux arcanes du régime du parti unique, le FLN.

Tantôt longtemps en activité, tantôt vite congédié, tantôt rappelé en renfort, tantôt sacrifié sur l'autel de l'indigence d'une tâtonnante ou trébuchante gouvernance, l'homme à la fine barbe sert-il de véritable baromètre politique, de ballon de sonde impeccable à une réelle prospective, sinon tout juste de misérable fusible à un pouvoir atteint parle mal endémique de la déliquescence et de la démence ?!

Depuis qu'il aura été spectaculairement supplanté par l'actuel revenant au devant de la scène politique nationale, ce parvenant du tout dernier moment ou wagon de nuit, grâce à cet avenant ou traité lié à son attachement scabreux à cette tâche par trop compliquée de faire dans le très sordide besogneux, il ne fait plutôt plus que balancer dans les airs à la manière de cet indésirable oiseau qui s'accroche de tout son poids, à la branche de cet arbre du pouvoir qu'il tient comme précieux héritage.

La seule faute qu'il aura incidemment commise est justement celle d'avoir cependant cru se maintenir à son poste de secrétaire général au sein de cet appareil aux mains du pouvoir grâce à ce vote libre et transparent, considéré comme une pratique totalement étrangère aux mœurs de cette organisation qui fait les rois et défait le temps !

A-t-il encore une fois oublié ce chemin escarpé ou cet escalier dérobé par le biais duquel il aura connu son extraordinaire ascension ou très spectaculaire promotion pour vraiment croire en ces autres peu sûrs procédés relatifs à la trop compliquée démocratie de ces temps modernes, n'ayant pourtant jamais effleuré l'esprit de ces hommes politiques qui gouvernent le pays depuis déjà très longtemps ?!

Personnage énigmatique au lieu d'être emblématique, jouant à celui du sot tout en étant dans peau du fétu individu, il reste ce très culotté valet qui veut toujours jouer dans la cour des grands de ce monde de gens rusés et très puissants, ne se sentant par contre jamais usés par cette pourtant très lourde charge qui pèse sur leurs frêles épaules.

Enclin à toujours s'accointer de ces dangereux copinages du monde de ces coquins de grands requins, il laisse à chaque mésaventure les plumes de la grande déprime, contraint de se retirer sur la pointe des pieds ou carrément humilié !

Plus à plaindre qu'à blâmer, il fait dans le caricatural portrait du gratte-papier cher au héros du livre du titre L'escargot entêté de Rachid Boudjedra, lequel nuit plus à la communauté et l'asservit que de vraiment la servir.

Le fidèle valet s'est-il subitement transformé en ce traitre de serviteur du grand Palais ? Est-il passible de ce crime de lèse-majesté que condamne l'oligarchie très fermement et bien sévèrement ? Saura-il encore se relever de son énième calvaire, refaire ses valises, l'escalier en sens inverse et ce qui reste ou a été vraiment tronqué de sa carrière politique brusquement interrompue ?

Tout reste possible dans ce pays où désormais rien n'est vraiment impossible ! Il lui suffit tout juste de se positionner dans le bon sens de ce vent favorable qui soufflera tout à l'heure ou très prochainement sur toute l'étendue de la largeur du pays dans sa quête de se refaire une autre virginité !

Il est toujours là, en dépit du temps qui passe et de la nouvelle physionomie du monde qui l'entoure. Il aura depuis longtemps appris à vivre ainsi et ne compte jamais se départir de cette bonne habitude héritée depuis hier et jadis.

Il nous rappelle ces nombreux apparatchiks du parti unique d'antan, jamais pressés de se remettre en phase avec leur temps, très soucieux de perdre d'un seul coup tous leurs avantages nombreux et biens précieux.

Il résiste à tout et à tous : à l'effet du temps, à l'usage de la mode, au mode du changement, à la métamorphose de la société, à la nature du monde, aux coups fourrés, aux redresseurs, à ses adversaires, à ses détracteurs et ? à tout son monde civilisé et bien intelligent.

Ce paysan ayant fait intrusion en ville a toujours gardé sa tête de plouc, son caractère viril et ses vils péchés. Il lui arrive même de l'enturbanner afin de flirter dans le sens favorable à cette tendance de bigot, dans l'espoir de tromper son monde sinon de marcher dans le flux de la vague populaire du moment.

Cependant, le bédouin est devenu par la force des choses un vrai citadin. C'est tout de même un fait anodin ! Il aura fait comme tous les algériens. Hein ?! Il y est toujours, dans son patelin, le coquin, le malin, le félin !

De nature effacé, il veut toujours paraitre comme un être bien racé, élancé et bien lancé, très haut placé, trainant là où il passe l'ombre épaisse de ce parti unique qui résiste au changement et, à chaque occasion de mode de raisonnement, craignant toujours le pire lui arriver pour avoir longtemps occupé l'un des premiers sièges et engagé le pays dans ce piège et ces sacrilèges qui lui hypothèquent son avenir et les chances même de son redressement économique.

Ainsi donc, il s'accroche au parti de tout un peuple pour en détenir tout seul les nombreux dividendes qui peuvent en résulter. Il s'y accroche à la manière d'une sangsue, voulant prendre le peuple à son insu.

En coriace personnage, il revient toujours à la charge, à tout âge, ne ménageant ni son proche entourage ni même tous les gens sages en mesure de l'accrocher à tout étage et au premier virage, fut-il en épingle à cheveu.

Il veut à tout prix imiter Boumediene, mais au lieu de porter un burnous il a un faible pour la kachabia*, un goût prononcé pour la fine barbe à la place du visage rasé de près que présentait son mentor.

En effet, oui ! Disent certains bien au fait de son ascension et promotion : il est un pur produit de feu Boumediene, lui qui fut subjugué un beau jour par cette lecture tout juste acceptable mais studieuse d'un instituteur-interlocuteur, lui annonçant la bienvenue dans cette wilaya agropastorale au tout début des années soixante-dix du siècle dernier.

Depuis, c'est le mouvement bien vertical de l'ascenseur social qui le promène bien haut dans la sphère du pouvoir lui changeant à chaque fois de poste, de grade, de badge, de dimension, de propension, de protection, de promotion, de direction?

Mine de rien, mais il aura été de toutes les législatures algériennes, de celle dite inique du parti unique à celle ambivalente, trivalente et polyvalente, à la face plurielle et au fond bien traditionnel ; tantôt vantant, tantôt vilipendant, tantôt violant à répétition toutes les constitutions, à tort et à travers, à l'endroit comme à l'envers, les prenant parfois même de travers afin de jouir seul ou en petite famille de leur effet pervers?

Et pourtant le plouc n'a jamais changé de look, s'habillant toujours comme s'il allait au souk et raisonnant tout bonnement comme s'il se trouvait au sein d'un fondouk, en compagnie de ses amis maquignons-voyageurs ou habillés en kamis de grands Seigneurs.

Il aura au fil des années appris à user et bien abuser de ce langage hypocrite qu'il distille à son tour sans le moindre mérite, hormis celui de berner les gens et de demeurer éternellement indétrônable à son poste et haute fonction.

Aussi, le bédouin résiste à toutes les charges afin d'aller dans son ambition bien loin. Il ne veut plus rester dans son tranquille coin. Il cherche à gagner de précieux points ; ceux qui lui permettront de faire ce tout nécessaire lien avec ces hautes fonctions étatiques longtemps convoitées et bien considérées.

De moins en moins considéré, il se dit sidéré par cette foule de gens qui lui dénie le mérite à occuper ces fonctions de mérite, hautement significatives pour avoir toujours été la véritable antichambre du vrai pouvoir.

En vrai campagnard, il connait à l'avance le sens que prendra le vent pour se mettre à l'abri de toutes les tempêtes et réussir à échapper à tous les orages, prétextant de tous les subterfuges et cultivant l'esprit des commérages qui lui évite le calvaire des vrais et trop pénibles marécages et mauvais présages.

Depuis les années soixante-dix, l'homme a sérieusement pris de l'âge. Seulement, il cherche par tous les moyens à bien masquer ce ?''coup de vieillesse'' qui le met mal à l'aise, l'accable, l'affaiblit, le combat, l'abat et? le met à trépas.

Raison pour laquelle il presse le pas, augmente la cadence, amorce son avance, force le destin afin de tenir par le bon bout cette chance de la providence qu'il caresse du bout des doigts, salive du bout des lèvres, bien avant même de se mettre chaque soir dans son lit douillet.

Dès le lendemain, il est déjà sur le terrain, sur un autre chemin, explorant une autre piste, remuant un autre dossier, ruminant un autre projet, prenant un tout autre trajet?

Il est ainsi fait : de fourberies bien comiques et de tromperies très laconiques qui provoquent chez ses nombreux adversaires de véritables railleries, tellement elles sont en net décalage et vrai déphasage avec leur temps et les évènements du moment.

L'homme roule à la vitesse de ses combines, à la farce de sa rapine. Il n'est pas pataud mais peu penaud et bien finaud. Rusant dans tous les domaines, réalisant tous les coups entrepris. Il a toujours occupé le rang du lièvre sans être pour autant jamais concerné par cette fausse course, depuis des lustres déjà remportée par de simples ou bien vieilles tortues.

Il a pour vice cette bien vieille malice dont il ne tire à présent le moindre bénéfice ; même s'il se considère, sans le moindre indice, être déjà partant d'office et bien gagnant dans cette course qui ne va jamais à son terme.

Il ne se sent vraiment bien dans sa peau que lorsqu'il porte son chèche en guise de chapeau, prenant tout son monde de vitesse, en défaut ou à contre-pied. Emmitouflé dans sa djellaba, il espère garder l'éthique d'un homme politique hors du commun.

Depuis qu'il a pris cet escalier du pouvoir dans son sens vertical, il aura gravi à l'envi depuis le parvis, sans relâche et à la tâche, toutes ses marches sans jamais mettre le pied sur celle qui le délivre complètement, lui livrant toutes les reines du pouvoir absolu et bien total.

Cet ancien instit qui se considérait toujours telle une vraie pépite ne connait apparemment aucune limite à ce fol espoir qui l'habite depuis la nuit des temps, lui faisant subir tous ces rêves de convenance qui disparaissent au moindre mouvement matinal des cils de ses yeux qui s'ouvrent de nouveau à la vie.

Et depuis qu'il nourrit ce fol espoir, il passe toutes ses nuits accroché au crochet des puissants de la nation, espérant une quelconque déconvenue ou une fausse manœuvre afin de sauter enfin sur l'occasion, accédant pour l'occasion à cette seule marche qui lui reste pour trôner de tout son poids du haut de l'escalier du pouvoir.

Durant le règne faste du parti unique, il aura régné en grand Seigneur. Et à l'ombre du multipartisme, il n'a jamais caché le prisme de l'ex parti unique et sa mainmise sur les affaires de l'état et de la nation.

Né juste pour occuper les seconds rôles, il sait à présent qu'il ne peut être qu'un candidat de second rang, qu'un personnage de second collège qui n'aura jamais le privilège de monter sur le trône.

N'empêche qu'il court encore et toujours ce gros risque de courir toutes les rues et dans leurs deux sens en quête de ce ticket d'accès qui lui donnera enfin accès à cette hypothétique occasion de briguer cette haute fonction étatique.