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Investissement : Les attentes des patrons

par Abdelkrim Zerzouri

Craignant le statu quo au-delà même d'une révision de la législation, et de peur de ne pouvoir peser sur le changement annoncé, les patrons algériens adoptent à l'unanimité une attitude offensive à la veille de l'amendement de la loi relative à l'investissement, en vigueur depuis 2011.

Les chefs d'entreprises insistent dans ce contexte sur la consécration du principe de la «liberté d'investissement», dans le cadre d'une stratégie de développement industriel «claire» et «applicable». Chose qui fait déjà pointer le dépit des patrons face à l'actuelle législation, jugée opaque et offrant peu de liberté aux investisseurs. Interrogés par l'APS, la plupart des organisations patronales n'ont pas caché leurs appréhensions et s'accordent sur la nécessité «de libérer l'acte d'investir des contraintes qui l'entravent notamment en matière d'accès au foncier industriel et de participation étrangère dans les capitaux de projets implantés en Algérie». Les points de vues entre les pouvoirs publics et les organisations patronales ne divergent pas trop autour de la nécessité de réviser la loi relative à l'investissement, datant de 2011, une révision d'ailleurs annoncée au mois de juin dernier par le gouvernement et dont l'objectif reconnu est d'améliorer le climat des affaires et l'environnement de l'entreprise, ainsi qu'une certaine volonté de «moduler» les avantages et le soutien aux projets d'investissement en fonction des priorités de la politique économique de l'Etat et d'énoncer l'ensemble des avantages sectoriels à octroyer. Dans le souci de redynamiser l'industrie à travers une stratégie sectorielle ambitieuse, les pouvoirs publics prêtent oreille aux patrons, mais personne ne sait jusqu'où iront les concessions en la matière. En tout cas, cette volonté d'aller vers un amendement de la loi relative à l'investissement n'apaise en rien les craintes des patrons. Le patronat demande, outre l'application de la législation déjà existante dans ce qu'elle a de positif, l'octroi de plus de facilités et d'avantages à l'investissement national tout en tirant profit du partenariat étranger capable d'assurer à la partie algérienne un transfert technologique et du savoir-faire. Pour Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), le plus important dans le cadre de la future loi sur l'investissement est de garantir la liberté de l'investissement, tel que prévu par la Constitution dans son article 37. Bien évidemment, la règle 51 / 49 régissant l'investissement étranger en Algérie est au cœur des préoccupations des patrons. M. Hamiani estime à ce propos que la règle 51 / 49 bloquait les petites et moyennes entreprises (PME) étrangères, et propose de la limiter aux secteurs stratégiques, comme les hydrocarbures. «La règle ne doit pas concerner tous des secteurs comme le textile qui est un secteur créateur de richesse et d'emploi», a-t-il insisté en ajoutant que la règle 51/49 «mériterait d'être revue à la faveur d'une réalité économique plus adaptée parce qu'un investisseur, s'il ne trouve pas un environnement local favorable, il ira le chercher ailleurs».

STRATEGIE ET RELATION DU COUPLE BANQUE / ENTREPRISE AU COEUR DES SOUCIS

Pour d'autres, la révision de la loi en question n'aurait pas d'effets assez conséquents si l'on ne lui joignait pas une volonté des pouvoirs publics visant réellement la relance du secteur industriel. C'est le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Habib Yousfi, qui le souligne, estimant dans le sillage qu'une révision de la loi relative à l'investissement passe par la mise en place d'une stratégie «claire et précise» au profit du secteur industriel. Plaidant tout autant pour plus de liberté dans l'acte d'investir, le président de la CGEA indiquera que la promotion de l'investissement «ne repose pas uniquement sur la levée des contraintes mais aussi sur une vision très claire de la stratégie de l'investissement». Les moyens de développer l'industrie et stimuler l'investissement ne peuvent aboutir à de bons résultats, soutiendra-t-il encore, «car le problème est que nous n'avons pas de vision claire sur ce secteur», dira-t-il. Et pour mieux se faire comprendre quant à une révision purement technique, le président de la CGEA relève dans ce sens l'application «insuffisante» des textes de loi relatifs à l'investissement qui existent déjà. De son côté, Boualem M'rakech, président de la Confédération algérienne du patronat (CAP), préconise des stratégies sectorielles de développement de l'investissement, et ce en incitant les opérateurs à investir là où il y a un besoin d'investissement. Pour mettre fin à la pression sur le foncier industriel, M. M'rakech se dit pour la mise en place d'une cartographie nationale appropriée du foncier industriel, expliquant que le lieu d'implantation d'un projet devrait être désigné en fonction de la nature de l'investissement. Les banques ou la facilitation de l'accès au financement est une autre dimension qui préoccupe au plus haut point les patrons. Ces derniers estiment qu'il y a nécessité d'assainir les rapports entre les banques et les entreprises pour faciliter l'accès au financement pour les investisseurs. Sur ce point, M. M'rakech a appelé à l'installation d'une commission d'arbitrage qui se penchera sur la faisabilité et la solvabilité de projets d'investissement demandeurs de crédits bancaires. Bien que le secteur bancaire attende sa mue depuis des décennies, la réflexion ne manquerait pas de provoquer la sensibilité des banquiers qui disposent, eux, de tous les mécanismes pour juger si tel projet ou tel autre est bancable ou pas, sans avoir aucun besoin d'une quelconque commission d'arbitrage. «L'argent est disponible, faut-il seulement venir solliciter un financement avec l'appui d'un dossier sérieux et solide», objectent des banquiers.