Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Palestine : L'étrange silence des Etats européens

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Horrifiée par les massacres de civils à Ghaza, la rue européenne manifeste sa colère contre l'Etat hébreu. Les gouvernants, eux, se drapent dans un étrange silence et une inexplicable inertie. Israël peut-il défier indéfiniment le monde ?

L'Europe officielle, celle des chefs d'Etat et de gouvernement, affiche un visage et un regard froids, distants, presque gênés face à la tuerie en direct des Palestiniens de Ghaza. Sa préoccupation majeure devant ce désastre humain : comment éviter « l'importation » du conflit israélo-palestinien chez elle ? Car la rue européenne, elle, manifeste, dénonce et crie son abjection du massacre des enfants, femmes, vieux? des civiles palestiniens par l'armée israélienne. Ce qui inquiète les dirigeants européens, c'est ce fossé qui se creuse entre eux et leurs opinions publiques dans « l'interprétation » de ce qui se déroule en Palestine. L'Europe officielle montre son acceptation du fait colonial en Palestine, elle abdique devant l'arrogance et la violence des gouvernants israéliens, de leur violation du droit international et leur mépris de plus de 30 résolutions du Conseil de sécurité de l'Onu qui ont, rappelons-le, un caractère impératif, c'est-à-dire que si elles ne sont pas respectées, elles entraînent des sanctions immédiates, y compris l'emploi de la force armée pour les faire respecter.

Du coup, comment ne pas s'interroger sur le pourquoi de cette impunité d'Israël et son défit au reste du monde ? Comment ne pas s'interroger sur l'inertie des gouvernements européens (et occidentaux d'une manière générale) qui s'apparente, à juste titre, à de la complicité avec les gouvernants d'Israël ? Pourquoi une telle injustice, de telles violences, de tels massacres sont imposés aux Palestiniens, chez eux, sans que l'Occident civilisé et jaloux du respect des droits humains réagisse en conséquence ? Pourquoi l'Europe et l'Onu qui ont attribué 18% du territoire palestinien à Israël en 1948, se taisent-elles face à la colonisation du reste de la Palestine ?

Aujourd'hui, le rapport géographique est inversé : 18% des terres pour les Palestiniens et tout le reste pour Israël. Plus révoltant : les colonies se poursuivent dans ce qui reste de la Palestine, composée de deux enclaves séparées, et l'assassinat des Palestiniens se poursuit depuis toujours.

Conclusion logique : Israël ne veut pas d'un Etat palestinien, malgré la comédie des négociations politiques et du fameux processus de paix. Israël veut toute la Palestine et plus puisque les ultra-sionistes revendiquent le Sud Liban, le Golan syrien occupé depuis 1967 et n'en déplaise à l'Egypte, le Sinaï. Partant de ce constat, pourquoi nier le droit aux Palestiniens de résister, de combattre pour leur liberté puisque l'Onu, l'Europe et même les Etats arabes les ont abandonnés ? Au nom de quel principe de droit ou de morale peut-on interdire aux Palestiniens de résister, qui plus est, avec leurs maigres armes ? Dans la tragédie qui se déroule sous nos yeux, plus de 1.500 morts en très grande majorité des civils et des milliers de blessés côté palestinien, alors que les 59 morts côté israélien sont tous des militaires entrés sur le sol de Ghaza.

Les combattants du Hamas visent les militaires qui attaquent les civils, alors que l'armée israélienne tue des enfants, des femmes et des vieux. Qui des deux camps respecte les règles de la guerre, si tant est qu'il y en ait ? Qui d'entre les deux peut se prévaloir de défendre une cause juste avec bravoure, honneur et sacrifice du sang ? L'opinion publique européenne est consciente du droit des Palestiniens à résister et à se battre face à un ennemi à la force militaire gigantesque bénéficiant, de surcroît, de la complicité et du soutien des gouvernants européens et américains. Devant la colère de la rue européenne, les gouvernants répondent par la crainte d'une recrudescence de l'antisémitisme et de la violence communautaire. Autrement dit, il faut se taire face aux crimes d'Israël, son occupation de la Palestine et son défi à la communauté internationale sous peine de réveiller le sentiment antisémite en Europe.

Terrible aveu d'impuissance révélateur du poids et sentiment de culpabilité des gouvernants européens pour leur participation à la Shoah contre les Juifs durant la 2ème Guerre mondiale.

Aujourd'hui c'est Israël qui pratique une politique raciste et d'apartheid en Palestine. Ghaza est un immense camp de concentration et d'extermination du peuple palestinien. De victimes des Européens, les Juifs d'Israël sont devenus bourreaux des Palestiniens. Et certains bien-pensants continuent d'affirmer qu'Israël est une démocratie exemplaire ! Les peuples européens savent ce que signifie la démocratie et sont horrifiés par la nature criminelle de l'Etat d'Israël. Ils le font savoir avec leurs moyens : manifestations de soutien et sympathie pour le peuple martyr de Palestine. Et tant que la colonisation israélienne se poursuit, la résistance palestinienne est légitime et se poursuivra. L'Europe des gouvernants, de par sa responsabilité historique dans le conflit, vivra des tensions communautaires chez elle. L'Europe ne peut se départir de sa responsabilité dans le drame palestinien. Elle est en devoir d'agir pour ne pas permettre une autre Shoah dans le chef des Palestiniens aujourd'hui.