Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La polémique enfle : Un 14 Juillet pas comme les autres

par Abdelkrim Zerzouri

On n'en est pas aux déchaînements des passions, mais les réactions, à la suite de la confirmation de la participation de l'Algérie, aux cérémonies de célébration du 14 juillet, qui coïncide, cette année, avec le centenaire de la 1re Guerre mondiale 14-18, n'ont pas dévié d'une certaine ligne de conduite adoptée, des deux côtés de la Méditerranée, par des organisations de masse, des partis politiques et autres personnalités.

En Algérie, le secrétaire général de l'Organisation nationale des Moudjahidine (ONM), Said Abadou, a réaffirmé sa position, en déclarant à TSA: «Je suis contre cette participation. Les moudjahidine sont contre cette participation et on l'a déjà fait savoir». Même langage, dans sa portée, tenu par Abderrazak Mokri, le responsable du MSP, qui, lui, n'y va avec le dos de la cuillère, pour dénoncer la participation de l'Algérie au défilé militaire qui aura lieu le 14 juillet, à Paris, sur les Champs Elysées. «Comment peut-on honorer la participation des Algériens alors qu'ils ont été forcés à faire la guerre, qu'ils ont été massacrés dans les tranchées, qu'ils étaient la chair à canon à offrir aux Allemands, aux Nazis. Et cela pour la liberté de la France et pas de l'Algérie. À l'issue de la guerre, les Algériens ont été trahis. Il y a eu les massacres de Mai 1945 ! », s'est-il indigné dans cet entretien accordé à TSA. En termes véhéments, M. Mokri insiste à dire que « la politique étrangère algérienne repose sur le patrimoine de la guerre de Libération. Entre les Algériens et les Français, il y a un contentieux. Les militaires algériens ne doivent pas défiler avec les militaires français. Il y a une histoire entre nous. Et les Français refusent la repentance alors qu'ils demandent, toujours, aux Turcs, un acte de repentance par rapport à ce qui s'est passé avec les Arméniens. Nous sommes des enfants de Chouhada et de Moudjahidine. Nous revendiquons la repentance et l'indemnisation ». Ce sont là presque les seules voix qui se sont élevées, publiquement, contre la participation de l'Algérie à la cérémonie du 14 juillet, à Paris. Et le chercheur associé à l'IRIS et spécialiste de l'Algérie, M. Saad Khiari, n'a pas, totalement, tort de nuancer ces réactions en déclarant qu'il a quitté Alger, dimanche (7 juillet) et qu'il n'a pas constaté de réactions négatives à ce propos. «J'ai même été surpris par l'absence d'intérêt, y compris dans la presse, dans son ensemble», a-t-il signalé. Les avis divergent, parfois au sein d'une même famille politique. A l'enseigne de la réaction de M. Aboudjerra Soltani, cadre et ex-président du MSP, dont le fond va à l'opposé de l'actuel chef du parti, M. A. Mokri, en l'occurrence. Contrairement à ce que soutient ce dernier, M. Soltani estime qu'il ne voit aucun inconvénient à la participation de l'Armée algérienne au défilé militaire des Champs Elysées. A condition, précisera-t-il, que cela soit un prélude à la reconnaissance et aux excuses de la France officielle, qui doit dédommager les victimes de ses crimes, notamment les victimes des essais nucléaires. De leur côté, certains avis d'historiens relèvent le fait que durant la 1re Guerre mondiale, l'Algérie était un département français, et les Algériens qui avaient pris part à la 1re et à la 2ème Guerre mondiale, ne l'ont pas fait de leur propre gré.

Du côté de l'Hexagone, l'extrême droite (le FN et Rassemblement Bleu Marine, ndlr) est montée au créneau, il y a de cela un mois, concernant cette participation algérienne. Selon les dirigeants du parti, « la présence de l'armée nationale algérienne pose un problème politique et un problème moral grave », selon «Le Parisien». Le 13 juin dernier, le député «Rassemblement Bleu Marine» (RBM), du Gard postait sur son compte Twitter : «Signons la pétition contre le défilé des troupes algériennes, à Paris». Une déclaration accompagnée d'une initiative de Louis Aliot, vice- président du FN : la création du collectif «Non au défilé des troupes algériennes, le 14 juillet 2014 » qui regrouperait des organisations patriotiques, d'anciens combattants, des harkis et des rapatriés. D'un autre point de vue officiel, exprimé, celui-là, par le ministère français de la Défense, on estime que «c'est une preuve que la France est rentrée dans une phase pacifiée avec l'Algérie». Suivi, dans ce raisonnement, par Saad Khiari, chercheur associé à l'IRIS et spécialiste de l'Algérie, qui considère que cette invitation de la France «exprime un pas de plus vers la normalisation des rapports, entre les deux pays. C'est un travail qui aurait dû être fait depuis longtemps.

Du côté algérien, je pense que le geste a été apprécié, même si cela arrive (hasard du calendrier ?), au moment où la France a besoin d'un allié sûr aux frontières du Sahel ». Et d'ajouter : « Les deux pays ont intérêt à établir, de manière définitive, des relations décomplexées et sereines et un partenariat véritable ».