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Ukraine : La solution militaire privilégiée

par Yulia SILINA Et Galina KORBA De L'afp

Encouragée par la reconquête des places fortes séparatistes de Slaviansk et Kramatorsk, l'armée ukrainienne poursuivait hier sa marche sur Donetsk, où les rebelles prorusses ont appelé à leurs partisans à un rassemblement place Lénine. Ce premier succès important remporté sur le terrain incite Kiev à préférer une solution militaire au détriment de la voie diplomatique promue par Moscou et soutenue par les Européens. Drapeau ukrainien triomphalement hissé à Slaviansk, visite sur place du ministre de la Défense, félicitations présidentielles et décoration des soldats qui se sont distingués dans l'opération: le succès des forces armées, contrastant avec les humiliations subies au début de la rébellion séparatiste occupait tout l'espace politique et médiatique samedi et dimanche. Le président Petro Porochenko a clairement indiqué que l'offensive militaire allait se poursuivre. »Mon ordre reste en vigueur: il faut renforcer l'encerclement des terroristes. Poursuivre l'opération pour libérer les régions de Donetsk et Lougansk», a-t-il dit dans un message lu à la télévision. »Je suis loin de céder à l'euphorie. La situation est très difficile. Les terroristes se retranchent dans les grandes villes et nous avons beaucoup d'épreuves devant nous», a encore ajouté le président ukrainien. D'après des indications officielles et confirmées par les rebelles, les forces de Kiev, appuyées par des formations de volontaires, poursuivent leur marche vers le sud. Le commandant du bataillon de volontaires Donbass, Semen Smentchenko a ainsi annoncé que les combattants rebelles avaient quitté les villes de Droujkivka et Kostyantynivka, situées entre Slaviansk et Donetsk. Si à Donetsk même la situation était calme dimanche matin, des tirs d'artillerie étaient entendus dans la zone de l'aéroport, que se disputent toujours les forces gouvernementales et les rebelles, ont rapporté des correspondants de l'AFP. Et la tension était évidente du côté des séparatistes. «Donetsk prépare sa défense. Toutes nos forces sont concentrées précisément ici. L'attaque des nazis (qualificatif utilisé par les rebelles à l'égard des autorités de Kiev - NDLR) sera repoussée dans tous les cas. Le Donbass ne sera pas mis à genoux», a lancé sur son compte Twitter l'un des principaux leaders rebelles, Denis Pouchiline.

«DONETSK SERA UN TOURNANT»

«Nous avons quitté cette nuit Droujkivka et Kostyantynivka, mais la défense de Donetsk sera un tournant. Nous l'emporterons», a-t-il ajouté dans un autre message. Le rassemblement prévu dans l'après-midi à Donetsk a choisi pour mot d'ordre : «Sauver les habitants de Donetsk de l'armée ukrainienne». Un autre dirigeant rebelle, Igor Strelkov - qui serait, selon Kiev, un officier du renseignement militaire russe - a annoncé dans une interview à une télévision russe qu'il allait créer lundi un «conseil militaire central» pour mieux coordonner la défense. Sur le plan diplomatique, la réunion du groupe de contact, qui en principe aurait dû se tenir samedi, apparaissait oubliée à Kiev. Décidée mercredi dernier à Berlin, cette rencontre de représentants de Kiev, Moscou, de l'OSCE et des rebelles était censée réamorcer la négociation. Mais elle était perçue avec un scepticisme à peine dissimulé à Kiev, où l'on fait dépendre toute solution politique de l'acceptation par les rebelles et Moscou de la reprise par l'Ukraine du contrôle de sa frontière avec la Russie. Formellement, la rencontre du groupe de contact s'est heurtée à des divergences sur le lieu de la rencontre. Sans se décourager, la Russie a continué à oeuvrer pour qu'elle ait lieu, y compris après la chute de Slaviansk. Son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov s'en est entretenu samedi par téléphone avec ses homologues allemand et français, insistant sur l'urgence d'une telle réunion accrue du fait de l'opération militaire ukrainienne, et invoquant «de nombreuses victimes civiles et la destruction d'infrastructures». Il a obtenu l'appui de ses interlocuteurs, selon un communiqué de la diplomatie russe. Pour l'analyste ukrainien de l'Institut de coopération euro-atlantique, Volodymyr Gorbatch, la prise de Slaviansk et de Kramatorsk «confirme la justesse des positions des Ukrainiens qui demandaient le passage à la phase active de l'opération (militaire) de préférence à une trêve et à des pourparlers sans fin qui gèleraient le conflit comme en Transnistrie ou en Abkhazie», deux régions séparatistes prorusses. »Pour accélérer le retour à la paix dans le Donbass, nos alliés allemands et français devraient faire pression sur la Russie et non sur l'Ukraine», a-t-il affirmé à l'AFP, jugeant que la solution doit être trouvée avant tout »sans ingérence de la Russie».