Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Palestine, le grand perdant

par Moncef Wafi

A travers la recrudescence de la violence qui ne se limite plus aux territoires occupés mais s'étend maintenant aux  Arabes israéliens, le scénario d'une troisième intifada se précise de plus en plus. Les Palestiniens qui ont décidé d'opter pour une «intifada blanche», une sorte de résistance non violente, risquent de revoir leurs copies après une véritable campagne de vendetta orchestrée par les colons juifs israéliens. Ces derniers, voulant venger les trois jeunes israéliens retrouvés assassinés avec comme principal suspect le Hamas palestinien, sont passés à l'acte.

Une sauvagerie et une barbarie innommables ont accompagné le meurtre dans des conditions horribles de Mohammad Abou Khdeir, enlevé dans son quartier à El Qods-Est avant d'être brûlé vif. L'onde de choc ne cesse de se répercuter sur tous les Palestiniens et risque fort d'être l'élément déclencheur d'une contestation à plus grande échelle. Ce début d'intifada est sérieusement préoccupant pour toutes les parties qui ont des intérêts dans la région pour faire réagir le Premier ministre de l'Etat hébreu, appelant au calme, lui qui d'ordinaire est prompt à verser de l'huile sur des débuts de feu. Les expéditions punitives se poursuivant, avec le passage à tabac d'un autre jeune Palestinien kidnappé par des «colons israéliens fanatiques» et laissé pour mort, la situation déjà explosive risque de déraper vers l'émeute généralisée et aucun signe d'apaisement ne semble poindre à l'horizon.

Faisant dans la surenchère, des groupes extrémistes parmi les colons et dans l'armée ont investi les réseaux sociaux appelant à tuer les Palestiniens sous le slogan de «ils doivent payer le prix». Face à cet embrasement, Benjamin Netanyahu a appelé hier au calme craignant une nouvelle escalade à Gaza ainsi que la propagation des affrontements à des villes arabes dans le sud d'Israël. Evoquant ce cas de figure, le quotidien Israel Hayom, réputé proche du cabinet du Premier ministre, explique qu'Israël est confronté au risque de la pire éruption de violence à l'intérieur de ses frontières depuis 1967 et qu'en conséquence une gestion du dossier allant dans la direction de l'apaisement est plus que souhaitable.

Mais le problème réside cette fois-ci dans le «partenaire» d'Israël, Mahmoud Abbas, également la cible de la colère des Palestiniens. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est depuis longtemps accusé de complaisance à l'égard d'Israël, mais cette affaire pourrait avoir raison de son poste. On lui reproche aussi sa mollesse à l'égard d'Israël et de sacraliser les accords sécuritaires avec l'ennemi de toujours. Les jeunes Palestiniens le critiquent pour s'être montré discret après la mort de l'adolescent palestinien alors qu'il s'était fortement impliqué après l'enlèvement des trois jeunes Israéliens. L'opposition ne vient pas seulement de la rue mais aussi de l'intérieur même du comité central du Fatah qu'il a largement domestiqué, pour reprendre l'expression de l'éditorialiste Abdelbari Atwan.

Pour clore, le Yediot Aharonot, un autre quotidien israélien, résumait ainsi la situation : «Personne ne veut que la situation dégénère. Netanyahu, Mechaal et Abbas redoutent un conflit armé qui détruirait l'arrangement existant : le Hamas y perdrait le contrôle de Gaza, l'Autorité palestinienne celui de Ramallah et le gouvernement israélien ne résisterait pas à un tel bourbier».